A l'époque où Paris s’appelait encore Lutèce, les habitants devaient imaginer des solutions pour s’approvisionner en eau. Ils n'hésitaient pas à puiser dans la Seine. Puis au fil des siècles, ils construisirent des aqueducs (l'aqueduc de Lutèce), conçurent des pompes à eau et installèrent des fontaines publiques accessibles à tous.
Puisage de l'eau dans la Seine et pompe de la Samaritaine en arrière-plan
Victor Jean Nicolle (1779)
La fontaine, un lieu où l'on s'abreuvait… de commérages.
Pendant longtemps, les fontaines étaient des lieux de retrouvailles, de discussions et d'échanges informels entre les habitants d'un quartier. Les plus riches envoyaient des porteurs d'eau chercher le précieux liquide. Quant aux autres, ils faisaient eux-mêmes cette corvée en croisant les doigts pour que l'eau ne cesse pas de couler une fois leur tour venu.
D’après "Eau de Paris" qui gère la distribution d’eau potable à Paris, les plus anciennes fontaines publiques remonteraient au XIIIème siècle et on estime qu’elles se situaient probablement dans le quartier des Halles. Les premières fontaines à boire étaient installées aux angles des rues et occupaient peu d’espace. Elles remplissaient leur fonction principale : rendre l’eau accessible à la population.
Ainsi, la fontaine Maubuée, l'une des plus anciennes de Paris (elle date du XIVème siècle même si elle a été remaniée au début du XVIIIème), située à l’angle des rues Saint-Martin et Simon-le-Franc (75004) n'occupait que peu d'espace et était très peu décorée.
© Jacques Boyer/Roger-Viollet
Avec le temps, les fontaines deviennent des monuments décoratifs.
Dans cette catégorie, la plus ancienne fontaine encore existante pourrait être la fontaine des Innocents, située sur la place Joachim-du-Bellay (75001), plusieurs fois déplacée entre 1549 et 1865. D'abord appelée fontaine des Nymphes, elle a été réalisée par l’architecte Pierre Lescot et le sculpteur Jean Goujon sur l’initiative du roi Henri II. Située en plein cœur de Paris, elle connaît plusieurs modifications (à l'origine elle ne comportait que trois côtés car elle était adossée à l'église des Saints Innocents) et déplacements avant de trouver son emplacement actuel, dans le quartier populaire des Halles.
De cette position, ouverte sur la rue, elle était sur l’itinéraire des entrées royales dans Paris.
La fontaine originale, adossée à l'église - Albert Huyot (19ème siècle)

La fontaine a ensuite trouvé sa place au centre de la place des Innocents, entourée par un marché.
John James Chalon - 1800

