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Par Tolbiac204 le 27 Mai 2011 à 00:20
Ce matin, nous sommes allés faire une visite guidée du Cimetière de l'Est, autrement dit le cimetière du Père-Lachaise (*), visite proposée par le Ministère de la Culture dans le cadre de la deuxième édition de "A vous de lire". Thierry Le Roi, l'homme qui réanime les cimetières comme on a coutume de l'appeler, nous a emmené pour 3 heures et demie de promenade sur les traces des grands écrivains inhumés dans ce cimetière.
(*) François d'Aix de la Chaise (1624-1702), confesseur de Louis XIV aime en effet à l'époque se promener dans le parc que possède l'ordre des Jésuites auquel il appartient.
Un peu d'histoire
(vous le savez, je suis une passionnée...)
Alexandre Théodore Brongniart (l'homme du Palais) en est l'architecte et Napoléon 1er le commenditaire. Le cimetière est inauguré le 21 mai 1804 avec l'enterrement d'une fillette de 5 ans, Adélaïde Paillard de Villeneuve, fille d'un modeste porte-sonnette du Faubourg Saint-Antoine (site internet "Les métiers de nos ancêtres" : dans les villes, employé de police qui signalait à l'aide d'une clochette l'heure de balayer et nettoyer les rues aux habitants.). Le cimetière, conçu à l'origine pour les arrondissements de la rive droite, est situé hors les murs et les parisiens rechignent à se faire enterrer dans ce quartier réputé populaire, ce qui fait qu'ils le boudent pendant des années. Ce n'est qu'à partir de 1817, après le transfert des dépouilles d'Héloïse et Abélard ainsi que de Molière et de La Fontaine, que les parisiens commencent à y enterrer leurs morts : alors qu'en 1812, il n'y avait qu'un petit millier de sépultures, en 1830, on dénombre 33.000 tombes et à l'heure actuelle, on se bat presque pour y être enterré : il faut compter 11.000 euros pour une concession perpétuelle de seulement 2m² (hors frais d'obsèques naturellement !)
69.000 monuments funéraires sont répartis sur 44 hectares : le Père Lachaise constitue le plus grand jardin de Paris hormis le bois de Vincennes et le bois de Boulogne. C'est vrai qu'il fait bon y flâner et que beaucoup de gens y viennent sans y avoir de sépulture.
Avec Philippe, nous formons un tandem de choc : tandis qu'il prend des photos des tombes, je manie le crayon et le calepin !
Notre premier rendez-vous est avec Marcel Proust (85ème division - J11).
La croix des templiers apposée sur sa tombe indique que son père et son frère étaient médecins. L'auteur de "A la recherche du temps perdu " obtient le Prix Goncourt en 1919 pour son roman "A l'ombre des jeunes filles en fleurs". Atteint d'asthme dès son enfance, il décèdera à 51 ans et on trouve parfois sur la tombe de Marcel Proust un inhalateur : ce n'était pas le cas ce jour-là...
La tombe de Balzac (1799 - 1850) est située dans la 48ème division (1ère ligne Q9). Elle est surmontée d'un buste, une sculpture de David d'Angers fort expressive dont l'original se trouve au Musée Balzac à Passy. Un livre et une plume à la base du monument rappellent l'activité de l'auteur de la Comédie Humaine. A l'origine Alexandre Dumas, ami de Balzac, souhaitait faire ériger un monument mettant à l'honneur "La Comédie Humaine", ce roman de Balzac mettant en scène plusieurs milliers de personnages et dans lequel il parle du cimetière du Père Lachaise, mais la Comtesse Hanska, l'épouse de Balzac, y préféra l'actuel monument qui a été classé.
Contemporain de Balzac, Gérard de Nerval (1808 - 1855) est enterré dans la 49ème division (1ère ligne). Sa tombe est constituée d'une colonne surmontée d'un vase drapé. Sans vouloir réduire Gérard de Nerval à une anecdote... celle-ci est tout de même très cocasse : un jour, on le surprend dans les jardins du Palais Royal, traînant un homard vivant au bout d'un ruban bleu ! A ses amis qui s'étonnaient il répliqua : en quoi un homard est-il plus ridicule qu'un chien, qu'un chat, qu'une gazelle, qu'un lion ou toute autre bête dont on se fait suivre : j'ai le goût des homards, qui sont tranquilles, sérieux, savent les secrets de la mer, n'aboient pas...
Le baiser
J’ai soif d’un baiser
Comme une ville qui s’allume
Et que le vent vient d’embraser.
Tout mon coeur brûle et se consume
J’ai soif, oh, j’ai soif d’un baiser !
