☻ François Ier et l'art des Pays-Bas au Louvre
30 octobre 2017 - Arlette, ma soeur, possède une carte pour des entrées illimitées au Louvre et les quinze premiers jours d'une exposition elle peut venir accompagnée de la personne de son choix.
C'est ainsi que j'ai visité dernièrement l'exposition en cours intitulée François Ier et l'art des Pays-Bas.
La bouche de métro donnant sur la Place Colette peut plaire - ou non - car elle est très clinquante tout de même : moi, je l'apprécie. Il s'agit d'une oeuvre d'art contemporain du plasticien français Jean-Michel Othoniel constituée par un ensemble de sphères d'aluminium et de perles en verre de Murano. Je viens d'apprendre par mon très cher ami "Wikipédia" qu'on l'appelle "le kiosque des noctambules".
L'exposition se trouve en sous-sol : il faut passer par la pyramide de Pei pour y accéder.
Eh oui... C'est pointu !
L'affiche de l'expo est un portrait équestre de François Ier par Jean Clouet.
Ce dernier est né à Bruxelles (la ville est située aux Pays-Bas bourguignons car la région appartient en ce temps là à la Bourgogne) en 1480. Il est issu d'une famille de peintres. En 1540, il obtient le titre de peintre du Roi François Ier. Pourtant, après sa mort il tombe dans un oubli à peu près complet pendant près de trois siècles, jusqu'en 1850, date à laquelle sont exhumés des documents prouvant son existence.
Tout comme son fils, François Clouet que l'on connait mieux, c'est un portraitiste.
L'exposition est très grande : on y voit beaucoup de peintures - je n'ai jamais vu autant de triptyques - mais elle comporte aussi des sculptures, des tapisseries, des vitraux et même des livres enluminés.
Voici le triptyque de l'adoration des Mages par Jean de Beer sans doute assisté par le Maître d'Amiens.
Sans doute peint pour le Couvent des Servites de Venise dont il provient, ce triptyque est le chef-d'oeuvre de Jean de Beer, figure centrale du maniérisme anversois. Il contient en germe les éléments de style que son élève supposé, le Maître d'Amiens, développa avec plus d'artifice. L'intervention de ce dernier est probable dans l'exécution des volets.
De plus près, j'admire les détails de la toile...
Voici un détail d'un autre triptyque intitulé "La mort de la Vierge".
L'extravagance du peintre éclate dans son approche même du sujet : seuls sept apôtres assez hallucinés entourent la Vierge à l'agonie tandis que les cinq autres s'affairent au fond à des tâches domestiques. La palette et la lumière sont étranges et les expressions très outrées.
L'exposition présente aussi des dessins tel celui-ci - à l'encre brune - représentant Aristote et Phyllis par le Maître d'Amiens.
L'histoire est amusante : dommage que le Louvre n'ait pas pris la peine de nous l'expliquer.
Aristote reprochait à son élève Alexandre de délaisser ses études pour l'amour d'une courtisane, Phyllis. Celle-ci se vengea en séduisant le philosophe et en se promettant à lui s'il se laissait chevaucher par elle. Il céda, et Phyllis prévint alors Alexandre en chantant un lai d'amour [petit poème narratif]. Ce dernier ne manqua pas de se moquer de son maître...
Voici maintenant un vitrail de Engrand et Jean Le Prince (l'un a fait le dessin, l'autre est le maître-verrier).
Ce vitrail - ainsi que plusieurs autres - a échappé à la destruction de l'église Saint-Vincent à Rouen en 1944 car ils avaient tous été déposés en 1939. Ils ont été depuis remontés dans l'église moderne Sainte-Jeanne-d'Arc située à sur la place du vieux marché à Rouen.
L'ascension du Christ par le Maître de l'Ascension de Berlin (entourage du Maître d'Amiens)
On ne voit que les pieds du Christ tout en haut du tableau...
Des sculptures maintenant : la Prudence et l'Espérance par Scipion Hardouin (peintre et sculpteur)
Ces statues ornaient le buffet d'un orgue de la Cathédrale Saint-Pierre de Beauvais et étaient destinées à être vues de loin.
Sainte Marie-Madeleine par l'atelier Beauvaisien
La sculpture beauvaisienne de la première moitié du XVIème siècle témoigne à la fois d'une richesse décorative comparable à la mode flamande contemporaine et d'une belle adaptation des techniques de polychromie brabançonne.
Il est amusant de remarquer que sur ce genre de sculptures, la mode féminine est celle de l'époque de François Ier et non celle à laquelle ont vécu les personnages.
La circoncision (anonyme flamand)
Probable production picarde des années 1525-1530
Détail : le bébé n'est pas le plus réussi...
