☻ Visite guidée du Château d'Ecouen avec Générations 13 - Deuxième partie
31 janvier 2020 - sPour voir la première partie de cette visite, guidée par Gilbert Obel de l'association "Paris-Art et Histoire", cliquez ICI. Après avoir visité les extérieurs et le rez-de-chaussée du château-musée, nous montons à l'étage.
Dans l'appartement d'Anne de Montmorency, nous retrouvons l'une des douze cheminées monumentales soigneusement décorée dans le style renaissance.
Le décor peint de son manteau représente "La chasse d'Esaü" ou...
"Qui va à la chasse, perd sa place !"
Esaü, fils aîné d'Isaac, fut appelé au chevet de son père lorsque celui-ci fut sur le point de mourir. Le vieillard lui demanda de prendre son carquois et son arc, de partir chasser et de lui apprêter ensuite selon son goût le gibier tué, avant de recevoir sa bénédiction (Genèse, 27). C'est pendant cette chasse que Jacob, avec l'appui de sa mère Rebecca, en profitera pour être béni par Isaac en lieu et place de son frère.
Vous pouvez en regarder l'histoire humoristique ci-dessous...
Cette histoire est à rapprocher de celle de l'amitié entre le Connétable de Montmorency et le roi François Ier puis de leur brouille ultérieure.
La scène du médaillon central représente Esaü à la chasse. Elle est entourée de deux figures portant l'épée du Connétable. (Photo Panoramadelart.com)
Sous le sujet principal, un cartouche rectangulaire en camaïeu sombre montre Jacob conduit par sa mère Rebecca au chevet d'Isaac devenu aveugle, pour recevoir sa bénédiction.
Depuis l'étage, on a une vue plongeante sur la cour et l'étoile à cinq branches dessinée dans le pavement (datant de 1805), époque à laquelle le château devint "Maison d'éducation de la Légion d'honneur".
Ah, ces lustres... Ils sont bien gênants quand on doit faire des photos sans flash... !
Au premier étage, la galerie de Psyché assurait la liaison entre les appartements du Connétable et les appartements du Roi. Elle a recueilli le vaste ensemble des dix tentures (75m de longueur totale sur 4,5m de hauteur) de David et Bethsabée qui trouve ici un havre providentiel même si son installation a nécessité l'obturation de cinq fenêtres.
Cette tenture illustre le récit biblique du "Second Livre de Samuel".
En pleine guerre contre les Ammonites, le roi David s’éprend de Bethsabée alors que sa femme Michol est frappée de stérilité : de cette relation adultère s'annonce une descendance. David envoie alors Urie, l'époux de Bethsabée, en première ligne du front, où il trouve la mort. La colère divine s'abat sur le couple et l'enfant décède. Après une période de repentance, le souverain pardonné remporte la victoire et épouse Bethsabée. De son union avec Bethsabée légitimée par Dieu naîtra Salomon, grand roi d’Israël.
L’histoire est transposée dans le cadre de vie du XVIe siècle, offrant une multitude de détails sur la vie de la cour à la Renaissance (costumes, apparat et cérémonial royal, art de la guerre). Monsieur Obel nous explique aussi que la Renaissance a horreur du vide : il n'y a pas un cm² qui ne soit décoré...
David, pieds nus et sans couronne...
Des suivantes de Bethsabée
David, assis sur le trône, accueille Bethsabée.
Dans cette autre pièce, c'est au tour de la sculpture de raconter une histoire : celle d'Actéon qui surprend un jour, au cours d’une chasse, la déesse Diane prenant son bain. Furieuse d’être vue nue, elle le transforme en cerf. Actéon meurt alors dévoré par ses propres chiens qui ne le reconnaissent pas, rendus fous de rage par la déesse.
J'adore les légendes !
Sur le côté droit du manteau, Diane prend son bain entourée de ses suivantes.
Sur le côté gauche, Actéon est représenté avec un corps d'homme et la tête d'un cerf.
