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Publié par Tolbiac204

13 mars 2025 - Aujourd'hui, j'ai rendez-vous dans le quartier des Halles de Paris devant la fontaine des Innocents avec la quinzaine d'adhérents de Générations 13 inscrits à cette visite guidée de l'église Saint-Eustache voisine.

Notre guide, Michelle Mazure, nous explique que nous sommes ici sur l'emplacement de l'ancien cimetière des Saints-Innocents, fermé en décembre 1780, puis vidé en 1786 pour des raisons sanitaires (les murs des caves des maisons voisines s'étant effondrés sous le poids des ossements).

Il se situait à cette époque en dehors de l'enceinte de Philippe Auguste.

Voici le vaste espace qu'il occupait, jouxtant l'église des Saints-Innocents (en haut à gauche sur la photo) : au nord on trouve la rue Saint-Denis, à l'est la rue de la Ferronnerie, au sud la rue de la Lingerie et à l'ouest la rue aux Fers (aujourd'hui disparue).

Cette sculpture, "La mort Saint-Innocent" était placée dans une guérite de bois au centre du cimetière depuis 1530. Elle est conservée au musée du Louvre.

Au début de son existence, et malgré son macabre dessein, le cimetière est un lieu hautement fréquenté par les promeneurs. Investi par les marchands, il voit de nombreux badauds circuler en son sein durant la journée... et un bon nombre de brigands mener leurs truanderies une fois la nuit tombée.

Utilisé par une trentaine de paroisses parisiennes, le lieu de repos devient vite trop petit face à la surpopulation de la capitale et aux épidémies qui frappent successivement cette dernière. 4 charniers seront alors construits en bordure du cimetière au XIVe siècle pour accueillir les milliers de dépouilles et ossements des regrettés Parisiens.

Michelle Mazure nous montre ici un dessin du cimetière où l'on voit l'un des charniers où étaient déposés les ossements.

Michelle nous montre aussi une "danse macabre" : cette fresque du XVe siècle était peinte sur les murs du cimetière en mémoire de Louis d'Orléans, frère du roi Charles VI, assassiné en plein Paris par Jean-sans-Peur, duc de Bourgogne, ce qui déclenchera une guerre civile entre les Armagnacs et les Bourguignons à l'issue de laquelle Jean-sans-Peur perdra la vie lui aussi...

Œil pour œil, dent pour dent !

Elle nous parle ensuite de la fontaine des Innocents (d'abord appelée Fontaine des Nymphes) qui vient d'être ravalée à l'occasion des Jeux de Paris 2024.

Celle-ci, de style Renaissance, a une histoire très compliquée.

La première fontaine, jouxtant l'église des Saints-Innocents, est établie en 1260 au cours d'une période de forte croissance de la ville. Elle était alimentée par les eaux de source du Pré-Saint-Gervais.

Elle est remplacée en sous le règne du roi Henri II, au même endroit, par un édifice sous forme de loggia, œuvre de l'architecte Pierre Lescot et décorée des sculptures de Jean Goujon. Elle ne possédait que trois arcades, l'une sur la rue Saint-Denis et les deux autres sur la rue aux Fers - actuelle rue Berger - comme le montre le dessin ci-dessous. Chacune des arcades était décorée de deux naïades voilées, de pilastres d'ordre corinthien surmontés d'une frise et d'un attique à fronton triangulaire.

L'église est démolie en (en même temps que le cimetière est transféré aux Catacombes) et la fontaine se retrouve isolée dans un coin de l'espace ainsi dégagé destiné à devenir un marché. Elle aurait été également démolie (oh, la honte !) sans l'intervention d'un certain ingénieur, Antoine Chrysostome Quatremère de Quincy (pour les intimes Quatremère de Quincy 😊), qui propose de la démonter pierre par pierre et de la reconstruire, presque à son endroit actuel.

Détail du fronton dû à Antoine Pajou : adorables ces petits angelots 🙂

En 1812, on fait parvenir l’eau de l’Ourcq à la fontaine : le ruissèlement entrainé par la pression de l’eau en abîme les bas-reliefs (je n'ai pas vraiment compris lesquels... ?) qui sont placés au musée du Louvre en 1824 et remplacés par des copies.

Trois architectes, aidés du sculpteur Antoine Pajou, sont chargés de créer un quatrième côté à la fontaine pour lui donner une forme carrée, en s’inspirant de l’œuvre de Jean Goujon. La ressemblance est frappante, non ?

A gauche, une nymphe d'Antoine Pajou, à droite, une de celles de Jean Goujon.

