•  Hier, j'étais invitée par l'Université Paris-Diderot, dans le cadre des "Entretiens des Grands Moulins" à aller assister à  un entretien entre Bartabas et Francis Marmande, précédé par la projection du film "La voie de l'écuyer" que Bartabas a réalisé à partir du spectacle qu'il donne dans la Grande Ecurie du Château de Versailles chaque week-end et que je vous conseille fortement d'aller voir.

    Le film dure une bonne heure mais à regarder le ballet des chevaux et des écuyères, la musique de Bach aidant, celle-ci passe comme une lettre à la poste.

     Propos de Bartabas 

     "Demander souvent, se contenter de peu, récompenser beaucoup : là réside le secret de laisser le cheval frais, sur une bonne impression pour la leçon suivante."

     "Pour moi, il n’y a pas de transmission du savoir équestre sans développement d’une sensibilité artistique. C’est pourquoi, ici, l’apprentissage du dressage se conjugue avec la pratique de la danse, du chant, de l’escrime artistique ou du Kyudo…"

     C'est en effet à un spectacle varié donné par les écuyers et l'écurie de l'Académie que nous avons assisté pour notre plus grand plaisir. Pour votre gouverne, le Kyudo (littéralement la voie de l'arc) est un art martial japonais issu du tir à l'arc guerrier.

      Anecdote 

    Le manège de la Grande Écurie a été conçu comme un décor de théâtre avec, en clin d’œil à la Galerie des Glaces, les lustres en verre de Murano et les miroirs où chevaux et cavaliers se reflètent à l’infini. La simplicité des matériaux, l’assemblage de poutres et de planches rappellent les constructions éphémères de Versailles autrefois. Cette architecture légère et mobile est inspirée par le théâtre Farnèse de Parme.

    Les écuries ont été aménagées en tenant compte de l’harmonie des volumes, des contraintes liées au fonctionnement de l’Académie et du bien-être des chevaux. Les box ont remplacé d’anciennes stalles : ils sont très simples, élégants et spacieux et surmontés d’éclairages verticaux torsadés, une référence contemporaine aux licornes.

    Après le film, Bartabas s'est exprimé (plus qu'il n'a répondu aux questions de Francis Marmande !) car... il est très loquace quand il s'agit de parler de son art et de l'Académie équestre. Celle-ci a été fondée en 2003 et les spectacles qu'elle donne restent inchangés au fil des années, même s'ils évoluent bien sûr parallèlement au travail des écuyers.


    votre commentaire
  • Ce dimanche, je suis allée écouter la flûte enchantée au Grand Auditorium de l'Ecole des Arts et Métiers. C'était un spectacle proposé par "Les Dimanches musicaux de Paris" qui, depuis la fin des années 80, proposent des concents gratuits de musique classique dans des églises de la capitale. Aujourd'hui, à l'Auditorium des Arts et Métiers, la place n'était qu'à 12 euros : ça ne se refuse pas...

     Mozart a composé la flûte enchantée en 1791 : il n'avait que 35 ans et mourut la même année... Voici un bloc de timbres allemand émis en 1991 pour commémorer le bicentenaire de l'oeuvre du musicien. Il représente le fameux oiseleur Papageno.

     BLoc-Mozart-la-flute-enchantee.jpg

     L'argument de cette pièce en deux actes est complexe.

     Le prince Tamino, égaré en voyage dans un pays inconnu, est attaqué par un serpent. Il est sauvé par les trois dames d'honneur de la Reine de la nuit. Papageno, l'oiseleur, se vante auprès de lui d'avoir tué l'animal mais les trois dames le punissent de son mensonge en le réduisant au silence à l'aide d'un cadenas d'or. Les trois dames expliquent à Tamino que ce sont elles qui lui ont sauvé la vie et lui parlent de Pamina, la fille de la Reine de la nuit en lui montrant son portrait. Tamino tombe immédiatement amoureux de la jeune fille. Mais Pamina a été enlevée par Monostatos, le serviteur maure de Sarastro. Tamino et Papageno vont partir pour tenter de la délivrer. Ils sont aidés dans cette entreprise périlleuse par une flûte enchantée que Tamino reçoit des mains des trois dames tandis que Papageno se voit offrir, lui, un carillon magique.