La fontaine actuelle

De style Renaissance, la fontaine des Innocents est décorée de scènes et de créatures mythologiques (trois des faces sont l'œuvre de Jean Goujon, la quatrième est celle d'Augustin Pajou). Les arcades sont décorées de cinq bas reliefs, séparés par des pilastres, représentant des naïades tenant une jarre d’où l’eau, suggérée dans la pierre, semble couler. La légèreté et la transparence des drapés des vêtements cherchent à évoquer également le ruissellement de l’eau.
Chaque arcade est surmontée d’une large frise représentant des naïades et des angelots. Le ruissellement entraîné par la pression de l'eau qui sort des mascarons abîmant les bas-reliefs, ceux-ci ont été démontés pour être conservés au Louvre tandis que des copies les remplacent sur la fontaine.
Au Luxembourg, la fontaine Médicis était, à l'origine, une grotte royale.
Beaucoup apprécient le charme de la fontaine Médicis, située dans le jardin du Luxembourg (75006). Mais peu savent qu’il s’agissait auparavant d’une grotte que Marie de Médicis, veuve d’Henri IV, avait fait construire dans les années 1630. Le parc, imaginé par l’ingénieur florentin Tommaso Francini, était inspiré des jardins de Boboli à Florence, rappelant à la reine exilée sa ville natale.
Quelques siècles plus tard, la quiétude du jardin est bousculée. Le baron Haussmann veut faire percer la rue de Médicis et empiète sur une partie des dépendances du Sénat, dont la grotte Médicis. Cette dernière est déplacée vers le palais et transformée en bassin long d’une cinquantaine de mètres.
L'endroit n'en demeure pas moins charmant, en attestent les milliers de visiteurs qui viennent se reposer à ses abords chaque année.
Aux Grands Hommes les fontaines reconnaissantes
Alors que la technique progresse, les fontaines acquièrent progressivement d'autres fonctions. Commandées par les pouvoirs publics ou des mécènes, elles deviennent des monuments à part entière et certaines rendent hommage à des hommes illustres.
C’est notamment le cas de la fontaine Molière, près de la Comédie-Française (75002), édifiée en 1844.
De l’autre côté de la Seine, l’imposante fontaine Saint-Sulpice (75006), construite entre 1843 et 1848, représente quatre évêques reconnus au temps de Louis XIV : Fénelon, Bossuet, Fléchier et Massillon.
L’édifice est parfois appelé « la fontaine des Quatre point cardinaux », car aucun de ces évêques n’a été nommé cardinal. Jean-Baptiste Gurliat / Ville de Paris
À quelques centaines de mètres, une autre fontaine monumentale célèbre cette fois l’archange Michel terrassant le démon. Connue sous le nom de fontaine Saint-Michel (75006), inaugurée en 1860, elle aurait pu être une immense statue à la gloire de Napoléon 1er si le projet n’avait finalement pas été rejeté.


Cette autre, située face à l'une des entrées du Jardin des Plantes (75005), rend hommage à Georges Cuvier, anatomiste français du XIXème siècle.
La statue, une allégorie de l'histoire naturelle sculptée par Jean-Jacques Feuchère, représente une jeune femme portant des tablettes sur lesquelles est inscrite la devise de Cuvier : "Rerum cognoscere causas" (d'après un vers de Virgile), accompagnée d'un lion et d'animaux marins et amphibies. On peut y voir un crocodile tournant la tête, effet stylistique de l'artiste car il est impossible pour ces animaux d'effectuer ce mouvement. La frise, le tympan, l'entrecolonnement sont de Pierre-Jules Pomateau, sculpteur ornementaliste.