Lorsqu'en , un square est décidé pour remplacer le marché des Innocents, devenu inutile à la suite de la construction des Halles par Victor Baltard, la fontaine est encore déplacée de quelques mètres en 1860. Un soubassement de forme pyramidale, étagé de six bassins à bords arrondis, est ajouté sur chaque face. Le tout repose au milieu d'un bassin circulaire. Cette dernière transformation est confiée à l'architecte Gabriel Davioud.

Nous nous dirigeons ensuite vers l'église Saint-Eustache en passant sous la Canopée qui culmine à 14 mètres au-dessus du sol. Elle a été construite en 2016. Michelle nous dit (il me semble que c'est ce que j'ai retenu mais je n'en suis pas tout à fait sûre) que sa couleur jaune dorée est sensée représenter le soleil qui filtre à travers des arbres.

Michelle a apporté de la documentation !

Vue aérienne des Halles dans les années 1960

Intérieur en 1853

Marchandes aux Halles

Tous ceux d'entre nous qui participent à cette visite guidée se souviennent encore de l'ancien Forum. J'avoue que personnellement je lui préfère la Canopée.

En vue de l'église Saint-Eustache

Placidus, général romain au service de l'empereur Trajan, est amateur de chasse. Il voit un jour apparaître un crucifix entre les bois d'un cerf qu'il poursuit. Le cerf lui parle et l'invite à se convertir. Placidus se fait alors baptiser et prend le nom d'Eustathe (Eustache). Refusant de sacrifier aux idoles, il meurt martyr peu après.

Saint-Eutache est fêté le 20 septembre et un dicton y est rattaché : "Gelée blanche pour Saint-Eustache grossit le raisin qui tache" (il s'agit d'une idée d'humidité qui est favorable au développement des raisins).

Une gravure d'Albrecht Dürer (1501) rappelle cet épisode.
Le Louvre (Collection Edmond de Rothschild)

L'histoire de Saint-Eustache débute en 1213 lorsque le pape Innocent III accorde l'autorisation de construire une nouvelle église à l'emplacement d'une ancienne chapelle dédiée à Saint-Agnès. Les travaux débutent alors, mais il faudra plusieurs siècles avant que l'église ne soit achevée. C’est au XVIIe siècle, sous le règne de Louis XIV, que l’église Saint-Eustache prend son apparence actuelle. Le roi a alloué des fonds importants pour achever la construction, et l’architecte français Jules Hardouin-Mansart a été chargé de superviser les travaux.

 

Michelle nous montre le cadran solaire qui orne le tympan de la façade sud ainsi que la présence d'une méridienne (qui indique le "midi vrai") à gauche des vitraux situés sous la rosace.

Elle nous fait remarquer que pour indiquer les "quatre heures" quatre bâtons  - IIII - ont été dessinés au lieu du traditionnel IV en chiffres romains.

Mais ce qu'on voit surtout en levant les yeux au-dessus du cadran c'est la tête de cerf couronnée d'un crucifix. Nul doute, nous sommes bien ici devant Saint-Eustache !

L'intérêt d'une visite guidée...

En redescendant sur terre 🙂, nous admirons le portail Sud, de style Renaissance : ce dernier est richement décoré.

Oups, j'ai oublié quels sont les personnages, surmontés d'anges jouant de la trompette, représentés par ces statues encadrant le portail ? La logique voudrait que ce soit Sainte-Agnès et Saint-Eustache mais je n'en suis plus sûre (?)

Comme je vous l'ai dit plus haut (ou plutôt comme Michelle nous l'a conté !), la petite chapelle érigée en 1213 sous le vocable de Sainte-Agnès devient église paroissiale en 1223, en accueillant des reliques de Saint-Eustache, le martyr romain, reliques données par l’abbaye de Saint-Denis. Trop petite, elle est remplacée au XVIe par un vaste édifice de cent mètres de long, de style gothique flamboyant (c'est François Ier qui en posa la première pierre).

On peut voir juste en-dessous de ces deux chapiteaux corinthiens un rappel de ces deux saints.

On voit ici le A de Agnès et les palmes du martyre.

L'histoire de Sainte-Agnès est croustillante (désolée si je choque certaines croyants...): Agnès, née vers 291, serait issue de la noblesse romaine. A l'âge de 12-13 ans, elle rejette les avances du fils du préfet de Rome qui la courtise avec empressement, lui déclarant qu'elle est déjà fiancée à quelqu'un de bien plus noble que lui. Le jeune homme serait tombé malade d'amour. Pour faire court, le père, furieux, convoque Agnès qui lui confie qu'elle est chrétienne et promise à Jésus-Christ. Agnès, refusant de sacrifier aux dieux romains, est conduite nue à travers la ville pour être prostituée dans un lupanar mais... ses cheveux se mettent à pousser miraculeusement, recouvrant entièrement son corps. Après avoir été brûlée en place publique comme une sorcière suite au décès de son prétendant, la jeune fille est finalement égorgée - le feu l'ayant épargnée - mais détruit ses bourreaux. On fête Sainte-Agnès chaque 21 janvier.

