Ce mercredi soir, veille du 15 août, je suis allée en fin de soirée suivre une visite guidée organisée par l'Office de Tourisme du Châtillonnais qui s'intitulait "Boucle napoléonienne".
Nous avions rendez-vous sur le Cours l'Abbé où j'ai rejoint la vingtaine de participants inscrits à cette balade sur les pas de Napoléon et du maréchal Marmont (plus de deux heures d'explications pour le prix modique de 6 euros).
Et justement, la visite commence tout à côté, à l'entrée du Château Marmont où nous avions assisté en juillet à la fête en l'honneur des 250 ans de la naissance de ce maréchal d'Empire né à Châtillon.
Notre guide est Marion de l'Office du Tourisme : elle a revêtu pour l'occasion une robe façon Empire pour nous faire remonter le temps...
Elle nous présente ci-dessus un document de sa production mettant en parallèle la vie de Napoléon et celle du maréchal Marmont, séparé par une frise chronologique rouge : elle déplacera les curseurs concernant chacun d'eux au fur et à mesure des événements.
Nous révisons donc notre histoire... et apprenons si nous ne le savions pas déjà que Napoléon quitte sa Corse natale avec son père alors qu'il n'a que dix ans pour rejoindre l'école militaire de Brienne-le-Château où il restera cinq ans. Suit un séjour à l'école militaire de Paris puis il est incorporé dans le Régiment de La Fère alors cantonné à Auxonne au sud de Dijon.
Napoléon et Marmont se sont justement connus sur Dijon en 1789 alors que le premier a tout juste vingt ans et que le deuxième n'en a que quinze.
Marion fait circuler dans le public des photos du château Marmont dont nous ne verrons que la grille : il s'agit d'une propriété privée datant de la fin du XVIIIe siècle ayant appartenu à la famille de Marmont. Elle appartient à l'heure actuelle à la famille Maitre qui en a pris possession en 1824 : actuellement, l'indivision représente une centaine de personnes, le bon nombre pour entretenir correctement cette vaste demeure et son parc de 5 hectares.
Voici le château en question : Napoléon y séjournera à trois reprises (en 1795, en 1796 et en 1805).
La Porte de Paris voisine a été franchie par Napoléon et par l'impératrice Joséphine escortés de hauts dignitaires et d'une importante escorte le 5 avril 1805 alors que Napoléon vient de se faire couronner Empereur. Pour cette occasion, la municipalité de l'époque avait fait orner cette porte d'une sculpture d'un aigle majestueux portant la devise : "Viro immortali" ("À l'homme immortel").
Nous rejoignons ensuite la rue du docteur Robert et nous arrêtons devant "l'obélisque de 1805" tout récemment rénovée. Châtillon va bientôt accueillir la flamme paralympique : en est-ce la raison... ?
Le 5 avril 1805 (15 germinal an XIII), si l’Empereur passe à Châtillon-sur-Seine, c'est qu'il se rend à Milan pour se faire couronner roi d’Italie.
Le 8 avril, quelques jours plus tard, c'est au pape Pie VII qui avait résidé tout l’hiver à Paris pour le sacre de Napoléon 1er, de passer par Châtillon-sur-Seine et d’y marquer aussi un même court arrêt, qui permit à celui-ci de bénir la population. Ce furent deux jours de liesse et de festivités pour les habitants et les autorités de la Ville.
Afin de commémorer ces deux journées exceptionnelles, un obélisque a été érigé en pierre surmonté d’une croix en fer forgé, posé sur un piédestal carré, assis lui-même sur un large emmarchement à six degrés cantonné de grosses bornes. L’histoire de ces deux passages mémorables se lit en latin, gravé sur la pierre du monument.
Nous continuons à descendre la rue du docteur Robert qui rejoint la place de la Résistance (celle où se trouve la mairie et la poste).
C'est au niveau de cette grande porte cochère que se tenait à l'époque un relais de diligence : Napoléon et le pape Pie VII y eurent recours l'un et l'autre.
