☻ L'ancienne abbaye du Val de Grâce en 100 photos avec Générations 13
13 décembre 2018 - Cet après-midi Anne-Marie Guérin avait réservé une visite guidée auprès de l'association Paris Art-et-Histoire et c'est Michèle Mazure, l'une de ses guides, qui nous a accompagnés pour une visite très exhaustive de l'ancienne abbaye royale du Val-de-Grâce.
Le rendez-vous était donné sur la place Alphonse Laveran, très joliment formée de deux arrondis donnant sur la rue Saint-Jacques.
C'est tout près d'ici, au N°284 de la rue Saint-Jacques que Louise de La Vallière entra au Carmel le 21 avril 1674 : le quartier est en effet à l'époque truffé de couvents (Les Ursulines, Les Jacobins, des Bénédictins anglais, des Grands Carmes, des Carmélites de l'Incarnation).
Devant le Val-de-Grâce, deux fontaines modernes décorent la place.
Les monogrammes de Louis XIII et d'Anne d'Autriche décorent les grilles en fer forgé.
La façade est de style classique : colonnes à chapiteaux corinthiens, frontons triangulaires, tout y est. La croix que l'on aperçoit au sommet est celle du dôme. Celui-ci présente la particularité de n'être visible que lorsqu'on voit l'église de loin : plus on se rapproche, plus il disparaît...
De part et d'autre du portail, deux statues dans des niches, ornées d'une jolie coquille
L'une représente Sainte Thérèse-d'Avila,
et l'autre Saint-Benoit.
Derrière la façade classique, un dôme imposant
C'est Anne d’Autriche, reine de France, qui pose le 3 juillet 1624 la première pierre de l’abbaye destinée à accueillir des bénédictines de l’ abbaye du Val-Profond à Bièvres. Pour remercier le ciel de lui avoir accordé un enfant (qui deviendra Louis XIV) après 23 ans de mariage, elle fit de cette église un ex-voto en l'honneur de la Vierge Marie.
La dédicace sur le fronton du porche est facilement compréhensible : « IESU NASCENTI VIRGINIQ(UE) MATRI », c'est-à-dire « (cette église est dédiée) à Jésus naissant et à sa mère la Vierge ». On remarque l'insistance sur le fait que Jésus est honoré comme enfant attendu qui est enfin né (comme Louis XIV) et Marie comme mère (comme Anne d'Autriche).
Sur le fronton triangulaire inférieur, les monogrammes de Louis et d'Anne entrelacés : bien que n'ayant pas choisi son mari et malgré un mariage plutôt malheureux, Anne d'Autriche a tenu à avoir ici, surmonté de la couronne royale, ce symbole de son union avec Louis XIII.
Sur le fronton supérieur, on trouve deux anges encadrant un médaillon aux armes de la reine.
Dans la cour qui précède l'église, un cadran solaire et une statue du baron Dominique-Jean Larrey, médecin et chirurgien militaire français, père de la médecine d'urgence
Le cadran solaire (de l'après-midi) indique les heures de 10h30 à 16h.
La statue est de David d'Angers.
Nous entrons ensuite dans l'enceinte de l'ancienne abbaye et la guide nous rassemble devant la maquette du site où l'on voit à droite l'église et son cloître mais aussi l'hôpital moderne inauguré en 1979 par Valéry Giscard-d'Estaing, aujourd'hui fermé (car trop vétuste) et voué à une reconversion non encore bien définie. Ce dernier avait été construit sur les terrains de l'ancien potager de l'abbaye.
Notre premier arrêt est pour la salle capitulaire qui était probablement lambrissée et ornée de portraits de la famille d'Orléans. Restent les portraits de Louis XIII et d'Anne d'Autriche.
Ils sont l'oeuvre de Philippe de Champaigne ou de son atelier.
Mais ce n'est pas sur ces portraits que notre guide s'arrête mais plutôt sur la stéréotomie des voûtes d'arête du plafond.
La tapisserie de Beauvais (XVIIIème siècle) qui décore la salle est intitulée "Tapisserie du malade imaginaire".
Notre guide nous conduit maintenant vers le cloître qui se situe au rez-de-chaussée bien sûr, près d'un superbe escalier sur lequel je reviendrai plus tard.
