☻ Belleville et Ménilmontant avec Générations 13
28 mars 2024 - Ce jeudi, une bonne vingtaine d'adhérentes et d'adhérents se sont retrouvés sur le quai de la ligne 5, certains fidèles aux "Balades urbaines" (c'est le nouveau nom de l'atelier d'Anne), d'autres qui y participaient pour la première fois. Vu le nombre important d'inscriptions, le groupe a été séparé en deux : je me suis trouvée dans celui guidé par Anne tandis que Marie-Do prenait en charge le reste des adhérents.
Après une bonne demi-heure de métro, nous arrivons à destination au métro Pyrénées, située dans le quartier de Belleville.
Au N°72 de la rue de Belleville voisine, une plaque, apparemment apposée en 1963 par Maurice Chevalier, indique : « Sur les marches de cette maison naquit le 19 décembre 1915 dans le plus grand dénuement Édith Piaf dont la voix, plus tard, devait bouleverser le monde. »
En réalité, son acte de naissance indique qu'Edith Piaf est née à l'hôpital Tenon, situé également dans le 20e arrondissement.
Des admirateurs ont décoré l'entrée de l'immeuble.
Allez, on se fait une petite chanson !
Sous le ciel de Paris
Depuis le parc de Belleville, on a une vue plongeante sur la capitale.
En direction de Notre-Dame-de-la-Croix
Sur l'esplanade, on reconnaît facilement les dessins de Street-Art de Seth qui a décoré l'abri faisant face au parc.
Dans l'autre groupe, c'est Marie-Do qui est aux commandes, ici de face : très sympas, ces photos de Monick !
Cet élégant portail en fer forgé indique Villa Ottoz.
En réalité, il s'agit là du seul souvenir demeurant de cet ensemble de petites maisons dont le rez-de-chaussée était occupé par des ateliers d'artistes tandis que l'étage était réservé à l'habitation. Inutile de dire que ces maisons avaient une vue imprenable sur Paris puisque ce lotissement a été détruit en 1976 pour y créer le parc de Belleville. Deux scènes du film culte Jules et Jim de François Truffaut ont été tournées à la villa Ottoz en 1961.
En réalité, ce portail constitue maintenant une des entrées du parc.
Ancien domaine royal sous les Mérovingiens, la colline de Belleville est, jusqu'au XVIIIe siècle, parsemée de fermes, de moulins à vent et de guinguettes. Au XIXe siècle, la création d'une importante carrière de gypse - servant à la fabrication du plâtre - y attire de nombreuses familles ouvrières. Ce parc abrite la Maison de l'air, lieu d'exposition et d'animation de la Ville de Paris, ainsi qu'un théâtre de plein-air. Anne nous dit aussi qu'il existe aussi dans le parc une petite vigne (pinot meunier et chardonnay). Des jeux pour les enfants y ont été conçus dans le sens de la prise de risque (modérée bien sûr).
Comme dans tous les parcs parisiens, celui-ci possède son kiosque.
Les "eaux closes végétalisées", généralement artificielles à Paris, sont des pièces d'eau stagnante ou très peu "circulantes" garnies de végétation aquatique. Elles peuvent accueillir des plantes aquatiques, flottantes ou enracinées comme le Nymphéa blanc, la Petite lentille d'eau ou encore l'Iris des marais et la Salicaire commune. Une grande diversité d'espèces animales utilise spécifiquement les eaux closes végétalisées comme, occasionnellement, les Grenouilles rousses et certains oiseaux, tandis que les Libellules y réalisent tout ou partie de leur cycle de vie.
Souvenir du groupe d'Anne devant les Orangers du Mexique en fleurs
Merci Jean-Michel !
Une autre entrée du parc : pour nous ce sera la sortie...
Cette devanture de café, un peu démodée, était autrefois occupée par le cabaret "Au pistolet". C'est là que Louis-Dominique Garthausen (dit encore Bourguignon, ou Petit ou Lamarre) plus communément appelé "Cartouche" (1663-1721) par francisation de son patronyme d'origine allemande, fut arrêté le 20 octobre 1721.