Notre guide continue à nous dérouler la vie des deux illustres personnages devant la fontaine qui orne la place de la Résistance. Pour faire un raccourci : Napoléon divorce de Joséphine - qui ne lui a pas donné d'enfant - pour se remarier avec Marie-Louise, la fille de l'Empereur François 1er d'Autriche. Parallèlement, il enchaîne les victoires, aidé par Marmont qui est lui aussi sur tous les fronts. Les victoires d'Austerlitz, de Iéna, de Wagram (à l'issue de laquelle Marmont devient maréchal), resteront dans l'histoire.
Côté défaites ou revers il y aura Leipzig, Trafalgar et la Bérézina...
Nous remontons ensuite la rue du maréchal de Lattre de Tassigny jusqu'à arriver devant l'Hôtel du Congrès situé au N°3 de la rue du même nom.
A l'entrée, nous sommes émerveillés par la beauté de la cour intérieure.
Le portail refermé, nous sommes presque chez nous !
Et pourtant, cette belle demeure n'est pas la propriété de la ville de Châtillon : notre guide nous apprend qu'elle vient d'être rachetée par des particuliers amoureux de Napoléon qui ont bien voulu nous donner l'accès à la cour. Il me semble me souvenir que Marion nous a dit qu'ils désirent, à terme en dehors de leur propre espace d'habitation, la meubler et la faire visiter pour témoigner de cette époque puisque, je vous le rappelle, la ville de Châtillon-sur-Seine a reçu il y a trois ans la marque "Ville Impériale".
Sur la gauche, les anciennes écuries
Sur la droite, une jolie statue
Marion continue de nous donner toutes sortes de précisions sur l'histoire de cet hôtel particulier qui vit se tenir en 1814 un congrès regroupant les différents belligérants de la Campagne de France (coalition entre le Royaume-Uni, l'Empire russe, le royaume de Prusse et l'Empire d'Autriche) : Napoléon, après avoir conquis la moitié de l'Europe entreprend la campagne de Russie : c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase !
L'Empire est à son apogée en 1812 (avant la campagne de Russie)
Sont réunis dans l'Hôtel pour l'occasion La France, d'un côté - représentée par le général de Caulaincourt -, l'Autriche, l'Allemagne, l'Angleterre et la Russie, de l'autre. Il s'agit en effet de trouver un accord pour mettre fin à la guerre qui fait rage depuis deux ans et qui fait beaucoup de morts dans tous les camps.
Marion nous montre les portraits des différents diplomates qui discuteront ici pendant près d'un mois et demi (du 5 février au 19 mars 1814) sans toutefois parvenir à arriver à un accord.
Deux semaines plus tard, l'empereur perd la bataille de Paris, il est abandonné par les deux chambres du parlement et les maréchaux (c'est là que Marmont se désolidarisera de l'Empereur pour soutenir Louis XVIII : on parlera de trahison...), ce qui le conduit à l'abdication le 4 mai 1814. Il sera exilé à l'île d'Elbe, reviendra en France pendant "les cent jours" puis sera de nouveau exilé, cette fois-ci à Saint-Hélène où il décède le 5 mai 1821. Il sera inhumé au Panthéon.
Tout comme Napoléon quitte le gouvernement, nous quittons l'Hôtel du Congrès en continuant la rue du même nom pour nous diriger vers un quartier préservé des bombardements de la deuxième guerre. C'est dans ce quartier - où se trouvent de très belles propriétés - que furent hébergés les diplomates, français et étrangers, pendant les pourparlers de paix.
C'est dans l'ancien couvent de bénédictines fondé en 1129 au Puits d'Orbe et transféré à Châtillon en 1619 que sera logé le général Caulaincourt représentant la France. Cet élégant bâtiment du XVIIe siècle est l'actuelle mairie de la ville.