Cette petite pièce - Le Cabinet du Roi - présente une reconstitution d'un costume d'Henri II et une collection d'émaux sur cuivre de Pierre Courteys. La technique consistait pour l'émailleur à apposer sur une plaque de cuivre des couches d'émail, colorées par des oxydes métalliques : chaque couleur nécessite donc une cuisson spécifique.
Les inscriptions peintes identifient cinq dieux de l'Antiquité : Jupiter, Mars, Mercure, Saturne, Apollon - le soleil -, un héros - Hercule -, ainsi que trois Vertus : la Justice, la Charité et la Prudence.
Hercule est reconnaissable à la peau de lion qu'il arbore (il s'agit là du premier des douze travaux d'Hercule : tuer le lion de Némée et le rapporter à Eurysthée). (Photo musée de la Renaissance).
Nous passons devant un escalier en bois dédié à Marie de Médicis et à Henri IV : il provient de la Cour des Comptes de Paris.
Je ne connais pas le terme par lequel on nomme ces bustes féminins en architecture : Ça rappelle un peu le sphinx de Gizeh, non ?
Nous sommes ici dans la Salle du Pavement ou Grande Salle de l'appartement d'Henri II. Y est exposé un pavement commandé au faïencier rouennais Masséot Abquesne, dans des coloris de bleu et de jaune et qui pavait à l'origine l'ensemble de ce premier étage.
Il s’agit pour Anne de Montmorency, à travers ce pavement, de rendre hommage au nouveau roi, Henri II, auprès duquel il a retrouvé grâce après la disgrâce qu’il connut en 1541 au cours du règne de François Ier.
Les guirlandes de fruits qui accompagnent ces pavements sont super jolies, je trouve. On reconnait ci-dessous les armes d'Anne de Montmorency : D'or à la croix de gueules cantonnée de seize alérions d'azur.
Et ici le monogramme du Connétable : le A et le M entrelacés - se lisant aussi bien à l'endroit qu'à l'envers - entourés par deux gantelets maintenant l'épée du Connétable.
Au mur également l'armorial du Connétable
La tapisserie provenant d'un atelier bruxellois qui en décore les murs s'intitule "Fructus belli" : on y voit en effet le partage d'un butin.
Par les grandes fenêtres qui éclairent la pièce,
on peut voir la plaine de France et le village d'Ecouen.
Dans cette pièce située tout en haut du château sont exposées des objets en faïence.
Ce panneau, du faïencier Masséot Abaquesne, représente la construction de l'arche de Noé. Il m'a tapé dans l'oeil.
Cliquez sur l'image pour la voir en grand.
Voici une immense pièce où l'on peut voir des quantités impressionnantes de céramiques de diverses provenances ainsi que de la verrerie.
Depuis cette fenêtre on jouit d'une belle vue sur l'aile affectée au Roi et à la la Reine.
Ne sont-elles pas sublimes toutes ces faïences... ?
J'ai loupé les explications de Monsieur Obel sur cette faïence de Saint-Porchaire (Poitou), très rare puisqu'on n'en trouve qu'entre une trentaine et une soixantaine à ce jour. Elle était destinée à une clientèle très restreinte.
Coupe aux armes des Malestroit : terre-cuite à glaçure plombifère
L’aiguière d’Ecouen est célèbre : elle revêt se distingue tant par sa virtuosité technique que par sa qualité esthétique.
Avez-vous vu le satyre et le petit reptile... ?
Quant à l’œuvre artistique de Bernard Palissy, dont on peut voir ici quelques réalisations, elle maîtrise une double technique : les émaux plombeux colorés par des sels minéraux et le moulage sur le vif d’animaux fraîchement tués.
Les pièces de petites dimensions – il en subsiste une dizaine – sont des bassins rustiques chargés de fruits, de coquillages, de poissons et de reptiles : Bernard Palissy habitait près de Saintes.
Les pièces de grande dimension, dont il reste de nombreux fragments, sont des rochers, animaux, végétaux, personnages en terre émaillée, qui servaient à la décoration de jardins et de grottes. Bernard Palissy commencera d'ailleurs à construire en 1555-1556 une grotte à Ecouen pour le connétable Anne de Montmorency, travail qui fut interrompu par son embastillement : le peintre finira sa vie à la Conciergerie du fait de sa conversion au protestantisme.