Cartouche défraya la chronique judiciaire sous la Régence de Philippe d'Orléans. Après avoir terrorisé Paris et sa banlieue pendant près de dix ans par ses vols et ses méfaits, il avait trouvé refuge dans ce cabaret louche proche de la barrière de Belleville. Surpris dans son sommeil (dénoncé par un comparse) par les sergents du Guet, il est jugé et condamné à mort : il fut roué vif en place de Grève le 28 novembre 1721.
Attaque en forêt
Sa vie inspira nombre de chansons, pièces de théâtre et récits qui connurent un réel succès populaire.
La complainte de Cartouche
Affiches sur Cartouche dont celle du célèbre film de notre jeunesse...
En continuant notre chemin,
nous croisons la rue de l'Elysée-Ménilmontant. A l'angle du restaurant Les Trois Marmites, une fresque de Jérôme Mesnager (peintre français né en 1961) rappelle la célèbre chanson de Piaf, "Il sentait bon le sable chaud, mon légionnaire".
La rue porte le nom d'un Bal public, L'Elysée-Ménilmontant, bien connu, sur l'emplacement duquel elle a été ouverte en 1897. C’était plus qu’un lieu où l’on apprenait et pratiquait la danse, les samedi, dimanche et lundi, mais aussi un lieu de détente et de divertissements « au bon air ».
Mais que ces "touristes" regardent-ils si haut ?
Evidemment, c'est l'église Notre-Dame-de-la-Croix de Ménilmontant, de style "Second Empire", un mélange de roman des XIe et XIIe siècles et de gothique. L'église est connue pour sa grande volée de marches située en façade mais Anne nous fait entrer par la place de Ménilmontant située côté sud.
Allez, on traverse pour aller la visiter !
La place de Ménilmontant est agréablement ombragée,
Ceci nous évite ainsi le désagrément d'avoir à les monter.
Ménilmontant a longtemps été un hameau de Belleville mais, la population augmentant au début du XIXe siècle, le besoin s'est fait sentir de construire une chapelle en bois qui, d'une contenance de 400 personnes, s'est vite trouvée trop petite. Elle a donc été détruite et on a construit à sa place - entre 1868 et 1872 - l'église actuelle qui fut ouverte au culte dès 1869.
Un tag bien à propos...
Comme beaucoup d'églises de Paris, elle abrita pendant la Commune un club révolutionnaire et c'est là aussi que fut votée la condamnation de Monseigneur Darboy, archevêque de Paris, le 6 mai 1871. Ce dernier fut fusillé avec les autres otages à la prison de la Roquette le 24 mai 1871 pendant la Semaine sanglante. On voit sur la pancarte des autocollants du "Ménil FC 1871", le club de foot local créé en 2014 dont le slogan est "Love football, hate fascism".
Le printemps est arrivé dirait-on ?
Avec ses 97 mètres de longueur, elle est la troisième plus grande église de Paris après Notre-Dame et Saint-Sulpice. L’église se singularise par une armature métallique : les arcs sont d’ailleurs laissés apparents dans la nef et le chœur, ce qui fait un beau contraste avec la voûte blanche du plafond.
L'orgue de tribune est un Cavallé-Coll et Muller de 1955.
Les lustres en cuivre m'ont tapé dans l'œil.
J'ai remarqué cette œuvre dans une chapelle latérale : il s'agit de Notre-Dame-de-la-Croix d'Albert Chanot (1881-1963)
Elle se compose de deux parties bien distinctes. Au premier plan, l'artiste a réalisé une Crucifixion. Marie se tient juste au-dessous du Christ, dans un regard triste et pensif. La seconde composition, à base de toile et de plâtre, s'intitule «L'Histoire de l'humanité souffrante et sauvée». Dans la partie haute du tableau, Adam et Ève sont chassés du paradis tandis qu'une vierge et martyre y est emmenée par un ange. Le bas du tableau représente l'humanité déposant sa misère au pied du Christ crucifié. La personne qui se traîne au pied de la croix, à gauche de la Vierge, et dont on ne voit pas le visage, est Marie-Madeleine reconnaissable à sa longue chevelure.
