☻ La peinture florentine au Quattrocento : une conférence de l'Université Permanente de Paris
2 avril 2018 - La semaine dernière je suis allée écouter une conférence super intéressante, qui était donnée par Lionel Cariou de Kerys, conférencier en Histoire de l'Art. Elle proposait un voyage artistique au coeur de la Florence du Quattrocento, cette ville qui, dès le début du XVème siècle, a été le creuset d'un extraordinaire renouvellement dans tous les domaines de l'art et en particulier dans celui de la peinture.
Il s'agit de la Renaissance italienne.
Nous avons vu de si belles oeuvres que je ne résiste pas à tenter- très modestement - de vous retracer cette conférence en images ou, du moins, ce qui m'en est resté - internet aidant.
Le conférencier plante d'abord le décor en nous montrant une photo de Florence et en nous disant que toutes les oeuvres qu'il allait nous montrer se trouvaient, soit à la Galerie des Offices, soit à l'Accademia, soit dans les différentes églises de la ville.
Précédemment, les dimensions colossales de l’architecture religieuse s’épanouissaient sur tout le monde chrétien dans un style commun appelé gothique international.
Ainsi Palla Strozzi commande un retable à Gentile da Fabriano, signé et daté de 1423 sur le cadre, pour la chapelle de sa famille dans l'église de Santa Trinita de Florence.
L'Adoration des Mages (1423)
La richesse et la culture du commanditaire sont reflétées par l'utilisation prodigue d'or, par le pigment de lapis-lazuli utilisé pour le manteau de la Vierge et par la splendeur du cortège des Rois mages, avec notamment des animaux aussi exotiques que des léopards et des singes.
Il est assez extraordinaire d'agrandir la partie haute du tableau - peint sur bois - et d'admirer la finesse des détails de la procession se dirigeant vers Jérusalem.
Nous voyons sur cet autre détail Palla et son fils Lorenzo sur la droite du tableau, juste derrière le plus jeune roi. Alors que Lorenzo est coiffé d’un chapeau de fourrure rouge et regarde le spectateur hors du tableau, Palla porte un riche vêtement orné de fourrure et se concentre sur l’adoration. Il a sur le poing un faucon, son emblème personnel.
De la même époque et dans le même style, le "Couronnement de la Vierge" de Lorenzo Monaco (1414). L'oeuvre est conservée à la Galerie des Offices.
Le conférencier nous a dit que Lorenzo Monaco annonçait Fra Angelico...
Une autre oeuvre de Lorenzo Monaco "L'Adoration des Mages" (1421-1422) également à la Galerie des Offices. J'ai cru comprendre que l'une des caractéristiques du gothique international était d'avoir des ciels en fond d'or...
Et maintenant venons-en aux peintres de la Renaissance italienne.
Voici une "Vierge à l'enfant avec Sainte-Anne" de Masaccio et Masolino (1424) qui est elle aussi conservée à la Galerie des Offices.
On parle ici de l'effet de la lumière naturelle sur les visages. A noter, le refus des fioritures et des détails anecdotiques chers aux gothiques. Les peintres ne cherchent pas à charmer, à plaire. Il n’ont pas recours à la fantaisie décorative.
Sans vouloir critiquer, l'enfant Jésus n'est pas trop réussi...
Toujours de Masaccio, une fresque dans la Chapelle Brancacci
Masaccio est considéré comme le père fondateur de la peinture de la Renaissance italienne. Malheureusement, il mourra à 27 ans et c'est Filippino Lippi qui terminera l'une de ses fresques.
"Le tribut de Saint-Pierre" - ou l'entrée de Jésus à Capharnaüm - (1424 - 1427)
Masaccio a inclus les trois différents moments de l'histoire dans la même scène. Le collecteur d'impôts faisant sa demande à Jésus et la réponse de celui-ci à la question de Pierre lui demandant comment trouver l'argent nécessaire en indiquant la mer est illustré au centre. A gauche, Pierre attrape les poissons dans le lac et extrait le tribut. A droite, Pierre remet l'argent au collecteur d'impôts en face de sa maison.
Ci-dessous Pierre retire une pièce promise par Jésus de la bouche du poisson (le tribut).
Et maintenant viennent toute une série de fresques exécutées par Fra Angelico pour le Couvent de San Marco dont l'entrée se fait par le cloître Saint-Antonin.
"Crucifixion et Saints" - autour de 1440 (Salle du Chapitre)
Malheureusement je ne me souviens plus du tout de ce que le conférencier avait dit de cette oeuvre. Je vous la livre donc telle quelle accompagnée de quelques détails.
La fresque comme si vous y étiez...
Toujours de Fra Angelico, le "Tabernacle dei Linaioli" (1432 - 1433)
Il s'agit d'un triptyque décoré recto-verso avec au centre une Vierge à l'enfant.
Notre conférencier nous a montré, comme ici, beaucoup de détails.
Trop beau, non ?
"Déposition de croix" par Fra Angelico (1432) - Musée du Couvent de San Marco
Là, je comprends très bien la dénomination de "Renaissance" avec ce fond paysager très travaillé.