Je ne peux pas dire que j'aime même si c'est sûrement un travail très original qui a fait la renommée de son auteur.
Ecritoire au cavalier en faïence de Faenza - Début du XVIème siècle
(Photo Le blog de Acbx41)
Assiette en faïence de Faenza (Italie) avec un jeu de mots humoristique à connotation scatologique, faisant allusion au Clergé corrompu
Une autre assiette en provenance de Faenza représentant Pyrame et Thisbé d'après "Les métamorphoses" d'Ovide
Pyrame et Thisbé sont deux jeunes Babyloniens qui habitent des maisons contiguës et s'aiment malgré l'interdiction de leurs pères. Ils projettent de se retrouver une nuit en dehors de la ville, sous un mûrier blanc. Thisbé arrive la première, mais la vue d'une lionne à la gueule ensanglantée la fait fuir ; son voile lui échappe et il est déchiré par la lionne qui le souille de sang. Lorsque Pyrame arrive, il découvre le voile et les empreintes du fauve : croyant que Thisbé en a été victime, il se suicide, son sang éclaboussant les mûres blanches. Thisbé, revenant près du mûrier, découvre le corps sans vie de son amant et préfère se donner la mort à sa suite.
Shakespeare s'en est inspiré pour son Roméo et Juliette...
Assiette de majolique en provenance de Pesaro (Italie) de l'atelier de Guido Durantino représentant Latone et ses enfants.
Nous voici repartis pour une autre légende !
Latone, mère d’Apollon et de Diane et maîtresse de Jupiter, a été condamnée à une fuite sans répit par sa rivale Junon. Un jour, arrivée au sud de l’actuelle Turquie, elle s’approche d’un étang pour s’y désaltérer. Des paysans du lieu l’en empêchent et, furieuse, elle leur lance une malédiction qui les métamorphose en grenouilles.
Il y a à Versailles un superbe bassin qui en rappelle l'histoire...
Dans le pavillon dit "Salle de Cassoni" se trouve un beau pavement. Mais l'intérêt de cette salle réside surtout dans les coffres offerts en cadeau de noces, le plus souvent par paire. Leur iconographie se voulait un exemple moral pour le couple.
Le musée possède quinze panneaux provenant du démontage de ces coffres.
Les scènes peintes sont d'une extrême finesse.
On ne peut pas quitter le Musée de la Renaissance sans passer par cette pièce très sombre où se trouvent exposés de petites pièces d'orfèvrerie.
Monsieur Obel nous y rassemble pour admirer admirer en particulier ce chef-d'oeuvre de la collection du musée : il s'agit d'une statuette représentant Daphné par l'artiste allemand Wenzel Jamnitzer.
Rappelez-vous : dans "Les Métamorphoses", Ovide fait le récit de l’histoire de la nymphe Daphné qui, pour fuir les ardeurs d’Apollon, fut par la volonté de son père, métamorphosée en laurier. La statuette d’argent et de corail la présente pétrifiée, saisie à l’instant même de sa métamorphose végétale.
La statuette, qui s'ouvre à la ceinture, était conçue comme une coupe.
Dans la même pièce, j'ai remarqué un très joli gobelet de mariage en argent ciselé provenant d'Amsterdam datant du XVIIème siècle.
Ainsi que ce bijou pendentif d'origine allemande en forme de navire, datant du XVIème siècle (perles, or, émaux et pierres précieuses) - Photo Mathieu Rabeau - Rmn
Joli aussi ce Turbo monté en coupe, porté par un triton par Friedrich Hilebrandt (Allemagne)
Nous terminerons cette visite par un petit coup d'oeil aux poteries.
Cruche en grès de Westerwald (Allemagne) - milieu du XVIIème siècle
Cruche en grès et argent doré d'origine anglaise - milieu du XVIème siècle
Un grand merci à Anne-Marie pour nous avoir proposé cette belle visite
et à Gilbert Obel pour l'avoir encadrée aussi agréablement.