☻ Promenade sur les pas de Marie-Thérèse Auffray avec la SHA du 14e arrondissement
11 octobre 2020 - Ce dimanche, j'ai fait une promenade très intéressante guidée par le Président de la Société d'Histoire et d'Archéologie du XIVème arrondissement, Georges Viaud. Elle ne m'a pas conduit très loin puisque la partie de l'arrondissement que nous avons visitée est touche touche avec le 13ème. Et pourtant, je ne connaissais pas toutes les rues que nous avons prises (rue de la Sibelle, rue Thomas Francine, rue de l'empereur Julien, rue de l'empereur Justinien, rue des Berges-Hennequines, avenue Reille, pour finir rue Gazan)...
Notre promenade suit les pas de Marie-Thérèse Auffray, une femme peintre et artiste engagée du XXème siècle dont la Mairie du XIVème arrondissement (arrondissement dans lequel elle habita) honore actuellement la mémoire au travers d'une exposition accrochée aux grilles du jardin qui porte son nom.
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Marie-Thérèse Auffray naît en Bretagne le 11 octobre 1912 à Saint-Quay-Portrieux (Côtes d’Armor). A partir de 1933, elle réalise des affiches publicitaires ainsi que des illustrations pour ouvrages pour enfants. En 1936, éprise de justice et de liberté, elle adhère aux mouvements populaires. En 1940, elle occupe un atelier au 11 rue d’Alésia (Paris 14ème) et entre en Résistance au sein du mouvement "Ceux de la Libération".
En 1941, tout en conservant son atelier parisien, l’artiste rejoint Échauffour (Orne) où habite sa future compagne, Noëlle Guillou, elle aussi résistante. En 1942 , au décès de sa mère à Paris, Marie-Thérèse s’installe dans son nouvel atelier au 21 rue Gazan (14ème). Elle partage alors son appartement avec sa cousine et amie Marie-Yvonne Tarin, alias Monique, également résistante. Toutes deux ravitaillent leur entourage parisien depuis Échauffour.
En 1944, installation définitive chez son amie Noëlle qui tient une auberge à Échauffour. Elle conserve néanmoins son atelier parisien. Les deux amies hébergent et cachent des résistants. Parallèlement, la peintre poursuit son œuvre et devient sociétaire du Salon d’Automne. Le 25 mai 1945, quelques jours seulement après l’Armistice, participation à l’exposition de la Galerie Drouant-David à Paris, intitulée Les grands peintres contemporains au service des prisonniers. Elle s’associe comme membre fondateur au projet de L’Encyclopédie de la Renaissance Française. Du 15 au 30 juin 1945, exposition de 34 de ses toiles à la Galerie Lucy Krohg à Paris. Exposition au Salon des Artistes Indépendants dont elle devient également sociétaire. En 1946, elle rejoint l’Union Nationale des Intellectuels et expose au Salon des Tuileries. De 1947 à 1958, la peintre côtoie Maurice de Vlaminck, qu’elle admire, mais dont elle se démarquera artistiquement après 1954.
Dans l’année 1947, exposition dans de nombreux Salons parisiens. Elle ouvre à Échauffour, près de son commerce de bar-tabac-journaux, un dancing, Le Bateau Ivre, fréquenté par la jeunesse locale et parisienne. En 1951, elle écrit de nombreux manifestes et pamphlets sur la peinture. En 1959, Noëlle décède le 16 novembre. L’artiste continue de s’impliquer dans de nombreuses organisations intellectuelles et politiques. En 1962, réalisation de toiles de grands formats. Exposition de 80 toiles à la Galerie du Colisée à Paris (Rétrospective Auffray du 19 septembre au 16 octobre). En 1969, exposition au Salon des Indépendants de tableaux violents aux titres ironiques et trompeurs qui font écho au Printemps de Prague et à Mai 68. En 1970, les soucis financiers la contraignent à abandonner son atelier parisien. En 1971, elle devient conseillère municipale. Exposition au Salon des Indépendants de son dernier tableau connu, Le temps des cerises. Sa santé se dégradant, elle ne peut plus peindre mais continue de tenir son commerce. En 1989, le public normand redécouvre à Alençon (Orne) l’œuvre de l’artiste lors d’une présentation de 45 de ses tableaux. Cette exposition est la dernière de son vivant.
Le 27 septembre 1990, Marie-Thérèse Auffray décède à Échauffour. En 1991 et 1992, une grande partie de l’œuvre de Marie-Thérèse Auffray (344 toiles et 23 affiches) est dispersée au cours de trois grandes ventes aux enchères publiques.
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La balade commence au 11 rue d'Alésia, c'est à dire en face l'Hôpital Sainte-Anne et non loin de la Place Coluche. C'est là qu'habita en 1940 Marie-Thérèse Auffray, artiste peintre.
Elle se poursuit par l'avenue de la Sibelle, ainsi dénommée à cause d'un ancien lieu-dit dénommé "Fossé de la Sibelle", du nom de la Sibylle, diseuse romaine d'oracles souvent située à proximité d'une source d'eau, et de la découverte des restes de l'aqueduc gallo-romain alimentant la capitale en eau.
