Arlette est arrivée hier soir chez nous, pour deux jours seulement, mais deux jours qu'il va falloir occuper : ma sœur aime bien la campagne mais il faut que ça bouge !
Du coup, nous sommes allés tous les trois ce vendredi visiter la commanderie d'Avalleur à Bar-sur-Seine qui n'est qu'à une demie-heure de chez nous. Je l'avais déjà visitée il y a quelques années, toute seule, mais depuis il y a eu pas mal de restaurations.
La commanderie d'Avalleur est actuellement la propriété du département de l'Aube. Elle est située au fond du hameau d’Avalleur, sur un plateau dominant la vallée de la Seine, à deux kilomètres de Bar-sur-Seine.
Mais qu'est-ce qu'une commanderie ?
Les commanderies apparaissent au XIIe siècle : formées à la fois d'un ordre religieux et d'un ordre militaire, elles sont placées sous la responsabilité de commandeurs et regroupent des moines-soldats. Les "frères servants", habillés en noir, gèrent un domaine foncier avec le secours de paysans, les "chevaliers", souvent d'origine noble et habillés en blanc, partent en croisade pour protéger les pèlerins chrétiens venant en Terre sainte. A l'aube du XIIIème siècle, le monde est en effet divisé en deux : l'Orient musulman et l'Occident catholique s'y affrontent.
Reconstitution de la commanderie de Payns, la première commanderie fondée en France
La commanderie d'Avalleur semble avoir été acquise par les Templiers un peu avant 1142, lorsque le pape confirme la donation de son domaine par le seigneur d'Avalleur. La commanderie s'organise réellement vers 1167, à partir d'une donation du comte de Bar-sur-Seine, puis se développe rapidement. Elle est l’une des plus importante en France jusqu’à l’arrestation des Templiers sur ordre du roi de France, Philippe le Bel, en 1307.
La commanderie est l'unité de base du réseau templier. Le terme recoupe deux notions. Il s'agit d'abord d'un ensemble de bâtiments composé, à l'intérieur d'un mur fossoyé, d'un corps de logis construit à partir de la seconde moitié du XIIe siècle, d'un donjon, d'une chapelle, d'une grange, d'un pigeonnier, d'une citerne et d'un four. La salle capitulaire, lieu de réunion quotidien des frères, pouvait se trouver à droite de la chapelle.
La commanderie est aussi le chef-lieu d'une vaste exploitation rurale, au cœur d'un domaine constitué à partir de nombreux dons. En 1333, Avalleur a autorité sur quatre maisons secondaires, à Vaulpertoix, Arrelles, Buxières et Serrres, spécialisées chacune dans la viticulture, la sylviculture et l'élevage. Au total, la baillie d'Avalleur s'étend sur 650 ha de terres agricoles, 30 ha de vignes, 880 ha de forêts, un cheptel de 8651 moutons, des vergers, quatre moulins, trois pressoirs et fours banaux. A cela s'ajoutent des droits d'usage, des revenus immobiliers ainsi que des taxes perçues sur des péages et les foires. Enfin, les Templiers collectent diverses redevances, en argent ou en nature, dues par leurs tenanciers.
Le tiers des revenus générés par l'exploitation de ce territoire est collecté chaque année par le quartier général du Temple à Paris afin de financer la guerre en Orient.
Lors de la dissolution du Temple, en 1312, suite au procès, la commanderie et tous les biens sont transmis aux Hospitaliers qui continueront d'en assurer la gestion jusqu'à la suppression des ordre religieux en 1790.
La façade ouest possède encore une tourelle, partie d'une ancienne porte fortifiée. Les fenêtres à accolades sont superbes. Elles sont maintenant pourvues de vitraux.
En tournant autour du corps de logis principal, on aperçoit derrière la chapelle.
Celle-ci est de style roman : elle date des années 1210-1220, donc de la fin de l'Ordre des Templiers.
Le portail est doté de colonnes et de chapiteaux.