     Tamino, Papageno et Pamina enfin réunis, se voient soumis à une série d'épreuves par Sarastro qui, avec la complicité des Dieux, a décidé de les marier. La première épreuve consiste en une quête de la vérité. Tandis que Tamino oppose un silence résolu aux trois dames d'honneur de la Reine de la nuit venues les questionner, Papageno, lui, ne peut s'empêcher de leur parler... Les prêtres de Sarastro félicitent Tamino et blament Papageno... Pendant ce temps, la Reine de la nuit ordonne à sa fille de tuer Sarastro à l'aide du poignard qu'elle lui fournit tandis que Tamino et Papageno sont toujours soumis à la loi du silence par les prêtres de Sarastro. Comme toujours, Papageno ne peut se maîtriser et engage la conversation avec une vieille femme qui disparait avant de lui avoir dit son nom... Pamina, ignorante de l'épreuve à laquelle sont soumis les deux amis, pense que son bien-aimé la délaisse et songe au suicide. Papageno, lui, chante son désespoir de ne pas trouver l'âme soeur : il s'accompagne de son carillon et... la vieille femme réapparaît le menaçant des pires tourments s'il ne consent pas à l'épouser. Il lui jure alors fidélité et elle se découvre être une belle jeune et femme, Papagena.

    A la fin de l'acte II, Pamina et Tamino seront réunis ainsi que Papageno et Papagena.

    L'Orchestre Symphonique et Lyrique de Paris et les choeurs de l'Opéra du Lys étaient dirigé par Carlos Dourthé, violoncelliste d'origine chilienne ayant complété sa formation musicale au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris. Assistant de Kurt Mazur, il a travaillé avec de nombreux artistes tels que Jean-Pierre Rampal ou encore le Quatuor Amadeus.

     Distribution

     Samy CAMPS : Tamino

     Shigeko HATA, Pamina

    Odile HEIMBURGER : la Reine de la nuit

    Guillaume OLRY : Sarastro

     Juliette PERRET : Papagena

    Marc SCOFFONI : Papageno

    Johan VIAU : Monostatos

     J'ai adoré Marc Scoffoni dans le rôle de Papageno : ce jeune et beau baryton vivait pleinement son rôle même s'il s'agissait d'une version de concert : un côté espiègle qui n'a pas échappé au public qui l'a beaucoup applaudi.

     Le voici en compagnie de sa Papagena

     Papageno et Papagena

     L'air de Papageno


    Beaucoup de finesse aussi dans l'expression du chant chez Shigeko Hata.

    Une Pamina bien jolie, de surcroît.

    Pamina

     L'ensemble de la distribution était de grande qualité.

     On pouvait lire le résumé des scènes sur l'écran situé derrière les chanteurs : pratique pour s'y retrouver dans cette histoire à rebondissements ! Ici, les trois dames d'honneur de la Reine de la nuit remettent la flûte enchantée à Tamino et le carillon magique à Papageno.

    Papageno Tamino et les 3 dames

    C'est déjà fini...

    Final

     A droite, Carlot Dourthé, le Chef d'Orchestre, applaudit les chanteurs et les musiciens.

     Applaudissements

     Moi je dis : bravo les Dimanches Musicaux !


    votre commentaire
  •  Cette semaine, je suis allée écouter une conférence de la Société d'Histoire et d'Archéologie du 13ème arrondissement donnée par Madame Marguerite David-Roy dans les locaux de la Mairie. Son titre : l'habitat social dans le 13ème entre 1880 et 1930.

     En 2012, on fête en effet le centenaire de la création des HBM, les habitations à bon marché, dont le premier bâtiment a été construit dans le 13ème, rue Jeanne d'Arc.