La sibylle de Delphes par Michel-Ange
La promenade continue en tournant à droite dans la rue Thomas Francine, de son nom florentin Tommaso Francini (1571-1651), qui était l'intendant général des Eaux et Fontaines de Paris, Saint-Germain et Fontainebleau sous les règes d'Henri IV, de Marie de Médicis et de Louis XIII. Il était le fontainier à l'origine de l'aqueduc d'Arcueil, commandé par Marie de Médicis, qui traverse la ZAC Montsouris. Il fut à la fois ingénieur hydraulique, architecte paysagiste, précurseur d'une véritable dynastie Francine.
On lui devrait notamment la fameuse fontaine Médicis du jardin du Luxembourg.
Vous aurez compris que ce quartier est entièrement lié à l'eau et nous allons le découvrir. Notre guide du jour nous montre l'architecture ondulante du mur d'enceinte du jardin Marie-Thérèse Auffray en rapport avec l'eau et qui épouse la forme des vestiges et donne du relief au jardin.
Devant l'un des vestiges de l'aqueduc Médicis
Entrée du jardin dédié à la femme peintre : on aperçoit à gauche un regard de l'ancien aqueduc.
Cliquez sur l'image pour l'agrandir.
En face de ce jardin, j'ai vu au passage qu'il y avait un joli jardin partagé (le jardin de l'aqueduc) d'une surface de 1200 m². Il faudra que j'aille y faire un tour...
En attendant, le voici depuis le net.
Adorable, avec son petit moulin !
Autre beau vestige de l'aqueduc : il est situé à l'angle des rues de l'Empereur Julien et de l'Empereur Valentinien.
On trouve à cet endroit sur la chaussée des plaques en bronze aux armes des Médicis : rien ne vaut les visites guidées !
L'exposition se trouve ici, le long des grilles du jardin.
Marie-Thérèse en 1934 et plus tard rue Gazan dans son appartement
De 1929 à 1945
La peintre réalise des affiches publicitaires et fait ses premiers tableaux.
Affiche "Récupérez" - 1940
Elle était en avance sur son temps...
Composition symbolique représentant des amazones dans une forêt : Amazones (1930)
Elle peint aussi des paysages et des natures mortes.
Le château de Costoerès (Ploumanach) - 1932 et Cors GBR - 1939
De 1946 à 1952
Marie-Thérèse Auffray fait une peinture misérabiliste (portraits isolés ou en groupe, scènes satiriques) très influencée par la guerre et le retour des camps de concentration.
J'aime paradoxalement beaucoup cette peinture, extrêmement expressive.
La pauvre famille - 1946
Mère et enfant - 1947
Tableau montrant les officiers allemands en "bonne compagnie".
La honte (1942-1944)
Derrière les barreaux - 1947
Ici, un panneau montrant un courrier du Président Eisenhower à Marie-Thérèse Auffray, la remerciant pour les services rendus aux Etats-Unis pendant la guerre : la peintre et sa cousine, Marie-Yvonne Tarin, avec laquelle elle partage un appartement rue Gazan, ont caché des américains pendant la guerre.
De 1952 à 1970
C'est l'apogée de son œuvre : importante production de paysages , natures mortes , bouquets, portraits liés à la condition humaine, quelques tableaux symboliques, peinture visionnaire et peinture engagée.
Autoportrait - 1958
Encore une peinture engagée avec ces "paras" de la guerre d'Algérie
Parachutiste (pour une dent, toute la gueule) - 1958
Boulevard Saint-Michel (St Babel) - 1957 : dans ce tableau, Marie-Thérèse Auffray montre la diversité d'origine des gens qui gravitent dans le quartier.
Marie-Thérèse Auffray affiche son homosexualité dans ses peintures. Elle fréquente le quartier de Montparnasse, réputé à l'époque pour sa liberté de penser et de mœurs.
Photo de Marie-Thérèse Auffray avec Noëlle Guillou à Echauffour - non daté
Les deux amies (l'amour) - 1961
Les deux amies - 1961
La femme aux bijoux - 1961
On croirait une peinture de Bernard Buffet, non ?
Jambes de femmes - 1968
Est-ce la minijupe que la peintre célèbre ainsi... ?
Nous poursuivons notre balade pour rejoindre la rue Gazan où Marie-Thérèse Auffray avait un atelier en empruntant la rue des Berges-Hennequines où passait la Bièvre autrefois. On peut y voir, dans la cour privée d'une résidence, une borne marquant l'emplacement de l'aqueduc Médicis.
La rue Gazan n'est qu'à deux pas : nous passons devant la maison de Coluche (au N°11) avant d'arriver au N°21 où habita Marie-Thérèse Auffray. Elle partage alors son appartement avec sa cousine et amie Marie-Yvonne Tarin, alias Monique, également résistante.
Il s'agit, comme on peut le deviner, d'un immeuble abritant des ateliers d'artistes.
Marie-Thérèse Auffray dans son atelier de la rue Gazan
Cette promenade m'a fait découvrir un quartier que je ne connaissais pas et pourtant à deux pas de chez nous... ainsi que l'œuvre d'une femme qui mérite vraiment d'être connue.