Baiser de la bouche et des lèvres
Où notre amour vient se poser
Plein de délices et de fièvre.
Ah, j’ai soif, j’ai soif d’un baiser !
Baiser multiplié que l’homme
Ne pourra jamais épuiser.
Oh toi, que tout mon être nomme,
J’ai soif, oui, j’ai soif d’un baiser !
Fruit doux où la lèvre s’amuse
Beau fruit qui rit de s’écraser.
Qu’il se donne où qu’il se refuse
Je veux vivre pour ce baiser.
Baiser d’amour qui règne et sonne
Au cœur battant se briser,
Qu’il se donne où qu’il se refuse
Je veux mourir de ce baiser.
Gérard de Nerval se suicida (probablement) : son corps fut retrouvé pendu un matin d'hiver à une grille de la rue de la vieille lanterne, aujourd'hui disparue (à l'emplacement de l'actuel square de la tour Saint-Jacques).
Chemin faisant, nous arrivons à la sépulture d'Auguste Maquet : un illustre inconnu, me direz-vous ! Celui dont il a été le nègre et qui lui a volé la vedette, c'est Alexandre Dumas... Eh oui : le premier jet des Trois Mousquetaires, de Vingt ans après, du Vicomte de Bragelone ou encore du Comte de Monte Cristo, est de Maquet, Dumas ne faisant que réécrire, parfois presque à l'identique, ces feuilletons que réclamaient les lecteurs de la presse quotidienne et qui les incitaient le lendemain à racheter le journal !
Celui-ci, intentera d'ailleurs un procès à Alexandre Dumas réclamant la paternité de ses oeuvres mais il le perdra et ne sera dédommagé que par une coquette somme toutefois.
La tombe d'Auguste Maquet (1813 - 1888) est située dans la 54ème division (1ère ligne S 10). La tombe d'Alexandre Dumas se trouve, elle, au Panthéon...
Sully Prudhomme : Premier écrivain à recevoir le Prix Nobel de littérature en 1901.
Né en 1839 et décédé en 1907, il repose dans la 44ème division (1ère ligne N 13). Sa sépulture, lontemps abandonnée, a été restaureé récemment et contient un cadre renfermant l'un de ses poèmes.
Les yeux
Bleux ou noirs, tous aimés, tous beaux,
Des yeux sans nombre ont vu l'aurore ;
Ils dorment au fond des tombeaux
Et le soleil se lève encore.
Les nuits plus douces que les jours
Ont enchanté des yeux sans nombre ;
Les étoiles brillent toujours
Et les yeux se sont remplis d'ombre.
Oh ! qu'ils aient perdu le regard,
Non, non, cela n'es pas possible !
Ils se sont tournés quelque part
Vers ce qu'on nomme l'invisible ;
Et comme les astres penchants,
Nous quittent, mais au ciel demeurent,
Les prunelles ont leurs couchants,
Mais il n'est pas vrai qu'elles meurent :
Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,
Ouverts à quelque immense aurore,
De l'autre côté des tombeaux
Les yeux qu'on ferme voient encore.
Guillaume Apollinaire est inhumé dans la 86ème division. Le créateur du surréalisme est né en 1880 à Rome. Engagé volontaire, il est blessé pendant la grande guerre mais c'est de la grippe espagnole qu'il décède en 1918.
Il est l'auteur du recueil de poèmes "Calligrammes". Un calligramme est d'ailleurs gravé sur sa tombe sous forme de tessons : mon coeur pareil à une flamme renversée.
Nous arrivons maintenant à une tombe très courue : c'est celle d'Oscar Wilde. Né à Dublin en 1854, cet écrivain anglais écrit de la poésie, des pièces de théâtre qui sont parfois censurées et donne des conférences sur le thème de l'esthétisme.
Il est aussi célèbre pour ses citations percutantes : il répond à un douannier "moi, je n'ai rien à déclarer, sinon mon génie !"
Marié pour les convenances, il ne cache pas son homosexualité. Mis à l'écart par l'angleterre puritaine, il meurt en 1900 à Paris dans un hôtel situé dans le quartier de Saint-Germain des Prés et dénommé "l'Hôtel". Laissant au propriétaire une note impayée, il décrète : je meurs au dessus de mes moyens !
Il est inhumé au cimetière de Bagneux dans l'indifférence générale et ce n'est que 12 ans plus tard qu'un mécène fait transporter ses cendres au cimetière du Père Lachaise et lui fait ériger une tombe (89ème division) qui fait scandale à l'époque : un sphinx ailé y est représenté nu et est très vite mutilé...