     Extraits de la conférence

     Au milieu du 19ème siècle, le 13ème a connu une forte augmentation démographique du fait de l'implantation de nombreuses usines pourvoyeuses d'emploi : on vit arriver non seulement des provinciaux mais aussi nombre d'étrangers (italiens, russes, polonais, algériens, allemands etc...). Le manque de logements se fit alors cruellement sentir. Un grand nombre de ces travailleurs trouvèrent à se loger dans des hôtels meublés, sortes de "chenils", a-t-on écrit, que l'on nommait "Hôtels garnis". A Paris en 1882, 250.000 personnes étaient ainsi logées, entassées dans des chambres exigües et sans aucun confort.

     Des propriétaires de terrains généreux (ou qui y trouvèrent aussi leur intérêt) tentèrent de remédier à ce manque de logements. Ainsi naquit la Cité Doré du nom de son propriétaire, fonctionnaire de l'Ecole Polytechnique. Celui-ci possédait un vaste terrain à la barrière des deux moulins dans le quartier de la rue Jeanne d'Arc. Il le découpa en parcelles qu'il mit en vente, au mètre, à petit prix ou à la location pour des artisans ou des ouvriers à faible revenu. Rapidement ce lotissement devint une véritable cour des miracles et fut envahi par des baraques de chiffonniers : nid à rats et foyer d'épidémies.

     4, place Pinel - Cité Doré - Villa Bernard-copie-1

     Le rapport de la Commission des logements insalubres du 30 juillet 1853 avait été accablant pour ce lieu dont les implantations disparurent à partir de 1905 (rappelons que le 30 juillet 1850 avait été votée une loi donnant les premiers règlements d'expropriation des taudis insalubres).

     Un autre exemple bien connu de ces sortes de cités : la Cité Jeanne d'Arc située entre la rue Jeanne d'Arc et la rue Nationale, construite en 1873 par un certain Monsieur Thuilleux. En voici la description extraite de la Revue philanthropique de 1911.

     "Un passage traversait la cité : plusieurs immeubles de 6 étages entouraient des cours intérieures de 5 mètres de large où le soleil ne pouvait pénétrer. 2500 personnes vivaient là réparties dans 887 logements dont 540 constitués d'une seule pièce. Les conditions d'hygiène étaient épouvantables. Ouvriers, chiffonniers, hors la loi y cohabitaient et les rixes étaient fréquentes. La police ne s'y aventurait guère... Sa démolition avait été envisagée en 1911 mais ce n'est qu'en 1935 que ce refuge de miséreux disparut du paysage."

     Heureusement, des médecins hygiénistes avaient alerté les pouvoirs publics sur les conditions de vie des ouvriers et, des banquiers, des industriels et des mécènes passèrent à l'action en créant ou en faisant appel à des sociétés privées pour pallier au manque de logement et à l'insalubrité. Parmi ces sociétés, la Société anonyme d'habitation économique de Paris, la Société des logements hygiéniques à bon marché, le Groupe des maisons ouvrières, la Société La Petite Chaumière.

     Après avoir laissé l'initiative à ces sociétés privées, les pouvoirs publics se décidèrent à intervenir. A partir de 1911-1912, la Ville réserva des terrains et lança plusieurs concours mais la guerre intervenant, bon nombre des constructions ne se réalisèrent qu'après la fin des hostilités.

     En 1914 avait été fondé l'Office Public des HBM de la Ville de Paris (l'actuel Paris Habitat - ou la RIVP voir commentaire en bas de page). Après que le ministre du travail Louis Loucheur eut fait voter le 13 juillet 1928 la loi qui porte son nom, par laquelle l'état avançait aux organismes près de 90% du prix de revient, s'élevèrent de nombreuses HBM (que l'on nommera plus tard HLM).

     Il y a deux sortes de HBM dans le 13ème arrondissement : les lotissements pavillonnaires et les immeubles collectifs. Les lotissements pavillonnaires doivent obéir à des règles : ils doivent se situer en bordure de rue ou d'impasse et posséder un petit jardinet. Il y en a de nombreux exemples dans les 13ème.

     Voici celui de la rue de la Colonie (la rue porte ce nom à cause de la colonie de chiffonniers qu'y s'y était implantée au milieu du 19ème siècle).

     HBM Pavillonnaires de la rue de la Colonie

     Voici ceux de la rue Henri Pape

     HBM Pavillonnaires de la rue Henri Pape

     La Villa Daviel (1914)  et la Petite Alsace (1912) en sont un bon exemple aussi.