Fra Angelico a décoré toutes les cellules des moines du Couvent San Marco avec des fresques.
L'une d'elle s'intitule "Le Christ aux outrages" (1441).
La Vierge, éplorée, et Saint-Dominique, plongé dans la lecture des Ecritures, tournent le dos au Christ.
Mais, si cette fresque frappe le visiteur du couvent San Marco de Florence, c’est bien par la représentation, autour du Christ, de cette tête d’homme de profil et de ces cinq mains, toutes sans corps, qui appartiennent de toute évidence à ses bourreaux. L'une de ces raisons est esthétique. En représentant les bourreaux « en entier », Fra Angelico aurait surchargé sa composition, détournant l'oeil du spectateur vers autre chose que le Christ et sa misère. En ne représentant que les parties essentielles à la compréhension de la scène (la figure qui crache et les mains prêtes à s'abattre sur le corps du martyr) et laissant les grands plans colorés autour du Christ, il laisse à la scène toute sa solennité et au Christ toute sa majesté, si dérisoire qu'elle soit.
Le Christ paraît royal et lumineux, revêtu de gloire et de majesté, la tête nimbée d’or.
Allez, une dernière oeuvre de Fra Angelico pour la route et... pas la plus vilaine !
Il s'agit de "L'Annonciation" (vers 1437) : la fresque est située en haut de l'escalier menant aux cellules des moines dans le Couvent de San Marco.
Ici encore l'oeuvre est très architecturée avec cette colonnade qui laisse entrevoir un jardin clos, symbole de la Vierge. La colonnade - avec son tirant d'acier pour renforcer la structure - est là aussi pour montrer la virginité de Marie assise sur un simple tabouret... La fantastique palette de couleurs des plumes des ailes montre la préciosité et la splendeur de l’ange.
J'aime beaucoup cette fresque.
Un autre peintre maintenant : Domenico Veneziano et une oeuvre qui se trouve également à la Galerie des Offices : "Conversation sacrée" (1445 - 1447)
Quant à Paolo Ucello, le conférencier nous a dit qu'il était fan de perspective : il a mis le paquet ici avec toutes ces lances et ces pattes de chevaux qui s'entrecroisent !
"La bataille de San Romano" (1450) dont il existe un exemplaire au Louvre.
De Filippo Lipi : l'"Annonciation" (Eglise San Lorenzo) - 1445
Comme vous le voyez, toujours ce cloisonnement en relation avec la virginité de Marie et un fond très travaillé en perspective. Le peintre a pris des libertés en représentant ici plusieurs anges...
Autre oeuvre de Filippo Lippi : le "Couronnement de la Vierge" (1447) qui se trouve encore à la Galerie des Offices.
Notre conférencier nous a fait remarquer que chaque visage était différent...
et que le peintre s'était représenté également. Pas très flatteur, je trouve mais on ne peut que louer l'exactitude de sa peinture...
Et maintenant, après toutes les oeuvres de Fra Angelico voici un autre "poids lourd" de la Renaissance italienne, Sandro Botticelli (il était l'élève de Filippo Lippi).
Autoportrait (1475)
"La Force" (1470) est sa première oeuvre connue (il n'a que 25 ans quand il l'exécute). Elle est conservée à la Galerie des Offices.
Ce tableau, commandé par le tribunal de commerce de Florence, était destiné à orner la salle des audiences. Il reçut une approbation générale et permit à Botticelli d'acquérir la célébrité à Florence.
Le peintre a fait quantité de madones à l'enfant par ailleurs comme cette "Madone de la mer" (1475-1480). La Vierge a une expression soucieuse...
Quelle beauté dans la transparence du voile !
Le tableau est ainsi nommé à cause du fond où l'on aperçoit un bateau.
Toujours de Botticelli, "La décapitation d'Holopherne" (1470)
Le peintre a eu la délicatesse de ne pas montrer la tête tranchée mais...
on retrouve celle-ci dans le panier de la servante dans "Le retour de Judith à Béthulie"(1470).
"L'adoration des Mages" (1475-1476) a été peint pour un proche des Médicis : nombre de Médicis y sont d'ailleurs représentés. Quant au peintre, il a fait son autoportrait au premier plan à droite.
La Chapelle Sixtine - je l'ai appris ce jour là - porte ce nom en l'honneur du Pape Sixte IV qui la fit construire de 1477 à 1483.
Botticelli est l'auteur de trois des fresques situées à mi-hauteur comme celle-ci :
"La tentation du Christ" (1480-1482)
A gauche, le diable met le Christ au défi de changer les pierres en pain, au centre il essaie de le convaincre de se jeter en bas du temple sachant qu'il sera sauvé par son Père, à droite le diable montre au fils de Dieu toutes les richesses du monde qu'il aura s'il fait de lui son maître. Finalement, le Christ chasse le diable au loin et celui-ci lui révèle son identité diabolique.
Il est aussi l'auteur de différents "tondi" - des peintures circulaires - comme celle-ci intitulée "La Madone du Magnificat" (1481) qui est une commande de la famille Médicis : on voit dans l'utilisation de l'or dans les chevelures, les ornementations des tissus et de la couronne que le donateur est un riche mécène. Il est conservé à la Galerie des Offices.