L'intérieur, de style gothique, est constitué de trois croisées d'ogive et d'un chevet plat : il est assez dégradé mais devrait faire partie du prochain chantier de restauration (y compris la toiture).
Presque tous les chapiteaux portent des motifs floraux, sauf un orné de personnages. (photos Christaldesaintmarc)
Des restes de peintures ont été trouvés sur les murs qui devraient faire partie de la restauration également : j'ai cru comprendre qu'un enduit à la chaux les recouvrait.
A l'entrée de la chapelle, une petite porte donne accès à un escalier à vis qui conduit à la charpente. Une jeune guide bénévole, qui faisait visiter la commanderie à un groupe de personnes, m'a autorisée à y monter.
Celle-ci est d'origine, du XIIe siècle donc, et en parfait état.
Y sont stockées des tuiles dites "fermières", également d'origine, qui serviront sans doute à la réfection de la toiture.
En faisant le tour de la chapelle, nous avons remarqué un très bel encadrement de porte. Celui-ci porte les armes de Jacques de Souvré qui fut commandeur Hospitalier de 1616 à 1652 (suite à la suppression de l’ordre du Temple en 1312, ce vaste et riche domaine, s’étendant alors jusqu’aux portes de Troyes, revient à l’ordre des Hospitaliers).
Nous nous dirigeons maintenant vers le corps de logis principal qui vient d'être restauré.
Sur la porte d'entrée, un linteau armorié
Voici la salle de réception ou salle à manger : c'est la plus grande salle du logis. Elle appartient au corps de logis templier du début du XIIIe siècle. Toutefois à la fin du Moyen-Age elle a subi des transformations : au XVe siècle, le plafond est abaissé et ai début du XVIe siècle une cheminée monumentale est créée.
Des tréteaux y ont été dressés pour y poser la vaisselle. Vous connaissez sûrement l'expression "dresser la table"...
Dans la pièce voisine, un film très intéressant est diffusé sur l'origine des commanderies templières.
A une extrémité de la pièce, un escalier en bois mène à l'étage supérieur.
Il donne accès à deux chambres communicantes, séparées par un cabinet de travail.
Le cabinet de travail se trouve au sein d'une petite tour ronde.
L'autre pièce est appelée "la chambre rouge" à cause de restes de peintures sur le linteau de la cheminée.
De l'autre côté du logis et à l'étage également, le dortoir des frères
Le lit du commandeur pouvait ressembler à ça...
Il y avait dans la cour, près de la chapelle, un donjon qui a aujourd'hui disparu tout comme le pigeonnier. On peut aussi y voir une citerne qui alimentait en eau la commanderie et les quelques vingt personnes qui en dépendaient.
Évidemment, vous savez que tout ceci n'eut qu'un temps...
En effet, Philippe IV le Bel est à court d’argent en ce début du XIVe siècle. Avec l’appui du pape Clément V, il décide de liquider l’Ordre du Temple pour récupérer ses richesses et, pour ce faire, ses légistes accusent les Templiers d’hérésie, idolâtrie et même sodomie, un crime à l’époque. Le roi de France va ainsi faire arrêter les templiers le 13 octobre 1307 (les principaux responsables de l’Ordre dont Jacques de Molay, le Grand Maître, finissent sur le bûcher). Cela conduira par la suite à la dissolution de l'Ordre, en 1312, date à laquelle les terres d’Avalleur reviennent aux Hospitaliers. La commanderie est alors l’une des plus riches de l’Ordre ; ses possessions s’étendent jusqu’aux portes de Troyes.
J'ai trouvé sur le net une amusante reconstitution 3D dans laquelle on peut se promener : cliquez ICI pour la découvrir. Vous avez, en haut à droite, un onglet qui donne accès aux différentes pièces (ou bien vous pouvez cliquer sur la croix rouge de l'Ordre pour changer de pièce).
Une émission spéciale sur la commanderie d'Avalleur a été réalisée par le département de l'Aube. Si vous voulez en savoir plus...
Une visite gratuite et super intéressante