C'est l'un des diplomates anglais, Robert Stewart, qui occupa l'hôtel particulier de la famille du comte de Chastenay (se trouvant au croisement avec la rue des Avocats). Il est de notoriété publique qu'il s'y comporta comme un véritable soudard, dérobant livres anciens, collections entières de cartes de Cassini et vidant les bouteilles de la cave du comte en fêtes paillardes...
Victorine de Chastenay, amie de Joséphine de Beauharnais, écrivaine, poétesse, musicienne et botaniste, occupa pendant ses dernières années cette belle et grande demeure, plus confortable que son château d'Essarois.
La maison de Victorine de Chastenay (photo Jenry Camus)
La maison de la mère de Marmont fut occupée quant à elle par un autre diplomate anglais, Lord Castlereagh, chef du ministère anglais, tandis que l'hôtel attenant à celui-ci fut attribué, pour le temps du Congrès, à Lord Aberdeen.
Empruntant la rue du Bourg-à-Mont, nous voici devant le numéro 25 où fut logé le comte Razoumowski, représentant la Russie comme son nom l'indique.
Cette belle demeure sera achetée plus tard sous la Restauration, par le général baron Testot-Ferry, héros de la cavalerie napoléonienne, pour y vivre sa retraite de militaire. Lui qui aura survécu à tant de combats et de blessures aux quatre coins de l'Europe meurt foudroyé à 83 ans par une attaque dans sa belle cour pavée intérieure alors qu'il soignait ses fleurs.
Au n°35, une magnifique demeure, dépendance du couvent des Ursulines, accueillit le comte Stadion pour l'Autriche, et l'Empereur d'Autriche qui y séjourna par deux fois durant la Campagne de France de 1814.
Le 28 avril 1814, alors que Napoléon avait abdiqué à Fontainebleau, l'Impératrice Marie-Louise y passa la nuit avec son fils, "Le petit roi de Rome". Une des dernières demeures françaises pour Napoléon II puisque sa mère l'emmena à Vienne quand l'enfant avait trois ans : il ne reverrait plus jamais son père Napoléon.
Nous gravissons ensuite la volée de marches qui monte à l'église Saint-Vorles.
J'ai oublié de les compter mais il y en a un paquet !
Nous rejoignons ainsi le cimetière voisin où se trouvent les vestiges des anciennes fortifications du Château des Ducs de Bourgogne.
Au fond du cimetière, l'église Saint-Vorles du Xe siècle
C'est là que se trouve le Mausolée du maréchal Marmont.
Suite à l'abdication de Napoléon, ce dernier se consacre d'abord à sa ville natale, Châtillon-sur-Seine, dont il développe les industries (métallurgie, forge, vigne). En 1825, Charles X est sacré roi de France. Après les Trois Glorieuses, Marmont et Charles X s'exilent en Angleterre puis Marmont voyage, à Vienne puis à Venise où il décède le 3 mars 1852. Son corps est rapatrié à Châtillon selon son désir.
Nombreux sont les grognards, sous-officiers et officiers de l'armée napoléonienne a avoir été enterrés ici, morts pendant la Campagne de France.
On peut voir, entre autres, la tombe du Général Baron Claude Testot-Ferry cité plus haut, décédé le 20 août 1856. La gravure de sa pierre tombale atteste à elle seule de l'immense carrière militaire de celui qui fut un des meilleurs officiers de la cavalerie napoléonienne et qui fut longtemps le premier aide-de-camp de Napoléon.
La boucle est bouclée !
Un grand merci à l'Office de Tourisme de Châtillon et tout spécialement à Marion pour cette visite super intéressante. Les photos - parfois recadrées - sont en partie celles de Marie qui travaille également à l'Office de Tourisme de la ville. En ce qui concerne les informations, je me suis aidée de ma mémoire mais aussi d'un site (wivisites) que j'ai découvert par hasard, créé par Christian Carli qui a travaillé avec Marion sur cette Boucle napoléonienne et auquel j'ai emprunté quelques photos : Pour le consulter, cliquez ICI.