La tradition veut que ses adoratrices embrassent la tombe : le visage du sphinx ne résistera peut-être pas très longtemps aux lavages au Karcher qui s'ensuivent...
Les monuments à Molière et à La Fontaine (25ème division) ont été érigés en 1817 pour promouvoir le site auprès des parisiens : ce sont leurs restes supposés qui sont enterrés ici. En effet, Jean Baptiste Poquelin est décédé en 1673 et La Fontaine en 1695.
Sur la tombe de La Fontaine, des bronzes évoquent certaines de ses fables
comme ici "le loup et l'agneau".
Au passage, nous longeons le mur des fédérés qui commémore les événements de la Commune de Paris et qui fête cette année son 140ème anniversaire. Un hommage à Goya y a été fait sous forme de la reproduction de l'une de ses toiles : "Fusillades à la montagne du Prince Pio - 3 mai 1814".
C'est dans ce secteur que se trouve la sépulture de Jean-Baptiste Clément ((Division 76 2ème ligne C 35) , chansonnier montmartrois et communard, auteur de la célèbre chanson "Le Temps des cerises". Son enterrement au Père Lachaise attire une foule évaluée à près de 5000 personnes.
Paul Eluard est inhumé dans la 97ème division (1ère ligne). Né en 1895, il décède en 1902 d'une crise cardiaque. Sa tombe est très végétale. Après des problèmes matrimoniaux concernant son premier mariage avec Gala (qui épousera Dali ensuite), il part faire le tour du monde et écrit des poèmes d'amour comme "Je t'aime" qu'il dédicacera plus tard à son troisième grand amour, Dominique.
Je t'aime
Je t'aime pour toutes les femmes que je n'ai pas connues
Je t'aime pour tous les temps où je n'ai pas vécu
Pour l'odeur du grand large et l'odeur du pain chaud
Pour la neige qui fond pour les premières fleurs
Pour les animaux purs que l'homme n'effraie pas
Je t'aime pour aimer
Je t'aime pour toutes les femmes que je n'aime pas
Qui me reflète sinon toi-même je me vois si peu
Sans toi je ne vois rien qu'une étendue déserte
Entre autrefois et aujourd'hui
Il y a eu toutes ces morts que j'ai franchies sur de la paille
Je n'ai pas pu percer le mur de mon miroir
Il m'a fallu apprendre mot par mot la vie
Comme on oublie
Je t'aime pour ta sagesse qui n'est pas la mienne
Pour la santé
Je t'aime contre tout ce qui n'est qu'illusion
Pour ce coeur immortel que je ne détiens pas
Tu crois être le doute et tu n'es que raison
Tu es le grand soleil qui me monte à la tête
Quand je suis sûr de moi.Les cendres de Beaumarchais (1732 - 1799), elles, furent transférées au Père Lachaise dans la division 28 (1ère ligne Q33) après la vente et la destruction de sa maison (où il reposait dans le jardin). La tombe de ce touche à tout, tout à la fois auteur dramatique, musicien, agent secret, courtisan et surtout grand séducteur, est très simple.
La chèvre de Monsieur Seguin a disparu de la tombe d'Alphonse Daudet... Comme bon nombre de souvenirs évoquant les hommes et les femmes célèbres du cimetière, l'emblème de cet ancien maître d'école, secrétaire du Duc de Morny, puis écrivain de sa Provence natale (il est né à Nimes en 1840) a été volé. Daudet décède à Paris 57 ans plus tard et repose dans la 26ème division du cimetière. Le monument, réalisé par Falguière, est peu visible de face : le sculpteur l'a donc orné d'un médaillon cerné de lauriers à l'arrière gauche, ce qui permet aux initiés de ne pas le manquer !
Une tombe sobre, en forme de totem maya, pour Miguel Angel Asturias, l'écrivain guatémaltais né en 1899, ancien ambassadeur à Paris, Prix Lénine de la Paix en 1966 et Prix Nobel de littérature en 1967. La sépulture est située dans la 10ème division du cimetière.
Un bond dans le temps pour retrouver la tombe d'Alfred de Musset (1810 - 1857) qui se trouve en 1ère ligne de la 4ème division. Sur le monument sont gravés les titres de certaines de ses oeuvres, pas toujours les plus connues... : Lorenzaccio (oui ça je connais bien sûr !), Frédéric et Bernerette (inconnu au bataillon), Mardoche (idem), Namouna (idem), Les Nuits (oui !).
Selon sa volonté, un saule a été planté sur sa tombe (il est régulièrement renouvelé pour ne pas prendre trop d'ampleur) et une épitaphe y a été gravée, issue de l'un de ses poèmes : Lucie.
