Son titre "Le sang des mirabelles" n'est pas spécialement révélateur de son contenu mais je l'avais choisi à la bibliothèque dans le rayon "Nous aimons, Vous aimez" et son résumé m'avait séduite.
◄►◄►◄►◄►
"Camille de Peretti se fait troubadour et nous conte l'histoire d'Eléonore et d'Adélaïde, deux sœurs indépendantes et déterminées en ce Moyen-Age sombre et troublé. Histoire de guerre, de convoitises, d'amour, de religion, un voyage dans le temps, guidé par une langue presque chantée. Pour notre plus grand plaisir !" Bibliothécaire
◄►◄►◄►◄►
Ce qui est drôle d'abord dans ce roman, c'est que tous les personnages ont un pseudonyme : le Hibou, l'Ours, le Lion, le Dragon, l'Araignée, l'Abeille, la Salamandre..., de quoi s’emmêler parfois un peu les pinceaux mais, au final, cela met du sel dans la lecture !
L'Ours et le Dragon se sont connus alors qu'ils n'étaient qu'écuyers, placés chez un seigneur afin d'y apprendre les armes en vue d'être adoubés chevaliers : une école de l'endurance qui durera cinq ans, le temps pour eux deux - qui n'ont que 7 ans - de se connaître et de s'apprécier au point de devenir de grands amis.
La Salamandre, elle, est promise à l'Ours justement, un seigneur que son père, le Lion, sur le point de partir en croisade avec le Roi Neuf lui a choisi, sans lui demander son avis bien sûr, afin de lui assurer une sécurité qu'il n'est plus en mesure de lui apporter.
J'y ai appris qu'au cours de leur repas de noces les serviettes des convives contenaient de petits oiseaux vivants qui se mettaient à sautiller sur la table une fois les serviettes dépliées, picorant à droite à gauche ! Pas étonnant que l'Abeille (la petite soeur de la mariée) ouvre alors de grands yeux enchantés...
Je ne vous énumérerai pas l’opulence du repas de noces : même les déjeuners de fête de nos grands-parents, qui étaient pourtant réputés pour être plus que copieux, font pâle figure comparés à celui-là... : on y mange même du cygne et des rouge-gorges !
On y apprend aussi que la mariée a dû souffrir pour être la plus belle aux yeux de son futur mari. Ainsi, son front a été épilé avec un mélange de chaux vive et d'eau bouillante afin qu'il soit le plus grand possible...
Ou encore qu'un animal (un cheval ayant écrasé par mégarde un enfant par exemple) peut passer en justice et être étranglé, sa tête pendue au gibet !
Le livre fourmille ainsi de descriptions on ne peut plus étrangères aux mœurs de notre monde occidental du 21ème siècle.
L'autre originalité du livre est la langue qui y est employée, une langue qui date du 12ème siècle et qu'on ne connait plus guère aujourd'hui. Il y a parfois des "notes de bas de page" mais j'ai aussi été amenée à fouiller sur le net pour comprendre l'exacte signification de tel ou tel mot que je ne connaissais pas. Et quand on lit la "traduction", on trouve que tout est très imagé !
Voici les mots que j'ai relevés...
Joyance : jouissance / Coussiège : banquette en pierre, intégrée à la maçonnerie, revêtue de bois, de coussins / Potagier : celui qui prépare tout ce qui cuit dans un pot/ Sorceresse : sorcière / Drue : amour / Longière : linge plus long que large (essuie-mains) / Bousine : cornemuse / Tailloir : plat sur lequel on coupe la viande (ici, il sert à y poser les tranches de pain à la mie dense qui seront jetées aux chiens à la fin du repas) / Nef : pièce de vaisselle en forme de navire qui contenait le gobelet, la cuiller, le couteau et les épices nécessaires à un repas / Patte-pelu : hypocrite / Décevance : déception / Rissole : pâte cuite à la grande friture / Meschine : servante / Couette : matelas / Défubler : déshabiller / Chainse : Longue tunique de femme, à manches / Tournavent : sorte de guichet en bois formant sas, il contribue à l’isolation thermique et à la sécurité de la pièce desservie / Ventrière : celle qui accouche les femmes, matrone, sage-femme / Garde-corps : longues capes de voyage, avec une capuche / Empaumer : prendre / Arder : brûler / Soussouille : personne grossière / Enfuriosement : colère / Chiabrena : chiure de merde / Rouelle des juifs : petite pièce d'étoffe orange imposée aux juifs / Pierre de bézoard : pierre réputée pour ses propriétés anti-poison au même titre que la corne de licorne / Scrupule : quatre-vingt grains / Drachme : soixante gouttes / Oblayes : pâtisseries / Ménestrandie : art des ménestrels / Essorillement : supplice qui consistait à couper les oreilles / Escafignons : chaussons de toile / Coquefredouilles : pauvres diables / Ase : bon à rien / Apensé : réfléchi / Gèmement : gémissement / Touailles : serviettes / Le pointron : le derrière / Mignonner : caresser délicatement / Callibristi : sexe féminin
J'en passe et des meilleures...
Un exemple dans le texte
"Ah le misérable, le patte-pendu ! Il pourpense qu'il peut me compisser sans vergonde ! Ce qui de nos jours se traduirait par : Ah, le misérable, l'hypocrite ! Il pense fortement qu'il peut me souiller de son urine sans vergogne !
Une interview de Camille de Peretti à propos de son livre dans "La grande Librairie"
Un livre extrêmement bien documenté, écrit par une femme, sur une époque où les femmes n'ont que très peu de droits et surtout pas celui de s'instruire.
A dévorer sans modération