     HBM Pavillonnaires de la Villa Daviel

     Inauguration de la Petite Alsace (1913) : 40 maisons accolées deux à deux autour d'une cour commune. Elle a été construite par Jean Walter, un architecte alsacien.

    La naissance du logement social à Paris

    Ici, l'un des 44 pavillons de la Villa Auguste Blanqui (1913)

     HBM Pavillonnaires - Villa Auguste Blanqui

     La Cité florale est constituée d'un ensemble de 68 maisons : elle date de 1925 et voisine maintenant avec les tours du 13ème... Il semble par contre qu'elle n'ait jamais eu de caractère social.

     HBM-Cite-florale-4.jpg

     Les immeubles collectifs quant à eux ne doivent pas avoir plus de 6 étages (plus un étage mansardé) et les appartements ne doivent pas mesurer plus de 35 m² : ce sont majoritairement des 2 pièces. Ils sont construits, tout comme les lotissements pavillonnaires, en brique. Il y en a de nombreux dans le 13ème.

    L'un des plus renommés est celui de la rue Brillat-Savarin qui fut construit grâce, si on peut dire, à l'expulsion de 25 familles de chiffonniers et de cambruriers (personnes dont le métier consistait à dépecer les vieilles chaussures pour en récupérer le matériau).

     Il possède un décor "art déco" surprenant.

     HBM-Brillat-Savarin-3-copie-1.JPG

    HBM Brillat-Savarin

     Il y a aussi la Fondation Singer-Polignac (construite par Georges Vaudoyer en 1911) au 72, rue de la Colonie. Winnaretta Singer, princesse Edmond de Polignac, est l'héritière des machines à coudre Singer. Sa mère, française, aurait servi de modèle pour la Statue de la Liberté ? Ce fut une grande mécène.

    Le bâtiment comporte, outre les logements, 40 petits jardins individuels au fond de la cour avec une fontaine de puisage pour l'arrosage des légumes. La Fondation interdisait l'installation de cafés à proximité. Sur la photo ci-dessous, on aperçoit l'église Sainte-Anne de la Butte aux Cailles aujourd'hui cachée par des immeubles.

    La naissance du logement social à Paris

     Une conférence très intéressante

     Suite à cette conférence, j'ai éprouvé l'envie d'en savoir un peu plus sur l'invention de ce type de logements au 19ème siècle. Je m'appuie dans ce qui suit sur une conférence donnée sous l'égide de la Cité de l'Architecture et du Patrimoine par Madame Marie-Jeanne Dumont, architecte et historienne.

     Tout commence par le constat d'insalubrité d'un certain nombre d'îlots parisiens où se trouvent logées des familles ouvrières dans des conditions d'hygiène déplorables. Il n'est pas rare à l'époque que la femme ayant accouché dépose son bébé le jour même dans un "coffre à clapet" aménagé dans la façade d'une institution religieuse pour l'y abandonner faute de pouvoir l’accueillir dans une maison digne de ce nom. Ayant actionné une poignée, celle-ci déclenche une sonnerie signalant la présence du bébé : c'est plus simple que l'accouchement sous X !

     Sur cette image, une femme montre le coffre en disant à son mari :

    "Notre enfant... Eh bien voilà : je l'ai mis là !"

     Coffre-a-clapet-pour-nouveaux-nes.JPG

     Le constat est là : il n'y a pas de famille ouvrière car il n'y a pas de logement pour les ouvriers. Le 19ème siècle va s'attacher à créer la famille ouvrière, souvent assimilée à une classe dangereuse, en lui fournissant un logement. Voici donc le logement vu comme un problème sanitaire, éducatif, social, urbain, quelque chose de global par lequel on va socialiser l'ouvrier, éduquer l'enfant, former de bons ouvriers pour la France de demain, de bons soldats, encourager la natalité, réduire l'alcoolisme, réduire la mortalité infantile etc. etc... Un vaste programme donc !