Le cloître est fermé par des fenêtres de sorte que les religieuses pouvaient y déambuler au chaud...
Les deux premiers niveaux sont très largement vitrés tandis que celui du dessus, qui était réservé aux dortoirs, possède de petites fenêtre surmontées d'un "œil-de-bœuf". Encore au-dessus, les fenêtres "à la Mansart" sont munies d'un fronton triangulaire, sauf aux angles où elles sont arrondies, le détail qui tue... !
Notre guide nous fait remarquer les lettres A et L entrelacées sur les portes en bois donnant accès au cloître.
La galerie occidentale du grand cloître est décorée de bustes, posés sur des piédestaux (eh oui, j'ai vérifié : un piédestal, des piédestaux !) et environnés de couronnes de chêne et de laurier, traversées de palmes.
Au registre inférieur, des plaques commémoratives, autrefois disséminées dans toutes les galeries, rappellent les noms des médecins et pharmaciens tués aux armées lors des grandes campagnes de l’Empire. Sur celle-ci, on peut voir quelle était la renommée du Dr Larrey cité précédemment.
Une jolie sculpture de caducée
Nous voici maintenant dans le "sas" d'accès à la chapelle : c'est là que se tenaient les religieuses, le public étant de l'autre côté de cette belle grille. Notre guide nous a expliqué qu'elles recevaient la communion (seulement à l'occasion de Noël et de Pâques) à travers une petite trappe...
Dans cette pièce, une exposition explique le travail actuel de restauration des génies et des anges qui ont été déposés du dôme car abîmés par les ans.
Voici un modèle grandeur nature en mousse de polyuréthane ayant servi de prototype en vue de la restauration des statues. A l'issue de la restauration des génies et de la repose des copies sur le dôme, huit génies originaux prendront place dans cette salle.
Nous voici de l'autre côté de la grille...
et là, c'est l'extase, on ne sait pas où donner de la tête tellement il y a d'endroits à admirer ! Sculptures et peintures rivalisent entre elles pour rendre ce lieu absolument sublime.
C'est là qu'on est bien content d'avoir pris une visite guidée !
A droite, un majestueux baldaquin à colonnes de marbre torsadé, oeuvre de Gabriel Le Duc (un élève du Bernin) d'après les plans de François Hardouin-Mansart, abrite le maître-autel.
Anges et angelots en décorent agréablement le faîte.
De chaque côté du baldaquin, les deux tribunes à balcons dorés ne sont là que pour l'esthétique.
Au sommet, la colombe du Saint-Sacrement en bois doré illumine l'ensemble.
Elle est accompagnée par deux anges qui tiennent une banderole sur laquelle sont écrit les mots "In terra pax hominibus bonae voluntatis" : et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté.
Adorable ce petit détail...
Regardez le travail de décoration des colonnes : le marbre vert est rehaussé de placages en bronze doré du plus bel effet.
Sur le Maître-autel, le groupe de la Nativité (de Michel Anguier - 1665) est une copie - commandée par Napoléon III - de celle conservée à l'église Saint-Roch. Notre guide nous a expliqué qu'à la Révolution les oeuvres d'art ont été mises à l'abri et qu'après on ne savait plus très bien d'où elles étaient issues...
La guide nous parle de l'attitude de Joseph, particulièrement déférent devant ce nouveau né qui est le fils de Dieu...
Jésus, lui, n'est pas représenté tel un nouveau né mais ceci est assez général dans la sculpture ou la peinture.
Marie est, naturellement comme toutes les mères, en admiration devant son enfant...
Si l'on lève les yeux maintenant vers le ciel..., on peut apercevoir la célèbre fresque en coupole peinte par Pierre Mignard en seulement deux mois et regroupant quelques 200 personnages.
Elle s'intitule "La Gloire des Bienheureux".
Je ne me suis pas lassée de la photographier...
Michèle Mazure nous en a expliqué chaque partie en détails.
Voici tout en haut Dieu le Père (qui tient le globe du monde entre ses mains) avec, à main droite, Notre Seigneur Jésus-Christ lui présente les élus ; au-dessus d'eux, la colombe du Saint-Esprit.
Qu'il est joli ce nuage supporté par des chérubins !