Pour Saint-Eutache, l'histoire de son martyre est très compliquée : je vais faire simple. L'empereur Trajan, voyant que son général, Placidus alias Eustathe, et sa famille - retrouvée par le plus grand des hasards - refusent de sacrifier aux idoles, les fait jeter en pâture à un lion féroce, lequel se couche à leurs pieds. Trajan ordonne alors de les ébouillanter dans un taureau d'airain chauffé à blanc : plus résolus et unis que jamais, Eustathe, son épouse et ses deux fils conquièrent ainsi la palme du martyre.

On voit ici les cornes de chasse entremêlées avec, peut-être, des rameaux d'olivier (?)

L'extérieur fait, nous entrons dans l'église : un coup d’œil sur la nef

Nous la contournons pas le bas-côté Ouest pour rejoindre le chœur.

C'est là qu'on prend conscience de la dimension de cette église, la plus grande après Notre-Dame et Saint-Sulpice (pas moins de 33 mètres de hauteur de voûte). On parle ici de style gothique flamboyant.

Il se marie parfois avec des décorations de style Renaissance.

Nous voici maintenant assis face au chœur sur des bancs créés par une figure du design, Constance Guisset de l'entreprise Houssard, l'un des rares fabricants de mobilier cultuel. Ces bancs ont la particularité de pouvoir, non seulement s'empiler, mais également en inverser le dossier de façon à regarder, ou la messe, ou les concerts d'orgue.

Génial, non !

Vous remarquerez que les dossiers sont ornementés des signes distinctifs du Saint.

Michelle nous montre une photo du tableau situé derrière elle.

Il s'agit du martyre de Saint-Eustache de Simon Vouet (1590-649), une peinture, non datée mais commandée par Richelieu. On aperçoit au fond à droite le taureau d'airain dans lequel la famille a été ébouillantée.

Très joli, je trouve.

Le petit détail qui tue : Les bras de lumière qui éclairent l'église sont ornés du cerf et du crucifix de Saint-Eustache.

Vue sur le transept Nord

"L'Adoration des bergers" de François-Guillaume Ménageot (1744-1816)

L'orgue de Saint-Eustache partage le titre de plus grand orgue de France avec celui de Notre-Dame.

Sainte-Cécile, la patronne des musiciens, trône en haut du grand orgue. 

A droite, un magnifique banc d’œuvre en bois sculpté dont nous allons reparler.

Nous nous tournons maintenant vers le chœur où se trouve l'autel. Dans les grandes occasions, ce dernier est décoré d'un riche tissu : il s'agit d'un brocart du XVIIIe siècle ayant appartenu à la duchesse d'Orléans, épouse de Louis-Philippe d'Orléans.

Je viens d'apprendre quelque chose que je vais vite m'empresser d'oublier : le décor de la façade antérieure d'un autel est appelée ANTEPENDIUM. En fait, j'ai trouvé un moyen facile de s'en souvenir : en latin cela signifie "qui pend devant"...

Aujourd'hui est un jour ordinaire, ce dernier est donc protégé des rayons du soleil par un cache mais voici ce à quoi il ressemble.

Revenons à notre banc d’œuvre (il s'agit d'un banc de prestige destiné aux personnes notables de la paroisse).

Exécuté par Pierre Lepautre (1660-1758), il date de 1720 et représente "Le triomphe de Sainte-Agnès".

La sculpture centrale représente le Christ en croix dans un médaillon accroché à un voilage tenu à bout de bras par un ange : c'est un des chefs-d’œuvre de l'église.

Un coup d’œil sur le chœur et ses vitraux (l'église possède majoritairement des vitraux en verre blanc, ce qui lui confère une grande clarté).

Ceux-ci sont du peintre verrier Antoine Soulignac.

Au gauche Saint-Pierre et à droite Saint-Paul : Au centre, un triple vitrail

En haut le Christ, au centre Sainte-Agnès et en bas Saint-Eustache

La clef de voûte du chœur au milieu de son décor flamboyant possède de nombreuses décorations. Par contre, je ne sais pas ce que ces ficelles viennent faire ici !

Nous continuons notre petit tour dans l'église par le bas-côté Nord.

Un petit air penché pour ce Saint-Jean-Baptiste de François Lemoyne (1688-1737)

Tout comme le bas-côté Sud, il est très décoré.

Cette sculpture contemporaine, très naïve, est l’œuvre de Raymond Mason (né en 1922) qui l'a créée pour rendre hommage aux forts des halles obligés de quitter la capitale après la destruction des pavillons de Baltard dans les années 1960.