La difficulté dans ces peintures circulaires est d'épouser la forme du cadre, ce que Botticelli a merveilleusement réussi.
Autre peinture en "tondo" : "la Vierge à la grenade" (1487) également conservé à la Galerie des Offices. La grenade est le symbole du sang de la Passion du Christ.
Superbe !
"Pallas et le centaure" (1482) a été commandé à Botticelli par Laurent le Magnifique. Pallas est le symbole de l'intelligence tandis que le centaure est celui de la force brute.
Quelle élégance dans le costume végétalisé de Pallas !
Voici l'une des oeuvres majeures de Botticelli : "Le Printemps" (1478 - 1482)
Le tableau a été offert par Laurent le Magnifique à son cousin à l'occasion de son mariage.
Les personnages sont alignés dans un bois d'orangers.
La peinture se lit de droite à gauche : Un zéphyr (allégorie du vent) attente à la vertu de la nymphe Chloris qui se transforme en la nymphe Flore, déesse du printemps. Au centre Vénus, chaste (idéalisation de l'amour) et à droite le groupe des trois grâces (notre conférencier a parlé de rythme musical...). Tout à fait à gauche, Mercure, Dieu du bonheur, arrête l'hiver de son caducée.
A remarquer le tapis de fleurs...
Quelques détails
"La naissance de Vénus" (1484 - 1486) est l'autre oeuvre majeure de Boticcelli.
A gauche, Zéphyr enlace la nymphe Chloris, au centre Vénus a une expression très mélancolique. A droite, l'Heure des saisons tend un manteau à Vénus pour cacher sa nudité...
Curieusement, la toile sombrera dans l'oubli pendant plus de trois siècles...
Andrea del Verrochio était bronzier. Il a réalisé "Le baptême du Christ" (1472 - 1475) en confiant à certains collaborateurs le soin de peindre certaines parties du tableau (comme le palmier). Ainsi, tandis qu'il est l'auteur des visages, les deux anges en bas à gauche sont l'oeuvre d'un certain Léonard de Vinci...
Venons-en justement à Léonard de Vinci avec cette "Annonciation" (1472 - 1475)
L'emploi du sfumato dans le fond du paysage le rend très poétique.
"L'Adoration des mages" (1481) est également l'oeuvre de Léonard de Vinci mais il s'agit d'un tableau inachevé : Laurent le Magnifique ayant accepté que le peintre parte travailler à Milan pour Ludovic le Maure.
C'est Fillipino Lippi, le fils de Fillippo, qui fera une "Adoration des mages" un peu plus tard (1496). Il est aussi l'élève de Botticelli. Ses dessins sont raffinés et ses couleurs éclatantes.
A mon goût, un peu trop chargé.
Il a décoré également la Chapelle Brancacci : c'est un grand fresquiste.
"Crucifixion de Saint-Pierre" (1481 - 1482) : la tête en bas comme dans les Ecritures...
On aperçoit Sandro Botticelli qui nous fait face : celui-là, si je le croise dans la rue, je pense que je le reconnaîtrai !
Domenico Ghirlandaio est une peintre religieux.
Voici son "Saint-Jérôme" (1480)
Cette fresque fait pendant, dans l'église Ognissanti à celle du "Saint-Augustin" de Botticcelli. Une inspiration visiblement flamande très à la mode à l'époque (Cf. Saint Jérôme dans son étude de Van Eick).
Par ailleurs Ghirlandaio a un vrai goût pour la perspective : on le voit dans "La cène" (réfectoire d'Ognissanti - 1480) où la double voûte, ouverte sur un jardin, prolonge visuellement l'espace même de la salle.
Il a exécuté également une "Adoration des bergers" (1485) sur fond de paysage et d'architecture antiquisante et a fait au premier plan à droite son premier autoportrait.
Quelle délicatesse dans le voile de la Vierge, et ces couleurs vives... : c'est vraiment superbe.
Ghirlandaio a le goût du portrait : dans sa "Naissance de Saint-Jean-Baptiste" (1485), tous les visages sont différents.
Dans ce détail, le portrait de Lucretia Tornabuoni, mère de Laurent la Magnifique.
La porteuse d'offrandes
Pour terminer deux peintures de Pietro di Cristoforo Vannucci (dit Le Pérugin) avec de superbes "sfumati" (effet de brouillard)
La Vierge à l'enfant (1500)
et une fresque (située dans la Salle capitulaire du Couvent de Santa Maria Maddalena dei Pazzi) à Florence intitulée : "Crucifixion" (1495)
Elle se présente sous la forme d'un triptyque avec au centre Marie-Madeleine agenouillée au pied de la croix, à gauche la Vierge et Saint-Bernard, et à droite Saint-Jean et Saint-Benoît.
J'ai adoré cette conférence qui nous montrait les oeuvres au plus près.
Je me souviens avoir adoré le programme d'histoire du lycée traitant de la Renaissance italienne et nombre de peintres ne m'étaient pas totalement inconnus...
Une bonne révision tout de même !