     Parmi tous les problèmes, l'un des plus importants est celui des contagions urbaines. Au 19ème siècle le grand fléau urbain, c'est le choléra, mais c'est une "maladie intermittente" en ceci qu'il fait 10.000 morts puis s'endort pour 15 ans avant de se réveiller à nouveau. Par contre, la tuberculose, elle, est beaucoup plus dangereuse.

     Voici une carte recensant les morts dans les quartiers de Paris dues à la tuberculose en 1906. Elle a été établie à partir du "casier sanitaire des maisons de Paris" constitué de 80.000 dossiers qui ont été ouverts enregistrant tous les décès par la maladie en fonction du type de logement des familles concernées. Les zones grisées sont celles les plus touchées : on voit nettement que les quartiers est et sud sont beaucoup plus touchés que les beaux quartiers où l'habitat est plus sain. Ce qu'on y voit aussi, ce sont (en noir) les 6 ilots absolument insalubres. Il faut savoir qu'à cette époque, il y a 150.000 morts en France par la tuberculose dont 10.000 à Paris. Les statisticiens disent que si l'on loue un logement dans l'un de ces ilots insalubres, on est sûr d'y mourir en 10 ans !

     Carte des morts par tuberculose à Paris en 1906

     Carte-de-la-tuberculose-1.JPG

     En 1920, les 6 ilots insalubres sont devenus 17... Il y a, entre autres, le Marais bien sûr, le plateau Beaubourg, Ménilmontant, le quartier du Jardin des plantes et le Faubourg Saint-Antoine.

     Carte-de-la-tuberculose-2.JPG

     On parle d'un véritable cancer avec des métastases : la tuberculose est devenue l'ennemi public N°1. Le fait médical indéniable que le bacille de Koch prolifère à l'ombre et est tué par les rayons du soleil va accréditer l'idée qu'on peut faire reculer la tuberculose en éradiquant les ilots insalubres mais que ceci n'est pas suffisant et qu'il faut, en outre, réformer l'habitat : pas de fenêtres au nord, pas de courettes, pas de rues étroites, de la verdure etc. etc...

    Les politiques lancent un défi aux architectes : il faut réformer l'habitat !

    C'est la Société Civile qui va s'en charger en faisant appel à la générosité des classes possédantes : on propose aux gens d'investir dans des Sociétés Immobilières "vertueuses" à but faiblement lucratif proposant un taux de 4% (le rendement de la Caisse d'Epargne de l'époque + 1%) pour permettre aux architectes volontaires (les jeunes générations) de construire du logement social pour les familles ouvrières en contribuant ainsi à éradiquer la tuberculose.

    Le premier immeuble à être construit est situé rue Jeanne d'Arc, dans le 13ème.

    Malgré tout, les capitalistes attendus ne se pressent pas au portillon et il faut bien reconnaître que l'idée ne fait pas recette. Ce projet est donc abandonné en 1905.

    Heureusement, un mécène se déclare alors et non des moindres puisqu'il s'agit de la Banque Rothschild. Un grand concours d'architectes est lancé qui va drainer toute l'élite architecturale de l'époque. Les concurrents sont au nombre de 200, ce qui pour l'époque est beaucoup. Les concurrents primés sont ceux qui ont privilégié la lumière et l'air dans les logements et le lauréat est Augustin Rey.

     L'ilot qui sera construit sur les plans d'Augustin Rey se trouve dans le Faubourg Saint-Antoine, rue de Prague plus précisément. Il s'agit comme vous le voyez d'un immeuble luxueux possédant de grandes fenêtres et, comme il se doit une cour ouverte.

     Fondation Rotschild 8, rue de prague paris 12

     En outre, il bénéficie d'un confort maximum : cages d'escaliers avec grands vide-ordures fermés par des clapets, bains-douches, lavoir automatique pour les ménagères, dispensaire pour les nourrissons, infirmerie avec salle d'opération, cuisine collective où sont vendus des plats diététiques (on vient acheter ses plats à de petits guichets car il n'y a pas de restaurant : les familles doivent partager leur repas à la maison), garderie enfantine pour les nourrissons et les enfants qui ne sont pas d'âge scolaire, garderie du soir pour les enfants en âge scolaire (les enfants y sont encadrés pour faire leurs devoirs et peuvent bénéficier d'activités culturelles), salles mortuaires mise à disposition des familles (plus de veillée mortuaire à la maison : ce n'est pas hygiénique), et enfin ateliers pour les artisans ébénistes (nous sommes dans le Faubourg... : plus de danger avec les machines pour les enfants des artisans). Les ménagères peuvent même louer une machine à coudre pour faire des petits travaux de couture et/ou se payer une heure d'électricité !