Mes chers amis, quand je mourrai,
Plantez un saule au cimetière.
J'aime son feuillage éploré.
La pâleur m'en est douce et chère
Et son ombre sera légère
A la terre où je dormirai.Colette de Jouvenel, dite Colette, est née en 1873. Cest l'une des personalités les plus courues de la nécropole. Elle repose le long de l'avenue circulaire à la 1ère ligne de la 4ème division. Sa tombe est très sobre. Le scandale de son baiser à Missy au Moulin Rouge dans le spectacle "Rêve d'Egypte" lui octroie une publicité qu'elle n'imaginait pas. Un bon mot de cette femme de lettres : "la mort ne m'intéresse pas, la mienne non plus !" Paris lui offre en 1954 des obsèques nationales (les seules octroyées à une femme à nos jours), son cercueil étant exposé dans la cour d'honneur des jardins du Palais Royal.
Dernière étape de cette promenade : le mausolée à Héloïse et Abélard (7ème division AD25). Encore un transfert de cendres pour redorer le blason du cimetière du Père Lachaise. Héloïse a 15 ans, est est jolie comme une fleur et intelligente de surcroît quand elle tombe amoureuse d'Abélard de 31 ans son aîné. Leur liaison pourtant brève conduit pourtant à la naissance d'un fils nommé Astrolabe qui deviendra évêque de Nantes. Malgré un mariage secret des deux amants destiné à calmer les foudres de l'oncle d'Héloïse, Fulbert, chanoine à Notre Dame de Paris, Abélard enjoint tout de même Héloïse de rejoindre le couvent d'Argenteuil comme soeur converse. Lui-même n'échappe pas à un triste sort : il est émasculé de force par la famille d'Héloïse avide de vengeance...
3 heures et demie après et avec quelques kilomètres dans les talons, nous rejoignons tout contents la terrasse ensoleillée d'un café pour déjeuner...
On ne peut pas se nourrir que de littérature !
6 commentaires -
Par Tolbiac204 le 22 Avril 2011 à 00:23
Le Mobilier National propose en ce moment à la Galerie des Gobelins une exposition sur les tissages de la Renaissance italienne mettant à l'honneur trois grands artistes : Raffaello Sanzio (plus connu sous le nom de Raphaël), Giovanni da Udine et Giulio Romano (également appelé Jules Romain). L'exposition rassemble une vingtaine de tapisseries provenant majoritairement de la collection de Louis XIV.
En 1503, Jules II est élu pape. Il tente durant son règne de faire de Rome le centre religieux et culturel du monde occidental. Il confie à Raphaël le décor de quatre des pièces de ses appartements, dites "Chambres du Vatican" ou "Stanze di Rafaello". L'une d'entre elles, la Salle de Constantin, réservée aux cérémonies officielles, est à la gloire de cet empereur qui a été le premier à s'être converti au christianisme et à proclamer la liberté de culte.
C'est dans la manufacture des Gobelins à la fin du 17ème siècle qu'on été tissées les créations de Raphaël pour les Chambres. L'exposition montre ici une gigantesque tapisserie (4,23 x 9,13 m) intitulée "La bataille de Constantin" d'après une esquisse de Raphaël (dont l'exécution a été confiée à Jules Romain, son élève, après la mort du maître). Pour voir la fresque de Raphaël, cliquer ici.
Constantin et Maxence étaient en rivalité pour devenir les Césars de la Rome antique. L'action se passe en 312 après Jésus-Christ : au milieu de la mêlée des fantassins et des cavaliers, Constantin, sur un cheval blanc, se dirige vert le pont Milvius qui enjambe le Tibre, au nord-est de Rome.
Détail montrant Maxence, le rival de Constantin, qui se noie dans le Tibre
Vive Constantin, nouvel empereur de Rome !
Autre pièce marquante de l'exposition, la Tenture de l'Histoire de Scipion d'après Jules Romain initialement commandée par François Ier au 16ème siècle et dont de nombreuses copies ont été réalisées. Celle du Maréchal de Saint-André est retissée par les ateliers des Gobelins à la fin du 17ème pour Louis XIV et est exposée au grand Trianon en 1693.
Parmi les tapisseries exposées, deux d'entre elles ont retenu mon attention par la vivacité des coloris et la luminosité qui s'en dégage : Le repas chez Syphax et l'incendie du camp.