En-dessous, la croix et la couronne d'épines sont portées par cinq anges.
Encore en-dessous, un grand ange tient dans ses mains le Livre scellé des sept sceaux où sont inscrits le nom des élus.
Enfin, tout en bas, l’Agneau immolé et le chandelier à sept branches, attirent les premiers regards.
Il y a aussi, sur la gauche, Anne d'Autriche et Louis XIII vêtus de manteaux royaux : c'est Sainte-Anne qui conduit la reine. Celle-ci, voulant remercier Dieu de lui avoir donné un enfant, tient dans ses mains une maquette du Val-de-Grâce (c'est un ex-voto) et le roi Louis XIII tient son sceptre dans la main.
Je ne pense pas me tromper en vous disant qu'on voit ici Marie avec son manteau bleu et Marie Madeleine tenant le suaire du Christ entre ses mains...
Vers la droite, Saint Jean-Baptiste, représenté un peu dévêtu...
Saint-Augustin et le pape Saint-Grégoire...
Saint-Ambroise et Saint-Jérôme
Autour de la coupole, les quatre évangélistes
Saint Mathieu et son ange
Saint Marc et son lion
Saint Luc et son taureau qui est ici représenté avec un grand tableau placé sur un chevalet (le portrait de Marie) : Luc avait en effet ajouté à sa pratique des langues, du droit et de la médecine, le talent de la peinture. Il est ainsi le saint patron des peintres et des sculpteurs.
Saint Jean et son aigle
Sous chacun des évangélistes, d'adorables petits anges soutiennent le blason d'Anne d'Autriche et la couronne royale.
Avez-vous vu le magnifique dallage de marbre devant le maître-autel... ?
Il est bien sûr orné du monogramme d'Anne d'Autriche et de Louis XIII. Les lettres sont ceintes d'une couronne de palmes qui rejoint la couronne royale ; tout autour, des fleurs de lys...
Nous voici maintenant devant la chapelle Sainte-Anne : elle se trouve sur la droite du choeur.
C'est là où ça commence à être macabre !
C’est dans la chapelle Sainte-Anne du Val-de-Grâce que furent conservés de nombreux cœurs de princes et princesses de la famille royale de France, Bourbons et Bourbon-Orléans.
Le premier fut celui de la fille de Louis XIV, Anne-Elisabeth de France, morte le 13 décembre 1662 âgée d’à peine quelques mois. Anne d’Autriche, grand-mère de l’enfant, porta elle-même le petit cœur à l’abbesse du Val-de-Grâce, la mère Dufour de Saint-Bernard. Elle lui dit : « Ma mère, voilà un cœur que je vous apporte pour le joindre bientôt au mien. » La reine-mère mourut en 1666.
En 1793, lors de la profanation de la chapelle Sainte-Anne, Louis-François Petit-Radel (architecte et dessinateur français), par ordre du Comité de Salut Public, fut chargé de détruire les 45 cœurs des princes et princesses de la Maison de France, mais il donna un coup de canif au contrat...
C'est ainsi que les cœurs de treize souverains ou personnages princiers (Anne d'Autriche, Marie-Thérèse d'Espagne, la Grande Mademoiselle,…) furent vendus ou échangés contre des tableaux, à des peintres qui recherchaient la substance issue de l'embaumement ou "mummie" (substance très rare et hors de prix, résultat d'un mélange d'une matière organique, le cœur, macérée dans de l'alcool, et d'aromates) : une fois mêlée à de l'huile, elle était réputée donner un glacis incomparable aux tableaux.
L'un de ces cœurs entra ainsi en possession du peintre Martin Drolling qui l'aurait utilisé pour peindre son Intérieur d'une cuisine.
La cuisine par Martin Drolling (Musée du Louvre)
En pendant de l'autre côté du choeur, se trouve une chapelle abritant un orgue Cavaillé-Coll, installé ici en 1891, orgue qui provient de l'église Sainte Geneviève transformée en Panthéon, ayant donc perdu sa vocation d'église (Photo internet).