Jérôme Mesnager a été prolifique dans le 20e arrondissement. Sa signature est facile à reconnaître : il peint toujours des bonhommes blancs stylisés. Une marque de fabrique (appelée "l'Homme blanc") qu'il a reproduite à travers le monde entier, des murs de Paris à la muraille de Chine...
Jérôme Mesnager rend bien sûr ici hommage à Maurice Chevalier dont vous pouvez ci-dessous écouter la chanson.
Un arrêt devant cette grille sur laquelle est apposée une plaque rendant hommage aux morts lors de l'attaque des trains nazis du 23 août 1944 : à l'instigation du colonel Rol-Tanguy, les issues du tunnel de Ménilmontant sous lequel sont bloqués trois trains allemands sont sous le feu des FFI-FTP. Un parlementaire est envoyé pour tenter de convaincre les Allemands de se rendre, ce qu'ils feront après une vive fusillade qui fait cinq morts parmi les français.
La grille surmonte en effet les voies de chemin de fer de l'ancienne Petite Ceinture.
Façades de la rue de Ménilmontant
La rue des Cascades prend dans la rue de Ménilmontant. Elle doit son nom aux cascades - composées de trois regards - aménagées pour recueillir et filtrer les eaux des sources descendant de la colline de Belleville afin d'alimenter l'abbaye Saint-Martin.
"Sur l'échelle de l'ordre et du chaos, au milieu se trouve la danse." (J.B. Montel)
Une fresque Street-art de Christopher Lasme
Le regard de la Roquette au N°41 : 40 ouvrages parisiens permettaient ainsi d’accéder à un aqueduc souterrain construit au XVe siècle.
La fontaine des Mussardes est une création contemporaine inaugurée en 2018 au pied du Jardin des Petites-Rigoles. L’eau de son regard débouche ici sur la rue des Cascades à travers ce mascaron.
Pochoir de Njo 972
William Njo est un jeune pochoiriste et Street-artist qui peint (ou colle) majoritairement des portraits en noir et blanc. Son nom d'artiste est un surnom qui signifie "Ne Jamais Oublier". C'est son oncle qui a créé cette expression lors de l'apparition du groupe de musique NTM, et qui fait référence aux origines antillaises et à l'histoire des Antilles de sa famille. Il est basé à Paris après avoir vécu en Martinique jusqu'à ses 20 ans.
Simone Weil dessinée par L'empreinte Jo V, artiste autodidacte d'origine portugaise né en 1970. Sa signature est l’empreinte de son doigt, ce qui explique son nom d’artiste.
Non identifié mais joli, non ?
Le regard Saint-Martin aux N° 40-42
Tiens tiens, le groupe de Marie-Do !
Le fronton comporte une inscription latine datant du XVIIe siècle.
Celle-ci peut être traduite par : « Fontaine coulant d'habitude pour l'usage commun des religieux de Saint-Martin de Cluny et de leurs voisins les Templiers. Après avoir été trente ans négligée et pour ainsi dire méprisée, elle a été recherchée et revendiquée à frais communs et avec grand soin, depuis la source et les petits filets d'eau. Maintenant enfin, insistant avec force et avec l'animation que donne une telle entreprise, nous l'avons remise à neuf et ramenée plus qu'à sa première élégance et splendeur. Reprenant son ancienne destination, elle a recommencé à couler l'an du Seigneur 1633, non moins à notre honneur que pour notre commodité. Les mêmes travaux et dépenses ont été recommencés en commun, comme il est dit ci-dessus, l'an du Seigneur 1722 »
Anne nous emmène ensuite dans le Jardin des Petites-Rigoles (ouvert en 2019) qui est constitué de trois paliers. Sur celui-ci, médian, on peut voir de jolis mascarons et des bancs provenant, paraît-il, du Pont-Neuf.
Au fond, on peut y apercevoir un regard (photo internet) : c'est celui qui débouche sur le mascaron de la fontaine des Mussardes.
Nous avons maintenant rejoint la rue des Pyrénées.