D’autres fontaines célèbrent des victoires militaires, des conquêtes, des événements marquants ou des prouesses techniques et scientifiques. Les fontaines jumelles de la place de la Concorde, inaugurées en 1840, sont quant à elles dédiées à la navigation fluviale et à la navigation maritime.
Non loin de là, la fontaine de Varsovie, que l’on connaît aussi sous le nom de fontaine du Trocadéro (75016) a été construite en 1937 à l’occasion de l’Exposition universelle, à la place de la fontaine en cascade de l’ancien palais du Trocadéro. La plus grande fontaine de Paris est devenue un endroit prisé des visiteurs venus admirer la vue sur la tour Eiffel.
Sir Wallace au secours des Parisiens assoiffés
Cette course à la fontaine ornementale a cependant des revers. L'eau gratuite et de bonne qualité n'est toujours pas accessible au plus grand nombre au XIXe siècle. Pendant le siège de Paris (1870-1871) puis durant la Commune, cette réalité se fait douloureusement sentir. Les Parisiens souffrent de la faim et de la soif. Les plus pauvres peinent à accéder à ce bien de première nécessité.
Le philanthrope anglais Sir Richard Wallace, Parisien d’adoption, décide d’offrir une cinquantaine de fontaines à boire à la Ville de Paris en 1872. Les fontaines Wallace sont rapidement surnommées les « brasseries des quatre femmes », en hommage aux quatre cariatides qui les ornent. Jusqu’en 1952, des gobelets en étain attachés par une petite chaîne permettaient aux habitants et aux touristes de se désaltérer facilement. Richard Wallace s’est inspiré des « Drinking fountains » de Londres.
On distingue quatre modèles de fontaines Wallace.
- Les fontaines de petit modèle : ce sont de simples bornes-fontaines à bouton-poussoir, qu'on peut trouver dans les squares ou les jardins publics : elles sont marquées de l'écu parisien.
- Les modèles en applique : au milieu d'un fronton semi-circulaire, un mascaron sous forme d'une tête de naïade déverse un petit filet d'eau qui vient tomber dans une vasque marine reposant entre deux pilastres. Deux gobelets permettaient également d'y boire, mais ils furent retirés au titre de la loi de 1952. Ce modèle, peu coûteux à installer, devait être multiplié le long des murs des édifices à forte concentration humaine du type hôpitaux, casernes, etc. Cela n'est plus le cas et il ne reste aujourd’hui qu'un seul exemplaire, situé au début de la rue Geoffroy-Saint-Hilaire, à droite de l'entrée du Jardin des Plantes.
- Les modèles à colonnettes : l'exemplaire à colonnettes comme celui de la rue de Rémusat, dans le 16ème arrondissement de Paris. Les cariatides sont remplacées par des colonnettes pour réduire le coût de fabrication. La forme générale de la fontaine est comparable à celle du grand modèle, bien que le chapiteau ne soit pas aussi pointu, et la partie inférieure plus incurvée. Les quatre faces sont identiques. Le fabricant est Chappée et fils. Fabriqué en une trentaine d'exemplaires, il n'en reste aujourd’hui que deux à Paris, l'un rue de Rémusat, l'autre avenue des Ternes.
- Les grands modèles : ce modèle s'inspire de la fontaine des Innocents. Sur un soubassement de pierre de Hauteville, repose un socle à huit pans sur lequel vient s'ajuster la partie supérieure composée de quatre cariatides se tournant le dos et soutenant à bout de bras un dôme orné d'une pointe, et décoré de dauphins.
Ces fontaines Wallace sont peintes en vert, de la même couleur que les kiosques à journaux. Mais quelques fontaines du 13e arborent du jaune, du rouge et du rose. François Grunberg / Ville de Paris

Les fontaines de la marque Bayard
Les fontaines Bayard sont des fontaines avec un système à tourniquet et étaient fabriquées par l’entreprise Bayard mais peu d'exemplaires existent encore à Paris : il en existe deux modèles.
– avec commande à volant horizontal, dont l’une des rares représentantes se trouvent dans le Square Georges-Lamarque près de Denfert-Rochereau (75014)
– avec commande à bouton rond à droite, près du sommet, dont l’une des rares représentantes se trouvent au niveau du 9 rue Francis de Croisset (75018).

Les fontaines à l'Albien
Ce sont des fontaines alimentées par le bassin géologique parisien renfermant une nappe d’eau souterraine, dite de l’Albien. D’une profondeur maximale de 900 mètres, elles représentent environ 700 milliards de mètres cubes d’eau. Ces réserves d’eau potable ont incité le forage de puits artésiens sous l’administration de Rambuteau (1833-1848).
Celle-ci se trouve sur la place Verlaine dans le 13ème arrondissement. Les habitants du quartier peuvent ainsi venir s'alimenter en eau de source.

Les fontaines Arceau
Ce sont deux modèles de fontaines dessinées par Cécile Planchais.
– fontaine en aluminium et inox.
– fontaine-borne-marché permet d’alimenter les marchés parisiens en eau.

Les fontaines du Millénaire
Elles ont été réalisées pour le passage à l’an 2000 et également appelées fontaines de l’an 2000 ou fontaines RADI (de la société de design qui les ont créées, Radi Designers).

Les fontaines Totem
Elles ont été créés et installés pour des événements/manifestations par les ateliers d'eau de la ville de Paris en 2012.

Et puisqu’on n’arrête pas le progrès, certaines fontaines à boire distribuent même de l'eau pétillante !
Les fontaines pétillantes sont des fontaines ayant reçu une adjonction de CO2 pour rendre l’eau de Paris pétillante : l’eau est refroidie à 7°C. Le concept vient d’Italie sous le nom de « Casa dell’Acqua » (Maison de l’eau).