L'histoire se passe environ 200 ans avant Jésus-Christ... Après s'être rendu maître de l'Espagne, Scipion envisage de continuer la guerre en Afrique (Scipion l'africain, je suis sûre que ça vous dit quelque chose !). Il sollicite l'alliance de Syphax, roi de la Numidie occidentale. Ce dernier le reçoit à sa table en même temps que son rival, Hasdrubal, frère d'Hannibal. On a tous entendu parler des guerres puniques...
Finalement, Syphax s'allie à Hasdrubal contre Scipion. Mal lui en prend puisque celui-ci les défait tous les deux en incendiant leurs camps à la faveur de la nuit... La tapisserie ci-dessous (4,55 x 3,42 m) montre les combats illuminés par l'incendie.
Et si on apprenait l'histoire par l'iconographie, ce serait plus simple, non ?
En tous cas, pour moi qui ait une mémoire visuelle, "c'est tout bénef" !
L'exposition se tient depuis le 12 avril et dure jusqu'au 24 juillet.
Un détail : j'étais toute seule à visiter l'expo...
(c'est vrai que parfois les tapisseries c'est un peu rébarbatif... mais celles-ci sont splendides).
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Par Tolbiac204 le 30 Janvier 2011 à 15:01
Les bâtiments du Mobilier National ont été construits en 1937 par l'architecte Auguste Perret, le maître du béton armé, et se trouvent rue Croulebarbe dans le 13ème. A l’heure actuelle, on y conserve, répare et entretient environ 80 000 objets mobiliers et textiles (tapisseries, tapis) mais... les locaux ne sont pas ouverts à la visite.
Ils recèlent pourtant de véritables trésors qu'heureusement la Galerie des Gobelins présente régulièrement à l'occasion des diverses expostions qu'elle organise 2 fois par an.
Cette fois-ci, ce sont les bronzes du Garde-Meuble impérial et royal qui sont à l'honneur dans cette exposition qui regroupe une superbe collection de pendules, de pare-feux et de lustres, d'où son titre : l'heure, le feu, la lumière. J'ai été enthousiasmée par les pendules et ce sont donc surtout elles que j'ai photographiées pour en avoir un souvenir et vous faire partager ces merveilles de l'art du 19ème siècle. L'exposition se tient sur les deux étages de la Galerie : le rez-de-chaussée est tapissé de rouge, le premier étage de bleu...
Cette pendule est intitulée "Une étude". Elle est en bronze doré signée "Le Sieur à Paris" (vers 1805). L'étude engendre des bienfaits comme le traduisent les fruits dans le panier, mais nécessite de l'assiduité comme le suggère le chien, symbole de fidélité.
Une autre figure d'Etude sur cette pendule en forme de borne antique en bronze doré et marbre noir. L'Etude est assise sur un globe suggérant la puissance et l'universalité du savoir : c'est par l'étude qu'on asseoit son emprise sur le monde...
Elle a été acquise pour meubler la chambre à coucher de Letizia Bonaparte, la mère de l'Empereur, au Grand Trianon, puis c'est Napoléon lui-même qui l'a installée dans son cabinet particulier au château de Rambouillet. On la retrouve dans le tableau de François-André Vincent daté de 1804 représentant le Comte de la Forest avec sa femme et sa fille.
Pendule "Fileuse assise sur une fontaine"
Cette pendule a été cédée au garde-meubles en 1812 après avoir fait partie de la chambre à coucher du Roi de Rome, fils de Napoléon 1er.
Pendule "Silence" en bronze doré et marbre vert de mer (1809)
inspirée de la sculpture de Maurice-Etienne Falconet : l'amour menaçant.
Pour rester dans l'enfance, voici une pendule intitulée "L'enfant souffleur de bulles de savon" en bronze doré-patiné et cristal (époque Restauration).
Cette pendule dite "au télégraphe" représente un télégraphe Chappe. Elle marque le goût de l'époque pour les sciences. En bronze doré, elle a été fabriquée en 1806. Installé au sommet d’un arc de triomphe, ce télégraphe témoigne de la tendance marquée sous l’empire, d’intégrer dans les objets décoratifs que sont les pendules des éléments empruntés à l’architecture monumentale. Un Mercure ailé enfantin, messager des dieux, tient le balancier de l'horloge.
Pendule "sympathique" acquise par Louis-Philippe en 1834. les pendules sympathiques présentent la particularité de remettre à l'heure à midi et à minuit la montre qui leur est associée dès lors que celle-ci est insérée dans le "croissant" situé sur la partie supérieure de la pendule. Cette montre a été portée par Louis-Philippe lors de la cérémonie de retour des cendres de l'empeureur Napoléon 1er le 15 décembre 1840.
Pendule en forme de colonne en bronze doré et vert antique (1810) ayant meublé le salon de la dame d'honneur de l'Impératrice au Palais de Compiègne.
Pendule "La chûte de Phaéton" (fin 18ème - début 19ème)
Jupiter foudroie le jeune Phaéton qui, en conduisant imprudemment le char du Soleil son père, allait embraser la terre dont il s'était trop approché, risquant de provoquer une catastrophe universelle. Cette allégorie pourrait faire allusion à la situation politique de la France, où certains appellent à un pouvoir fort garant de l'ordre, après l'agitation et l'instabilité de la période révolutionnaire.
Cette pendule époque second empire en bronze doré et patiné fait écho à l'oeuvre du sculpteur Philippe Magnier "L'Aurore descendant de son char".
Cette autre pendule fait pendant, elle, à une toile de David : Le serment des Horaces.
Quant à celle-ci, datée de 1804, elle représente Hébé, déesse de la Jeunesse et l'aigle de Jupiter et prit place dans le grand salon de l'Impératrice au premier étage du Petit Trianon. Elle pourrait être l'allégorie de la dynamique de rajeunissement du nouveau régime impérial.
Christophe Fratin, qui a signé cette pendule représentant une jument et son poulain (1842-1852), a donné à l'industrie plusieurs modèles d'animaux. Il est réputé pour la finesse de ses observations.
Cette pendule intitulée "Une enfant à la chèvre" est d'une belle facture également. Elle est datée d'avant 1852 et est en bronze doré-patiné et en marbre blanc.
Pendule représentant un trophée de guerre. La figure de l'Histoire écrivant sur un bouclier est là pour montrer que l'histoire s'écrit par les conquêtes. Les trophées rendent hommage aux valeureux militaires qui, comme le propriétaire des lieux, combattent pour leur pays (la pendule a appartenu au Prince Murat puis à l'Empereur où elle était placée dans sa chambre à coucher à l'Elysée).
Cette garniture de cheminée à la gloire de Napoléon III comporte une pendule et deux candélabres (1853-1857). Elle est en bronze doré-patiné et en marbre blanc.
Les deux chiffres qui figurent sur le parchemin sont ceux de deux scrutins essentiels, le premier est son élection comme président de la République le 10 décembre 1848
et le second le plébiscite du 21 novembre 1842 qui ratifie l'avènement de l'Empire.
J'ai aussi admiré quelques belles tapisseries de la Manufacture des Gobelins (bien sûr) comme celle-ci qui représente l'enlèvement d'Orythie, fille du Roi d'Athènes Erecthée, par Borée, dieu des Vents du nord, qui n'ayant pu obtenir sa main l'enleva pour l'emporter en Thrace...
Celle-ci représente Bonaparte distibuant des sabres d'honneur aux grenadiers de sa garde à l'issue de la bataille de Marengo.
Il y a aussi celle-ci, en laine et soie, qui orne l'escalier monumental faisant communiquer les deux niveaux : elle repréente le cabinet du Roi Louis XIV où l'ambassadeur d'Espagne agenouillé baise la main du Duc d'Anjou déclaré roi d'Espagne par son grand-oncle le 16 novembre 1700. Le carton de la tapisserie est de François Gérard.
J'ajoute que j'ai bénéficié pour visiter cette exposition d'une paix royale (un calme olympien si vous préférez !), tous les parisiens s'étant donnés rendez-vous à l'exposition Monet que, par ailleurs, j'ai loupée... On ne peut pas être partout à la fois et je ne regrette rien !kj
jlmq A noter : l'exposition dure jusqu'au 27 février prochain.
Pour une fois, je vous donne une info qui n'est pas encore périmée...
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Par Tolbiac204 le 21 Janvier 2011 à 00:32
Encore une exposition me direz-vous ? Eh bien oui na ! et pas la plus moche...
Carnets de voyage 2... Le monde au bout du crayon
L'Adresse (Musée de La Poste) propose cet hiver et jusqu'au printemps à ses visiteurs de voyager depuis... Montreuil jusqu'aux confins du monde grâce à 46 artistes doués de multiples talents dont celui de croquer sur le vif l'instant présent. 600 dessins, 200 extraits de carnets et beaucoup de talent font de cette nouvelle exposition un must !
Partir à la rencontre des gens, découvrir ainsi les cultures et les paysages au travers des scènes de la vie quotidienne : voici le point commun de tous ces artistes voyageurs. Le résultat ? Des croquis en noir et blanc mais surtout en couleurs réalisés au fusain pour certains, à l'aquarelle pour d'autres : les techniques sont très variées et les carnets aussi.