    Le dispensaire pour les nourrissons

    Dispensaire de la Fondation Rotschild

     La garderie enfantine

     Garderie enfantine de la Fondation Rotschild

    La garderie du soir

    Garderie du soir de la Fondation Rotschild

     Les guichets de la cuisine de la Fondation Rothschild

    Guichets de la Cuisine de la Fondation Rotschild

     Le succès est immense, vous vous en doutez : les jeunes familles ouvrières choisies à l'origine selon des critères de revenu ou le nombre d'enfants y sont restées ancrées vieillissant avec l'immeuble... Dans les années 60, il n'y avait plus dans ces immeubles que des personnes âgées et des clubs du 3ème âge.

    Cependant, ce modèle de logement social s'est avéré trop coûteux pour pouvoir être imité et après la première guerre mondiale toutes les sociétés immobilières philanthropiques ont disparu. L'Etat a été sommé de prendre la relève car la crise du logement existait toujours. La Ville de Paris va s'appuyer sur les principes architecturaux des fondations privées : elle "débauche" les architectes du privé en 1914 et construit jusque dans les années 30 des immeubles en briques avec soubassement de pierre (les immeubles de la petite ceinture).

     Si vous voulez voir et écouter l'intégralité de la conférence de Marie-Jeanne Dumont, cliquez ici : c'est absolument passionnant.


    6 commentaires
  •  Hier, je suis allée visiter l'exposition Villemot à la Bibliothèque Forney. L'Hôtel de Sens qui l'abrite date du XVème siècle. Le ravalement actuel devrait bientôt en dévoiler à nouveau la beauté.

    Hotel-de-Sens.jpg

    Bernard Villemot est né le 20 septembre 1911 à Trouville. Son milieu d'origine de la bourgeoisie artiste favorise sa vocation : Jen Villemot, son père, est un dessinateur humoriste célèbre.

    Bernard Villemot s'inscrit très tôt à l'Ecole Paul Colin et reçoit rapidement des commandes d'affiches, pour le cinéma principalement : il acquiert ainsi sa notoriété.

     Voici l'affiche du film de Julien Duvivier, le Golem avec Harry Baur. Villemot y dessine les personnages sur fond de ville et peut-être le graphisme des lettres. Les imprimeurs feront le reste.

     Le-Golem.jpg

    Durant l'occupation, le régime de Vichy fait appel à lui pour sa propagande : Villemot accepte la commande d'affiches destinées à vanter les mérites du sport (il s'agit d'une commande du Commissariat général à l'Education générale et aux sports. Son Commissaire est Jean Borotra, le célèbre tennisman, qui est entré dans la politique).

     Les temps sont durs et il faut bien vivre...

     Après la guerre, il illustre la libération de Paris avec une affiche sur Leclerc.

     Libéraztion de Paris Leclerc

     Mais son vrai style, ce n'est pas dans cette affiche commandée par la Mairie de Paris en 1984 que vous le découvrirez, mais dans ses affiches de publicité commerciale.

     Bernard Villemot a été sollicité dès les années 50 par de grandes marques pour faire leur publicité : La Seita, Philips, Frigidaire, Ducretet Thomson, Pathé Marconi, Maizena, Olida, Crosse et Blackwell, Spontex, Epeda, Vademecum, Gillette, Hollywood, Vespa, Simca, Mercedes, Antar, Mobil, Larousse, Vittelloise, Get, Mercier, Picon, Nicolas, Dubonnet, Cinzano, Negrita, Bergasol, etc..

    De la difficulté à mettre en scène un objet aussi "froid" que le Frigidaire : Villemot choisit de présenter son sujet, porte entrebaillée, en regard d'un immeuble dont tous les stores baissés prouvent ainsi qu'il y fait chaud !