On ne sait rien de l'orgue qui se trouvait au Val-de-Grâce avant la Révolution - durant laquelle il fut démonté et dispersé - sinon le nom de l'auteur du buffet, Germain Pilon. Le Val-de-Grâce étant abbaye royale, les plus éminents musiciens s'y produisirent : Lully dirigea l'office des ténèbres du vendredi Saint et Moulinié fut l'un des maîtres de chapelle.
Notre guide nous entraîne maintenant dans la nef de l'église, séparée du choeur par une élégante grille en fer forgé.
La nef possède deux bas-côtés séparés du vaisseau central par d'imposants pilastres cannelés à chapiteaux corinthiens.
En levant les yeux, on peut admirer le superbe plafond entièrement sculpté : la voûte de la nef, en berceau, est entièrement décorée de caissons à frise d’entrelacs, sculptés d’anges porteurs de candélabres ou de phylactères.
Six grands médaillons sont décorés d’effigies de saints et de saintes : la Vierge Marie et Joseph, sainte Anne et saint Joachim, sainte Élisabeth et saint Zacharie, sortis du ciseau de Michel Anguier.
Au-dessus d'une corniche à modillons, les larges baies vitrées de l'étage laissent pénétrer la lumière naturelle. Des angelots, porteurs de couronnes et de fleurs, encadrés de feuilles d'acanthe et de rosaces, occupent les voussures des baies vitrées.
Entre chacun des pilastres, des bas-reliefs, toujours sculptés par Anguier, représentent les Vertus (La Tempérance et la Force, La Religion et la Piété, La Foi et la Charité, La Prudence et la Justice, La Bonté et la Bénignité, L'Humilité et la Virginité).
Je ne me souviens plus de quelles Vertus il s'agit ici...
Ici, il s'agit de La loi et La charité.
Une bien belle maternité
Les bas-côtés n'ont pas été oubliés par Anguier.
Au fond de la chapelle, deux tableaux de Philippe de Champaigne peints avant 1636 pour l'église du Carmel du Faubourg Saint-Jacques, et acquis en 1991 par le ministère de la Défense suite à un don de Karl Lagerfeld.
Les photos qui suivent sont tirées d'internet car il y avait une vitre devant les tableaux qui reflétait le flash...
L’ascension
La Pentecôte (détail)
Avez-vous remarqué les petites flammes de feu sur la tête des disciples et de Marie ? C'est le signe que le Saint-Esprit est descendu sur les apôtres ce jour-là.
Tout près de là, deux petites portes pourvues de séraphins ou de chérubins (je ne sais plus...). Les séraphins et les chérubins sont loin, parait-il, devant les anges dans la hiérarchie céleste...
Dans un autre bas-côté, deux autres tableaux de Philippe de Champaigne
L'entrée du Christ à Jérusalem à gauche et Le Christ et la Cananéenne à droite
Voici le superbe escalier qui dessert l'étage : Michèle Mazure nous montre tout particulièrement les piliers de la balustrade : ceux-ci ont été sculptés de façon à rester verticaux malgré le rampant de l'escalier...
Le long des "voûtes" interrompant la balustrade, les piliers ont été coupés à moitié.
Le détail qui tue !
Avez-vous remarqué cette toute petite ébauche de pilier à droite de la photo... ?
Nous voici en vue du premier étage : on peut y admirer encore de belles voûtes d'arêtes.
C'est là que se trouve le Musée du Service de santé des armées qui renferme la collection du docteur Debat que nous allons visiter.
Il y a surtout une apothicairerie qui est reconstituée avec, dans ses rayonnages, de superbes pots à onguents.
Ces microscopes verticaux (XVIIIème siècle) ont attiré mon attention.
Ces superbes majoliques sont des "albarelles" (ou pots à onguents).
Vase à deux anses en forme de dragon (médaillon représentant Saint Jean-Baptiste)
On y voit aussi une belle collection de mortiers,
et ce curieux objet de la fin du XVIIIème siècle (provenance Angleterre)
Il s'agit d'un crachoir en bois exotique en forme de dauphin supportant une coquille. Il est actionné par une tige coulissant dans le manche.
Le soleil décline en cette fin d'après-midi d'hiver, jouant harmonieusement avec la couleur des pierres du Val-de-Grâce.
Une visite, comme toujours, passionnante : merci Anne-Marie de nous l'avoir proposée.