Elle s'intitule "Le départ des fruits et légumes du cœur de Paris".

Un bénitier en plâtre très XIXe siècle dont les ailes de l'ange sont grandissimes.
"Le pape Alexandre II instituant l'usage de l'eau bénite", par Eugène Bion

Transept Nord restauré

Statues d'apôtres

Sainte-Agnès : on dit qu'elle était très jolie. C'est du moins le cas de cette statue.

Voici la loge depuis laquelle les rois et les reines pouvaient assister aux offices sans être vus.

Le 16 février 1990, Keith Haring décédait dans son appartement new-yorkais des suites du SIDA à seulement trente-et-un ans. Il venait d’achever, deux semaines plus tôt, son œuvre religieuse la plus remarquable, un triptyque.

Ce dernier, en bronze et patine d'or blanc, est intitulé "La vie du Christ". Il est marqué par une "horror vacui" : aucune surface n'est laissée nue par l'artiste, la marque de fabrique de l'artiste.

La composition s’organise autour du Christ Enfant, bébé rayonnant, enserré dans les bras d'une figure complexe à treize bras, sous un cœur surmonté de la croix de la crucifixion, symboles d’amour, de souffrance et de rédemption. Sur chacun des panneaux latéraux, deux anges aux ailes déployées survolent et contiennent une foule compacte qui se presse pour recevoir rayons et gouttes, telles des larmes qui tombent du ciel.

Nourriture céleste, eau de la vie éternelle, sang de la rédemption, flammes de l’Esprit Saint, les interprétations sont libres et multiples. C’est une œuvre lumineuse, rayonnante, énergique et vibrante, qui témoigne de la foi de Keith Haring en un monde meilleur.

Dans une autre chapelle, un tableau : "Les pélerins d’Emmaüs" par Pierre Paul Rubens

Une autre œuvre majeure de l'église dans la chapelle familiale des Colbert : le Mausolée de Jean-Baptiste Colbert exécuté par Antoine Coysevox (1640-1720) d'après les dessins de Charles Le Brun.

Le ministre est représenté ici revêtu du costume de l’Ordre du Saint-Esprit, l’épée au côté gauche, dans l’attitude de la prière : les mains jointes, longues et fines, sont admirables, le visage est d’une gravité sereine.

De chaque côté du monument, une statue de femme assise : à gauche, la Fidélité,

à droite, la Foi ou L'Abondance.

La chapelle de la Vierge : Au-dessus de l'autel trône le chef-d'œuvre de Jean-Baptiste Pigalle.

Sans doute la plus belle Vierge à l'Enfant de Paris

Les chapelles latérales du bas-côté Nord sont extrêmement décorées.

Le mariage de la Vierge dans la chapelle des Saints-Innocents

Un tableau décore la chapelle Sainte-Cécile, patronne des musiciens

En dessous, un marbre représente la Sainte telle qu'elle a été découverte à Rome dans sa catacombe du TrastevereSelon la tradition, elle aurait été torturée pendant trois jours dans le calidarium, et finalement décapitée pour avoir tenté de convertir plusieurs membres de sa famille au christianisme.

Je n'ai pas retenu la raison pour laquelle les chapelles sont de moins en moins profondes en se dirigeant vers le chœur...

Michelle nous fait sortir par la porte Est de l'église où se trouve une œuvre contemporaine de Dhewadi Hadjab intitulée "Je tombai par terre et j'entendis une voix" (2024).

Il s'agit d'une version de la conversion de Saint-Paul : le peintre représente ici la chute de Saul de Tarse - futur Saint-Paul - précédant son relèvement après trois jours de cécité à l'issue desquels il se convertit.

Nous sortons pour regarder la façade de l'église exécutée d'après un dessin de Jules Hardouin-Mansart : celle-ci est dissymétrique car l'église n'a pas été terminée.

Prenant la rue du Jour, nous découvrons ce superbe ensemble où Agnès b. possède un magasin. Avouez que c'est amusant d'être situé juste à côté de l'ancienne chapelle Sainte-Agnès !

Impasse Saint-Eustache : On tourne, on tourne...

Voici l'autre portail d'entrée de l'église : il ressemble à celui situé au Sud. Au centre, Placidus, le général romain alias Saint-Eustache, a bêtement perdu la tête 🙂 comme si ce n'était pas suffisant de perdre la vie ! A sa gauche, sans doute Sainte-Agnès (?) et à sa droite Saint-Denis qui lui l'a retrouvée : allez savoir pourquoi !

Un grand merci à Michelle Mazure pour cette passionnante visite.

 

 

 

 

 

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