     Contraste des couleurs chaudes et froides

     frigidaire

    Un petit air de M. Hulot, je trouve, pour cette publicité pour la célèbre marque de scooters.

    Vespa

    Qui oserait encore mettre en scène une telle beauté dans le plus simple appareil ?

    En lisant son slogan, on voit la bouteille, non ?

    Rhum-Negrita-.jpgQuant à Bally avec lequel il eut une longue collaboration, Villemot fait ressortir l'esprit "haut de gamme" de la marque. Ainsi, il ne met pas spécialement en scène la chaussure mais plutôt la personne censée la porter, comme ci-dessous la citadine.

     Bally chaussures

     Chaussures Bally

     Il sait aussi réutiliser une affiche précédente pour la faire revivre.

     Ici, l'affiche "Lotus" de Bally ressemble à s'y méprendre à la précédente.

     Bally Lotus

     Bernard Villemot est avant tout un peintre : il excelle dans la mise en scène de ses produits publicitaires : ici, l'affiche "Losanges" de Bally met en scène les chaussures d'homme d'une façon tout à fait détournée.

     Bally losanges

    Et puis parfois, il y a ces affiches que Thierry Devynck, le commissaire de l'exposition qui nous a servi de guide, appelle "affiches déception".

     Ces deux chaussures vues de profil talon contre talon sont-elles destinées à la publicité de la marque ou plus simplement au pur plaisir pictural du peintre ?

    Bally déception

    Pour ce qui est de la collaboration de Villemot avec Orangina, elle reste la plus importante de sa carrière : pas moins de 35 affiches pour la marque de soda !

     Ayant une contrainte sévère, (l'Orangina contenant moins de 20% de jus d'orange), il se voit interdire de dessiner le fruit. Qu'à cela ne tienne, il détourne la difficulté en présentant cette publicité appelée "guéridon" où l'orange est suggérée par la pelure du fruit en forme de parasol...

    Orangina guéridon

    Le code de couleurs de la marque est dès lors déterminé : orange, bleu et jaune.

    Orangina chevelure

    villemot-orangina

     Parallèlement à sa collaboration avec Orangina, Villemot travaille pour Perrier. Or, les marques fabriquent toutes les deux des boissons pétillantes et présentent leur produit dans des bouteilles rondes. Villemot va devoir choisir pour chacune d'elles un code de couleur différent de façon à respecter leur identité visuelle. Orangina a déjà pris le orange, le bleu et le jaune : pour Perrier, ce sera le vert, le bleu et le jaune.

     Le graphisme des lettres de la marque s'adapte à la courbe de la bouteille.

    Perrier-Pshitt.jpg

    Un petit air d'Hokusai pour un bon slogan publicitaire

    Perrier Hokusai

    Pureté des formes...

    Perrier plage

    C'est cette publicité qui a été choisie pour faire l'affiche de l'expo.

    Bernard Villemot se dit influencé par Matisse...

    Perrier

    Dans la salle suivante se trouvent les publicités concernant le tourisme et les voyages. C'est un sujet de rêve pour Bernard Villemot qui y exprime ici pleinement son talent de peintre décoratif.

    Le petit panier en paille des curistes est ici mis en valeur devant la foule cosmopolite qui fréquente la ville d'eaux.  Avec un seul mot, Vichy : tout est dit !

     Vichy

     Cette affiche vantant les sports d'hiver a été réalisée à partir d'une photo (qui se trouve dans l'exposition). Bernard Villemot ne faisait jamais poser ses modèles, il les "croquait" sur le vif.

     Sports d'hiver

    Quant à cette affiche pour les wagons-lits, ne fait-elle pas rêver ? En tout cas, elle est un très bon exemple de l'art du dessinateur.

    Une nuit en voiture-lit

    Malgré l'arrivée dans les années 70-80 du "marketing", Bernard Villemot a produit jusqu'à sa mort en 1989.

     Une jolie exposition qui dure jusqu'au 5 janvier.

    Allez-y un samedi à 15 heures : pour le prix d'entrée, la visite guidée est gratuite !


    votre commentaire



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires