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Tout tout tout, vous saurez tout sur... l'architecture de la rue Réaumur !
Ce post est le fruit des photos que j'ai prises en visitant le quartier avec Générations 13 sous la houlette d'Anne-Marie, ainsi que de mes recherches sur le net.
J'ai ainsi beaucoup consulté (et parfois emprunté...) à :
► Patryst, la culture à la carte,
► Paristoric,
► Paris secret,
et d'autres encore...
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La "pelle" sur la rue Réaumur indique que la rue fut ouverte entre les rues Saint-Denis et Notre-Dame-des-Victoires en 1895-1896 : elle relie le Sentier au boulevard de Sébastopol.
C'est au 51 de la rue Réaumur qu'Anne-Marie nous donne rendez-vous cet après-midi pour une visite architecturale du quartier de ladite rue.
Et c'est au scientifique et naturaliste René-Antoine Ferchault de Réaumur que la rue rend hommage. J'ai vu sur le net que cet homme était une vraie encyclopédie à lui tout seul, s'intéressant aussi bien à la reproduction des écrevisses qu'aux toiles d'araignée ou à la fabrication de la porcelaine etc etc... Il est aussi l'inventeur du thermomètre à alcool !
Un autre homme qui laissera son nom à la postérité, le célèbre épicier Félix Potin, inventeur de la vente dite "à la gâche" (on "gâchait" un article afin de pouvoir en placer cent autres à des prix moins attrayants). Le Siège Social de son épicerie, devenue célèbre depuis sa création en 1844, se situe justement à l'angle du Boulevard de Sébastopol et de la rue Réaumur.
C'est Charles-Henri Camille Lemaresquier (1870-1972) qui en a été l'architecte. Celui-ci édifie en 1910 un immeuble néo-baroque du goût de la Belle Epoque à celle où fleurit plutôt l'art nouveau ou l'art déco.
Des guirlandes de fruits en ronde-bosse mettent en valeur la rotonde d'angle polychrome de cet immeuble cossu, image de la réussite de l'entreprise.
Les trois oriels de la rotonde sont surmontés d'une sculpture portant un caducée (bâton d'olivier ou de laurier surmonté de deux ailes et entouré de deux serpents) et des cornes d'abondance.
Nous voici maintenant au 3 de la rue de Palestro (qui fait l'angle avec la rue de Turbigo). On peut y voir la monumentale entrée du Passage du Bourg l'Abbé encadré par deux colonnes doriques surmontées d'imposantes cariatides. Le passage relie la rue de Palestro à la rue Saint-Denis.
NB : L'équivalent féminin de l'atlante est la cariatide : il s'agit d'une statue de femme généralement vêtue d'une longue tunique soutenant un entablement sur sa tête. Le nom vient de celui des habitants de Caryes, situé en Laconie (dans le Péloponèse), qui s'étaient alliés aux Perses lors de l’invasion des Grecs. Ces derniers les exterminèrent et réduisirent leurs femmes en esclavage, les condamnant à porter les plus lourds fardeaux.
Au centre, un cartouche garni d'une ruche, emblème de l'activité économique
Les cariatides ont été sculptées par Aimé Millet : ce sont des allégories du Commerce et de l'Industrie, symbolisés respectivement par l'ancre, attribut de la marine marchande, et par les pièces de machines.
"Le Commerce" est symbolisé par un mètre étalon sur lequel la cariatide s'appuie et un ballot de marchandises.
"L'Industrie" s'appuie sur un marteau ; une roue crantée rappelle la mécanique.
Entrons dans le passage...
A l'intérieur, de jolies vitrines revêtues de bois comme ici celle de ce menuisier-ébéniste.
Avouez que les devantures ont "de la gueule" !
On sort du passage par la rue Saint-Denis, juste en face du Passage du Grand Cerf.
Amusant, ce nom de restaurant !
A l'angle de la rue Saint-Denis et de la rue Réaumur (N)82-96) se trouve l'ancien immeuble des magasins Réaumur : il date de 1897.
Son horloge en mosaïque, autrefois éclairée, m'a tapé dans l'oeil !
Le magasin appartenait autrefois à Jean-Baptiste Gobert-Martin comme le montre l'inscription. Wikipédia signale que le jeu de mots "Arrêt au mur"... à une époque ou le calembour était signe de joie de vivre et de bonne humeur n'est pas le signe du hasard.
Remarquez les caducées sur les colonnettes encadrant la mosaïque : on fait ici du commerce (celui du prêt-à-porter de qualité et de la vente par correspondance).
Plus loin, au 61-63 rue Réaumur, se trouve l'un des plus beaux immeubles de la rue. Sa façade néo-gothique est surmontée d'une horloge monumentale : on aime beaucoup les horloges à la fin du XIXème ! Au centre, le "portail" de cette véritable cathédrale cache un escalier qui dessert les étages.
Il est d'ailleurs un véritable hymne au temps qui passe, puisque les douze mois de l'année y sont représentés ainsi que les signes du zodiaque et les quatre saisons.
L'horloge où sont inscrits les mois de l'année
Sous l'horloge, la représentation des douze signes du zodiaque et des quatre saisons.
Anne-Marie nous fait remarquer au-dessus du portail d'entrée une sculpture qui représente deux têtes d'hommes - très barbus ! - se tournant le dos (affrontés) : j'ai oublié leur signification...
Peut-être s'agit-il de la signature des deux architectes... ?
Que nenni ! Christiane, qui a fait la même balade et que je remercie, m'indique qu'il s'agit d'une tête de Janus, divinité romaine à double visage (biffrons), autre symbole temporel : tourné vers le passé et regardant l'avenir...
Janus a donné son nom au mois de Janvier qui initie l'année.
En face, un autre immeuble attire notre regard.
Mais continuons notre ballade : nous avons encore beaucoup de pain sur la planche...
Ce magasin de mode, Best Mountain, a choisi d'orner sa devanture d'impressionnants atlantes venus d'ailleurs. Je n'ose pas vous parler de ce qui a été dessiné à la craie par les passants sur le pagne de celui de droite... !
NB : En architecture, l’équivalent masculin de la cariatide est l'atlante. Le terme dérive du nom du titan grec Atlas (en grec ancien « le porteur »), condamné par Zeus à soutenir les cieux jusqu’à la fin des temps.
Au 94-96 rue Réaumur se trouve le deuxième immeuble de "A Réaumur" : il a été construit dans les années 1930 et offrait 3500 m² de surface consacrées à la vente de prêt-à-porter et à la vente par correspondance.
Ses grandes baies vitrées sont surmontées de sculptures représentant des têtes d'homme dont la barbe bouclée est en harmonie avec les guirlandes de fleurs...
Pour ce qui est des têtes de femmes, elles portent un collier à la place de la barbe !
Homme ou femme... ? That is the question... En tout cas, je sais que je n'aimerais pas avoir de pareilles oreilles : un peu pointues non, comme celles d'un diable !
Juste à coté, au numéro 100, un immeuble qui a abrité la rédaction de plusieurs quotidiens : d'abord l'Intransigeant, puis Pariser Zeitung (un journal en langue allemande) sous l'Occupation, puis plusieurs journaux issus de la résistance (dont Combat) et enfin France-Soir dirigé par Pierre Lazareff jusqu'à son départ en 1998 pour Aubervilliers.
Sa façade très classique est ornée de deux frontons triangulaires représentant, l'un l'équipe de la rédaction, l'autre l'équipe des typographes.
Les rédacteurs (on y voit une femme.)
Les typographes sont entre hommes.
Le portail d'entrée en fer forgé
Une mosaïque portant le nom du Journal décore le sol du hall.
Dans le hall, caché dans un petit coin, se trouve une inscription relative à l'ancienne cour des miracles. Ma photo est très mauvaise mais personne d'autre sur le net n'en n'a fait de meilleure...
Il existait en effet une cour des miracles principale à l'emplacement actuel de la Place du Caire mais il y en avait plusieurs autres, secondaires, dont celle-ci située rue Réaumur. L'origine du nom est bien sûr dû au fait que tous les éclopés qui mendiaient dans la journée retrouvaient la santé le soir !
La cour des miracles par Brueghel
L'immeuble possède de très belles portes en ferronnerie ornées de médaillons dorés représentant des moyens de locomotion faisant référence à la vitesse.
Un steamer : sympas les vagues !
Une voiture de course
Un ballon-dirigeable
Un aéroplane
J'ai loupé deux médaillons : Anne-Marie a un horaire à respecter... Je les ai trouvés sur le net, très bien photographiés (et donc mis en valeur) par PHB.
Une locomotive à vapeur
Une montgolfière
Très difficile de prendre une bonne photo du 97 de la rue Réaumur : dans cette rue du quartier du Sentier, la circulation est intense...
Par contre, les larges surfaces vitrées de ces immeubles à vocation industrielle et commerciale offrent de beaux reflets. A noter également les deux oriels en bossage ornés de guirlandes de fleurs et surmontés de frontons brisés.
Les trois travées centrales portent au premier étage de jolis mascarons.
Charmant ce balcon art déco en fer forgé !
Et curieux cet immeuble d'angle (N°101 de la rue Réaumur) : pas facile à meubler ! Il 'est vrai qu'à cette époque les canapés étaient de taille modeste et en arrondi...
Superbe, ce balcon, non ?
Pour la sobriété, on repassera ! Mais avouez que l'ensemble est magnifique tout de même. A part ça, soit les heures des tailleurs de pierre n'étaient pas chères payées, soit l'architecte disposait d'un budget énaaaauuuurme (?)
De jolies cariatides engainées supportent l'un des balcons de l'immeuble.
NB : on dit d'un atlante ou d'une cariatide que la statue est engainée quand on ne représente que le haut du corps, le bas étant "gaîné" dans une colonne.
L'entrée de cet autre immeuble se situe toujours sur la rue Réaumur, au numéro 116.
Le portail d'entrée est surmonté de deux imposants atlantes dont le bas du corps se fond dans une sorte de colonnette enguirlandée de fleurs : Art Nouveau oblige.
Sur le fronton triangulaire, Diane accompagnée de deux amours
Au niveau des ornementations des balcons d'angle, on peut voir caducées et cornes d'abondance représentatives de l'activité commerciale du quartier.
L'immeuble voisin, au 118, a été construit en 1906 pour un usage commercial ainsi qu'en témoignent ses larges baies vitrées. Celles-ci n'ont rien de froid car l'architecte les a agrémentées d'un décor de feuillages et de volutes inspirées de l'Art-Nouveau.
Il a été primé au concours des façades de la ville de Paris.
De la sobriété dans l'art-Nouveau pour cet immeuble situé au 124 de la rue Réaumur. Avouez qu'il se remarque dans le paysage avec sa structure métallique !
Trois bow-windows au quatrième étage rompent la monotonie de sa façade et autorisent les balcons du cinquième : astucieux !
Quittons un instant la rue Réaumur pour emprunter la rue Montmartre.
Au Numéro 142 se tient l'immeuble édifié en 1883 pour abriter le siège du journal "La France".
Deux atlantes, très réalistes et revêtus d’une dépouille de lion, et deux figures de cariatides symbolisant, à gauche le Journalisme et à droite la Typographie, mettent en valeur l’enseigne du journal située sous le balcon du premier étage.
Au rez-de-chaussée de l'immeuble une plaque rappelle l'Histoire.
Jolies ces décorations de balcons, non ?
Que de souffrance dans le visage de cet atlante engainé qui peine à soutenir sa charge... La signature du sculpteur (Louis Lefèvre) est inscrite dans la pierre.
"Le Journalisme" tient la plume de l'écrivain...
"La Typographie", elle, est accompagnée du matériel adéquat.
C'est en sortant du Journal pour aller déjeuner avec ses amis que Jaurès a été assassiné dans ce café (appelé à l'époque "A la chope du croissant") le 31 juillet 1914. Un plaque le rappelle sur la devanture qu'Anne-Marie nous commente.
Beaucoup de ressemblances entre le 130 rue Réaumur et le N°97 vu plus haut. Sa structure métallique et ses larges baies vitrées intercalées entre des pilastres à chapiteaux composites confèrent à l'immeuble une très grande légèreté.
C'est depuis l'extrémité de la rue Léon Cladel qu'on en a la plus jolie vue car il s'agit d'un immeuble d'angle orné d'une rotonde.
Caducées... En veux-tu en voilà !
Cet immeuble en pierre de taille avec dôme et horloge (au N° 132-134) a été construit en 1899-1900 pour une banque. Immeuble primé au Concours des façades de la ville de Paris.
En face, au 121, ce n'est que dômes et courbes : les règlements d'urbanisme de 1884 et 1902 poussent au gonflement des toits ; en 1893 l'autorisation des bow-windows entraîne l'ondulation des surfaces pour le plus grand plaisir de nos yeux qui s'écarquillent...
Admirez l'élégance de ce petit clocheton dont la toiture est en écailles...
Chemin faisant, nous voici arrivés à la Bourse : on est bien ici dans le quartier des affaires.
Au 2, rue du Quatre Septembre (rue qui prolonge la rue Réaumur) se trouve un immeuble dont le porche est muni de cariatides engainées dues au ciseau d'Aimé Millet.
Un peu plus loin, au numéro 12, le sculpteur (le même Aimé Millet) a choisi de les travailler en pied et de les pourvoir d'ailes ! Elles étendent le bras et la main chargée d’épis vers le motif couronnant l’arcade.
Au 18 de la rue du Quare Septembre se trouve un immeuble qui occupe tout un pâté de maisons. Il s'agit de la succursale parisienne du Crédit Lyonnais construite dans le dernier quart du XIXème siècle.
Le 5 mai 1996 il est l'objet d'un très grave incendie qui mobilise 600 pompiers : le feu est maîtrisé au bout de 19 heures mais les dégâts sont très importants et la banque doit revendre l'immeuble à un grand groupe d'assurances américain.
L'immeuble s'appelle maintenant "Le Centorial", ce qui a permis de respecter le sigle CL sculpté dans la pierre...
Faisant le tour du pâté de maison, nous arrivons sur le Boulevard des Italiens, devant le Gaumont Opéra, qui, une fois de plus offre à nos yeux une très jolie coupole.
Dès le début des années 1900, les exploitants de cinéma avaient compris le parti qu’ils pouvaient tirer de l’installation en façade d’atlantes ou de cariatides, et ainsi trouvaient là le moyen d’élargir leur public en attirant une clientèle plus huppée. Cette démarche détermine une politique de séduction utilisant les ressources de la sculpture afin d’annoncer le luxe du décor de la salle en évoquant celui des plus grands théâtres du boulevard.
A l’étage supérieur, quatre cariatides symbolisant la Folie, la Comédie, la Satire et la Musique sont dues au sculpteur Jules Salmson.
Je suppose que celle-ci est celle représentant la Comédie...
Notre balade architecturale se termine au 3, rue de la Chaussée d'Antin : on y trouve (encore !) un balcon soutenu par un atlante et deux cariatides.
NB : Un site sur le net répertorie presque toutes les cariatides et les atlantes de Paris : ICI.
Allez, un petit Quizz pour terminer : ces cariatides sont-elle engainées... ?
La réponse est dans le texte ! Il suffit de le lire...
Bon courage à vous !
Tags : Rue Réaumur, Paris, Générations13
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