Retable de la Passion (Noël Bellemare et son atelier)
Les différents compartiments de ce retable - qui se trouvait au XVIème siècle dans l'église parisienne du Saint-Sépulcre (détruite) - sont très comparables aux miniatures orant les livres d'Heures enluminés par Noël Bellemare et ses assistants.
Le baiser de Judas
Jésus porte sa croix
La mise au tombeau
Triptyque de la vie de la Vierge (le panneau central a été perdu)
La présentation de Jésus au Temple et la Naissance de la Vierge
Vitrail : La lamentation (Jean Chastelain et Noël Bellemare)
Vitrail : Le Jugement de Salomon
Ici encore, Le Louvre fait confiance à la culture générale des visiteurs...
Le différend opposa deux femmes ayant chacune mis au monde un enfant, mais dont l'un était mort étouffé. Elles se disputèrent alors l'enfant survivant. Pour régler le désaccord, Salomon réclama une épée et ordonna : « Partagez l'enfant vivant en deux et donnez une moitié à la première et l'autre moitié à la seconde ». L'une des femmes déclara qu'elle préférait renoncer à l'enfant plutôt que de le voir mourir. En elle, Salomon reconnut la mère. Il lui fit remettre le nourrisson et sauva donc la vie à l'enfant.
On arrive alors à la série des portraits.
Comme je l'ai dit précédemment, Jean Clouet est maître en la matière. En témoigne ce portrait de François Ier en tenue de grand apparat.
J'ai remarqué que dans les portraits suivants les mains ont toutes un rôle à jouer, une manière de donner de la vie aux personnages.
Portrait de Marguerite d'Angoulême, Reine de Navarre
Ce portrait fut sans doute exécuté en 1527 lors du second mariage de Marguerite, soeur de François Ier, avec Henri d'Albret, Roi de Navarre. Elle déclare alors prendre à son service le frère de Jean Clouet, peintre lui aussi.
Je la trouve vraiment très élégante avec son petit doigt levé servant de perchoir à son perroquet.
Portrait d'Eléonore d'Autriche, seconde épouse de François Ier
La Reine semble "ailleurs".Quel message veut-elle faire passer à la postérité... ?
Portrait de François Ier par Joos Van Cleve
Le peintre, peu habitué aux usages de la Cour, s'inspire ici de la disposition des mains adoptée précédemment par Jean Clouet.
Un objet soigneusement protégé par des vitres : le Livre d'Heures de François Ier est estimé à 10 millions d'euros...
Il se présente dans une reliure en or émaillée garnie de rubis et de turquoises et de deux intailles en cornaline. Il est accompagné de son signet.
L'arrestation du Christ par Grégoire Guérard
Beaucoup de vie dans ce tableau très expressif à la palette très vive
La Vierge à l'Enfant avec Saint Jean-Baptiste par Grégoire Guérard
J'aime le contraste entre les personnages aux couleurs vives du premier plan et le paysage tout en nuances de gris et d'ocre à l'arrière-plan.
De plus près...
J'ai découvert lors de cette exposition des tableaux bien particuliers : ils sont peints recto-verso. La dernière salle leur est principalement consacrée.
Celui-ci représente Jésus parmi les docteurs et le Songe de Saint-Joseph par le Maître de Dindeville (Bartholomeus Pons).
Jésus parmi les docteurs : intéressante peinture en camaïeu de brun...
Le songe de Saint-Joseph
Epilogue
A partir des années 1535-1540, l'essor du chantier décoratif du château de Fontainebleau qui donnera naissance à "l'Ecole de Fontainebleau" fait passer à l'arrière-plan le courant artistique issu du Nord. Celui-ci n'en coule pas moins de manière plus souterraine, prêt à resurgir de façon inattendue comme dans les deux dernières oeuvres - isolées - présentées ici.
Un très beau tableau de L'enfant prodigue chez les courtisanes d'un Anonyme flamand
Le thème du fils prodigue fut très prisé des artistes des Pays-Bas au XVIème siècle. Le fond précis de paysage parisien (on reconnait Notre-Dame de Paris) autorise à penser qu'elle fut peut-être peinte par un Flamand actif à Paris à la fin du règne de François Ier.
Cliquez sur l'image pour la voir en grand : elle le mérite.
Triomphe exquis au Chevalier fidèle (1548) - Anonyme, Amiens (présenté en cours de restauration)
Offert en 1548 à la Cathédrale d'Amiens par un prêtre, ce tableau célèbre sans doute l'édit de Blois pris contre les Luthériens hérétiques, par Henri II Roi de France depuis 1547.
On peut remarquer un grand contraste entre la partie haute du tableau très italianisante (représentant le char triomphal de la Foi catholique) et la partie basse, plus austère (consacrée aux luthériens).
A Paris il y a toujours de belles choses à voir !
L'exposition dure jusqu'au 15 janvier.