Certains sont dessinateurs ou illustrateurs professionnels, d'autres n'ont pour seul bagage que l'école de la vie mais tous ont ramené de leurs périples sur tous les continents des carnets chargés d'émotion.
Christine Flament, auteur/illustratrice d'albums de jeuness, a croqué ici la quincaillerie de Montreuil qui existe depuis 40 ans et dont le propriétaire espère que le dessin lui fera de la publicité car les clients sont rares...
Anouchka Desseilles a eu comme formation "les ruptures, les échecs, les ratages"... A son retour du Sénégal, elle a peint Elizabeth Sagna, originaire de Casamance. Depuis, celle-ci est devenue femme de service dans une halte garderie du 18ème arrondissement.
Reno Marca se définit comme "mauvais écolier car dessinateur assidu"...
Ce jour-là, il a emmené son carnet sur le chantier naval de Belo-sur-mer à Madagascar.
L'exposition se visite avec un audio-guide, ce qui permet au visiteur de partager les impressions des "artistes-voyageurs". Au sein de l'expostion, un espace vidéo présente des films sur les carnettistes en action.
L'exposition est ouverte jusqu'au 23 avril 2011
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Par Tolbiac204 le 7 Janvier 2011 à 00:30
Nous sommes allés cette semaine voir une exposition au quartier latin dans un très
bel édifice, le réfectoire des Cordeliers, seul élément restant de cet ancien couvent du XIIIème siècle ainsi appelé à cause de la corde qui ceignait la robe des moines.
Il s'agit d'une exposition de photos
sur le quotidien des parisiens sous l'occupation.
Dans la vaste salle du réfectoire est organisé un parcours qui permet de passer
en revue la guerre sous tous ses aspects. Des vélos d'époque avec d'ingénieuses projections témoignent des difficultés que rencontrent les parisiens à circuler en voiture, restrictions d'essence obligent.
et les paroles désormais célèbres de "Radio Paris est allemand"
semblent s'échapper d'un poste de radio d'époque.
Ci-dessous, la présentation de l'exposition faite par le Commissaire de l'exposition.
Présentation
1940-1944 : Paris, capitale pluriséculaire de la France, perd durant quatre années ce statut.
Désertée par l’Etat français qui maintient néanmoins ses appareils répressifs, elle devient la capitale allemande de la France où l’occupant règne en maître. Les réquisitions et les pillages, les persécutions et la répression, le froid et la faim, la guerre qui se poursuit, mais également la lutte ou plutôt les luttes à leur encontre, transforment la vie des Parisiens.
Ces bouleversements ne s’affichent cependant pas tous avec la même évidence dans l’espace public. Restituer leur présence et leur visibilité suppose d’abord se défier des images le plus souvent conçues à chaud pour signifier que la vie continuait et que Paris était toujours Paris, en apprenant à les lire. La retraversée d’images connues, la présence « d’images rebelles » et de certains documents exposés pour la première fois voudraient contribuer à montrer comment, par ces temps d’exception, le quotidien se brouille et comment d’apparentes continuités peuvent masquer des pratiques radicalement nouvelles, propres à subvertir ou transcender l’ordinaire.
Articulation
1- L’ordinaire à l’épreuve
Parce que Paris est désormais la capitale allemande de la France, l’espace public s’en
trouve spectaculairement bouleversé et l’ordinaire de la vie de chacun affecté, que ce
soit par les réquisitions, les rationnements ou les persécutions imposées par l’occupant. Les photographies d’agence privilégient le pittoresque ou l’inattendu, propre à séduire ou faire sourire, mais taisent ou travestissent les souffrances ; à moins qu’elles n’aient vocation à dénoncer les bombardements alliés…C'est ainsi que dans la presse, on peut voir le Paris souriant
Plantation de poireaux devant le Louvre pour les oeuvres du Secours national
(Photo agence Roger Viollet)
cachant la vérité du quotidien des parisiens
Barricades entourant la ville : ici porte d'Italie
(collection particulière)
2- Présence allemande
Le 10 juin 1940, les Parisiens apprennent que le gouvernement a quitté la capitale,
déclarée « ville ouverte » le 13 et occupée le 14. Dès lors, la présence allemande est
visible, palpable…3- Le Paris des collaborations
Autour du pouvoir national-socialiste gravite un nouveau « Tout-Paris », société
composite formée de Français de conviction nazie, d’opportunistes et d’hommes de main
parfois libérés des prisons de la République par l’occupant. Des groupes et des partis
rémunérés par les Allemands ont pignon sur rue, comme le Parti populaire français de
Doriot ou le Rassemblement national pop ulaire de Déat. Ils s’appellent eux-mêmes les
collaborationnistes…C'est ainsi que des journaux titrent
4- L’antisémitisme
Que voit-on des politiques antisémites nazie et vichyste dans les rues de Paris ? D’abord
les affiches nazies, images repoussantes censées propager le dégoût et la haine. « En
aurons-nous assez vu des horreurs, des grossièretés et des âneries sur nos pauvres
murs ! » s’exclame la jeune diariste Berthe Auroy en décembre 1940…Une exposition est même organisée au Palais Berlitz, l'actuel Gaumont Opéra Premier, ayant pour titre "Le juif et la France" montrant les juifs, aussi bien physiquement que moralement sous des traits particulièrement caricaturaux.
