Décidément, en ce moment, je suis très prolixe...
Encore une visite guidée cette semaine : elle m'était proposée par "Les Promenades Urbaines", un site dont je reçois régulièrement les newsletters.
Son intitulé : "Léon Nafilyan, une résonance arménienne à Paris". La balade était encadrée par Régis Labourdette, historien d'art et photographe et c'est donc à un cours d'architecture arménienne doublé d'un cours d'histoire que nous avons assisté (le tout pour des profanes bien sûr et donc bien à la portée de tous).
Le rendez-vous était donné en début d'après-midi devant la Maison des Étudiants Arméniens à la Cité Universitaire qui, comme chacun d'entre vous le sait, se situe dans notre quartier.
Comme nous le fait remarquer Régis Labourdette, le nom de la maison est inscrit dans la pierre de façon très originale : des oiseaux se disputent des vers de terre pour former les lettres ! Les entrelacs qui ornent le fronton du porche sont aussi typiques de l'architecture religieuse de ce pays.
Avec un petit coup de zoom, tout devient limpide !
C'est le Directeur de la maison des étudiants, Philippe Sukiasyan, qui nous accueille ensuite dans le salon.
Il fait le maximum pour que chacun trouve une place assise et confortable, ajoutant des chaises aux fauteuils existants et s'excusant avec humour pour son retard, tout oriental somme toute !
Il nous raconte l'histoire mouvementée de son pays pendant une bonne heure. Je suis bien entendu incapable de vous la retracer... mais ce que j'en ai retenu c'est que la communauté arménienne forme une diaspora gigantesque : en effet, après le génocide de 1915-1916, certains d'entre eux réussirent à s'enfuir et s'installèrent dans différentes villes de l'Europe de l'Est, des Balkans et du Moyen-Orient, notamment à Moscou, à Odessa et à Sébastopol (Ukraine), à Tbilissi (Géorgie), à Athènes, à Beyrouth et à Alep (Syrie).
Plusieurs milliers d'Arméniens s'installèrent aussi en Europe de l'Ouest (principalement en France, en Allemagne, en Italie et aux Pays-Bas) ainsi qu'en Amérique (du Nord et du Sud) à partir de 1890. De fortes communautés arméniennes existent également en Extrême-Orient russe et dans les ex-républiques soviétiques d'Asie centrale.
Pendant cette conférence, il nous parle aussi de Boghos Nubar Pacha, le fondateur de la Maison des Étudiants Arméniens et de l'UGAB (l'Union générale arménienne de bienfaisance).
Portrait de Boghos Nubar Pacha accroché dans le salon de la maison.
Né en 1851 à Constantinople, il fait en 1927 une donation de 2 millions de francs à la Cité internationale pour financer l’édification d’un pavillon arménien, souhaitant ainsi favoriser l’émergence d’une nouvelle élite (décimée par le génocide) pour son peuple. La Fondation Marie Nubar - du nom de son épouse décédée en 1925 - a été inaugurée le 16 décembre 1930, six mois après la mort de son fondateur.
Un joli vitrail dans le salon : il provient des ateliers Gaudin.
Après cette introduction à l'Arménie, des jus de fruits (arméniens) nous ont été servis : on reconnait ici l'hospitalité orientale. Il y avait différents parfums : de la pêche mais aussi du jus de cornouiller que j'ai naturellement voulu goûter. Bof : c'est question de goût...
Poursuivant notre visite, nous entrons dans la Bibliothèque. Elle est petite (la Fondation Marie Nubar compte environ 80 étudiants dont 20 étudiants d'origine différente (comme dans toute maison de la Cité U qui se respecte de façon à favoriser les échanges) mais "cosy".
La table est en béton tout comme le carrelage qui est d'origine (c'est l'époque de l'Art-Déco).
D'élégantes fresques (l’œuvre de Raphaël Chichmanian, paysagiste et portraitiste) mettent les portes en valeur : il s'agit ici de retrouver l'art séculaire de l'enluminure arménienne. Sympa pour une bibliothèque d'avoir un décor livresque !
Mais je m'aperçois avec stupeur que je vous parle d'architecture alors que je ne vous ai rien dit de l'architecte qui a construit cette jolie maison : un oubli que je vais réparer illico-presto !
Il s'agit de Léon Nafilyan, architecte français d'origine arménienne né en 1877 à Constantinople et émigré en France en 1915 au moment du génocide. Sur la fin de sa carrière il a mêlé architecture d'influence orientale et esthétisme Art-Déco comme ici dans la Fondation Marie Nubar.
Buste de Léon Nafilyan dans un passage couvert reliant la Maison des Etudiants Arméniens à la Maison des Provinces de France.
Dans le couloir qui conduit au Salon et à la Bibliothèque, Régis Labourdette a fait don de certaines de ses photos prises en Arménie.
Ça donne bien envie d'y aller, non ?
Dans le hall d'entrée, une très jolie rampe d'escalier Art-Déco dont Régis Labourdette nous signale qu'on ne pourrait plus l'installer de nos jours car elle possède trop de "jours" et pourtant, grâce à cela, elle est d'une grande légèreté... Il nous fait aussi remarquer l'élégance du fer forgé qui, tel qu'il est travaillé, induit par ses courbes un cercle imaginaire. On retrouve dans la cage d'escalier, à chacun des étages, le vitrail du salon que je vous ai déjà montré.
Aux quatre coins du Hall, un décor de colonnettes surmontées de jolis chapiteaux.
Régis Labourdette termine sa visite par l'extérieur de la Fondation.
Il nous montre le plan original de l'architecte qui ne prévoyait que deux étage surmontés de "mansardes". Evidemment le premier plan présenté n'est pas toujours celui qui sera réalisé... Il faut donc que Léon Nafilyan modifie son projet pour agrandir l'espace logeable : il ajoute un étage supplémentaire mais modifie la façade en mettant en retrait ce dernier pour ne pas nuire à l'harmonie.
Tout comme dans l'architecture arménienne traditionnelle, ce sont des pierres de taille qui recouvrent ici le béton (qui est armé de nos jours).
A chacune des extrémités du bâtiment, une petite avancée qui fait penser à une abside d'église tout comme la partie qui inclue le porche d'entrée rappelle un transept : la croix grecque en quelque sorte : le Pavillon Marie Nubar s'inspire en effet de l'architecture religieuse arménienne du Moyen-Age.
Nous n'avions pas compris que cette visite se continuait par une petite virée du côté de Passy : nous avons donc quitté le groupe ici car nous étions venus, en voisins, les mains dans les poches !
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C'est en effet à Passy que se trouve le Square de l'Alboni où Léon Nafilyan construisit un immeuble Art-Déco (N°9 -11) dans lequel il habita tout comme le célèbre Jean Nohain.
J'ai naturellement trouvé ceci sur le net tout comme les photos de cet immeuble.
Après tout, une petite promenade au Square de l'Alboni par une après-midi ensoleillée et... avec mon bel appareil photo : pourquoi pas ? (mais je ne pourrai sûrement pas entrer dans l'immeuble...).