Juste en face du magasin de peinture, La Palette, la Cité Leroy est une voie piétonne et un vrai havre de paix. Elle a été bâtie de petites maisons en 1869 et il faut savoir qu'elle n'a été rattachée au tout-à-l'égout qu'en 1970 suite à une pétition des riverains en raison des odeurs et de l'insalubrité autour de la fosse d'aisance.
Anne nous explique qu'une autre association de riverains, contemporaine cette fois-ci, se bat pour qu'elle perdure face à différents projets immobiliers. Heureusement, l'association est soutenue par la mairie d'arrondissement.
Il y a dans Paris pas mal de petits coins de campagne, il suffit de les connaître !
Au 22 rue de l'Est, cet ancien poste électrique EDF est devenu en 2012 l'église Notre-Dame-des-Coptes. La façade est composée d'un portique en pierre précédent le reste de l'édifice orné de ferronneries aux motifs de croix dissimulant le corps de bâtiment contemporain.
Derrière la grille, une fresque représente la Fuite en Egypte (photo Monick).
Selon l'évangile de Saint-Mathieu, suite à l'annonce de la naissance d'un nouveau roi à Bethléem, Hérode donne l'ordre de massacrer tous les nouveau-nés de la ville.
L'Ange du Seigneur apparaît alors en songe à Joseph et lui dit : « Lève-toi, prends avec toi l’enfant et sa mère, et fuis en Égypte, et restes-y jusqu’à ce que je te le dise ; car Hérode va rechercher l’enfant pour le faire périr. »
Un peu plus loin, au 145 rue de Ménilmontant, nous traversons le Square des Saint-Simoniens : au XVIIIe siècle, s'y tient une belle propriété appartenant à Prosper Enfantin, propagateur des idées de Claude-Henri de Rouvroy de Saint-Simon.
Ce dernier, malgré un nom à rallonge - pour faire simple - prône des idées qui seront à l'origine du Socialisme.
La fontaine des Anonymes, sur la gauche, est l'œuvre de Marnix Raedecker, très inspiré par la civilisation chinoise : il est question ici d'infini et de yin et de yang...
Au sortir de la rue des Saint-Simoniens, nous empruntons la rue de la Duée (la "duée" est une ancienne appellation définissant une source jaillissante). Plus précisément, il pourrait s'agir d'une corruption du vieux français duère, qui désigne une conduite, en référence à celle des eaux de Belleville.
Jolie maison...
Les contrastes en architecture du XXe arrondissement en font son charme.
Au 28 rue du Borrégo (du nom d'une bataille franco-mexicaine en 1862), un immeuble datant sans doute de l'époque "hygiéniste" où l'on privilégiait les grands espaces collectifs aérés pour la santé et favorisant les relations sociales.
Sous le porche d'entrée deux très jolis peintures illustrent la vie au grand air.
Tout y est dessiné : les enfants qui jouent, les chiens qui se promènent et même les amoureux qui se bécotent !
Et effectivement, au centre des immeubles en U une immense cour.
Encore un mélange de styles dans cette partie de la rue
Qui dit colline de Belleville dit dénivelés, qui dit dénivelés dit sources, qui dit sources dit eau potable, et qui dit eau potable dit réservoir n'est-ce pas ?
Et bien justement, il existe un immense réservoir à Belleville, situé juste à côté du cimetière du même nom dans la rue du Télégraphe. Il a été mis en service en 1866 dans le cadre des grandes rénovations qu'a subies la capitale du temps du préfet Haussmann sous le Second Empire.
Nous ne le verrons pas car, comme on dit, ça décoiffait ce jour là et l'accès au cimetière était fermé...
Le XIIIe a ses tours Duo..., le XXe ses châteaux d'eau, construits en 1919. Cette entreprise est rendue nécessaire par les constructions nombreuses d'immeubles de plus en plus hauts dans le quartier entourant le réservoir. Il faut donc surélever les cuves d'eau afin d'approvisionner ces foyers.
Ils se dressent au point culminant de la capitale, à 128 mètres.
Pour le télégraphe de Claude Chappe, il faudra refaire la visite !
Un grand merci à Anne qui a préparé cette intéressante visite et à Marie-Do qui a conduit la promenade en parallèle.