Les actualités allemandes font la propagande de l'exposition
dans les salles obscures comme le montrent ces archives de l'INA.
Les communistes qui sont également le point de mire de l'Allemagne nazie,
font eux aussi l'objet d'une exposition intitulée "Le bolchevisme contre l'Europe".
Une campagne d'affichage montre une femme repoussant l'ennemi
pour protéger ses enfants et incite les parisiens à se rendre à la salle Wagram.
5- Brouillages du quotidien
Les activités sportives, culturelles ou scolaires, soit le quotidien des Parisiens, perdurent
face à l’épreuve qu’est l’Occupation. Certaines photographies réalisées à l’instigation des
services de propagande de Vichy offrent de la ville une image débonnaire …6- Paris a faim, Paris a froid
Dans ce quotidien de pénurie où les rutabagas tiennent une place privilégiée, se forment d’interminables files d’attente devant des magasins peu achalandés tandis que se développe un ingénieux système-D, à base de récupération et de produits de substitution…
Cependant, le Préfet de Paris triche auprès du gouvernement de Vivhy
sur le recensement pour pouvoir nourrir ses concitoyens.
Queue devant une boulangerie de la rue Lepic
7- Produire
Dès l’hiver 1940, le tissu industriel et commercial de la capitale se recompose en fonction
des intérêts de l’occupant. Dès lors, les secteurs que le Reich tient pour stratégiques pour
la poursuite de la guerre tournent à plein rendement alors que ceux qui ne travaillent pas
pour lui connaissent une crise majeure…Revendiquer
Le 9 novembre 1940, les confédérations syndicales ouvrières et patronales sont dissoutes
par décret. Dans l’attente de « l’organisation sociales des professions » dont la Charte du
travail se voudrait l’expression, les syndicats existants, leurs fédérations, unions locales
et départementales échappent provisoirement à la dissolution…8- La guerre continue
La Commission allemande d’armistice, siégeant à Wiesbaden, a dressé la liste des
matériels dont elle ordonne la fabrication : véhicules divers, produits chimiques, matériel
de transmission, machines-outils, matériel d’armement, munitions. Les représentants du
gouvernement français objectent, en vain, le risque de provoquer des bombardements
alliés sur la capitale…C'est ainsi que les Usines Renault sont bombardées en avril 1943 par les alliés.
Louis Renault qui en est le patron fabrique en effet des chars pour l'Allemagne...
9- Résistances
Toutes les formes d’action sont clandestines, mais certaines émergent au grand jour par
moments : inscriptions sur les murs, papillons, tracts et journaux clandestins, pour
informer, transmettre des consignes et soutenir le moral des populations ; manifestations
de ménagères et pillages de magasins d’alimentation ; organisation d’attentats et de
sabotages pour nuire à l’occupant et démoraliser ses troupes…Une invention pour lancer des tracts : la tapette à souris !
10- Répressions
Capitale allemande de la France et chef-lieu judiciaire du régime de Vichy, Paris est un
haut lieu de la répression. Pourtant celle-ci s’affiche peu. Ni l’occupant ni les autorités de
Vichy ne souhaitent lui donner une publicité qui risquerait d’informer la population sur la
réalité du régime et sur l’importance de la Résistance…Cet avis est diffusé à la population parisienne
Une affiche est aussi placardée dans les rues de la ville dénonçant les attentats
d'un groupe de résistants commandés par Missak Manouchian. Connue sous le nom d'affiche rouge et voulant faire passer ces combattants pour de véritables terroristes,
elle n'obtiendra pas l'effet escompté sur l'opinion des français.
En 1959, Léo Ferré fera une chanson sur cette tragédie à la mémoire des 22 hommes fusillés au Mont Valérien le 21 février 1944 et de Olga Bancic, la seule femme du groupe, décapitée quelques mois plus tard à Stuttgart.
Souvenons-nous !
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