Aujourd'hui, je fais une promenade avec mon association, Générations 13, sur le thème des ponts de Paris. Elle fait suite à une autre, faite précédemment, dont je n'ai pas fait de retour.
Le compte-rendu qui suit est essentiellement celui d'Anne-Marie Guérin qui a guidé cette promenade mais j'y ai parfois glissé quelques photos et commentaires supplémentaires.
La promenade commence dans le square "Danielle Mitterrand" jouxtant le 22 de la rue de Bièvre. Danielle Mitterrand (1924-2011), ancienne résistante et personnalité altermondialiste, résida à cette adresse avec son époux, François Mitterrand, Président de la République.
Il fait soleil aujourd'hui...
Avant d'en faire le tour, une petite histoire de l'Ile Saint-Louis.
Sur cette carte contemporaine, le Nord est en haut : c'est la norme actuelle.
Mais en 1618 , on représentait la Seine avec le Nord à gauche.
L'Ile Louviers, tout à fait à l'Est (en haut sur le plan), n'existe plus, elle a été reliée à la Ville par le boulevard Morland. Comme on peut le constater, jusqu'en 1625 l'Ile Saint-Louis était constituée de deux îles, l'île aux vaches et l'île Notre-Dame.
L'Ile aux vaches et l'Ile Notre-Dame sur le plan de Vassalieu en 1609
Sur la droite, en face du chenal, nous voyons l'enceinte de Philippe Auguste érigée au XIIIe siècle. Un vestige est encore visible à cet endroit derrière le Lycée Charlemagne.
L'urbanisation de ces deux îles commence en 1614, sous la régence de Marie de Médicis. Cette tâche est confiée à Christophe Marie, entrepreneur général des Ponts. Le chenal séparant les deux îles est comblé dans les années 1840, sur ordre du roi Louis-Philippe, afin de ne former qu'une seule île. Celle-ci est entourée de quais qui mettent le terrain à l'abri des crues de la Seine.
Un nombre important d'hôtels particuliers seront construits sur l'île essentiellement par Louis Le Vau (1612-1670), premier architecte du Roi Louis XIV. François Le Vau (1613-1676), frère du précédent, a également construit quelques hôtels.
Nous empruntons le Pont Saint-Louis pour gagner l’Ile Saint-Louis. Le pont actuel est un pont piétonnier qui date de 1970. Sur cette photo nous apercevons le pont Saint-Louis, les travaux de Notre Dame et la rampe d’accès d’un ancien abreuvoir aux chevaux.
Nous commençons le tour de l’Ile de la Cité par le Sud en empruntant le quai d’Orléans puis le quai de Béthune. Celui-ci doit son nom à Maximilien de Béthune (1559-1641) duc de Sully, ministre de Henri IV.
On le surnomme le quai des balcons.
Ci-dessous, un hôtel construit par Louis le Vau en 1640 et restauré en 1700. De cette époque, datent les 3 bas-reliefs représentant des allégories : de la sculpture, de la peinture et de la musique.
La plaque à gauche de la porte indique que Baudelaire a habité cet hôtel entre 1842 et 1843.
De nombreuses plaques sont disposées sur les immeubles pour nous rappeler que des personnages plus ou moins illustres ont vécu dans ces lieux.
A l’extrémité Est de l’Ile Saint Louis, nous nous reposons un bref instant dans le square Barye. Ce jardin porte le nom du sculpteur animalier Louis Antoine Barye (1795-1875). Le monument ci-dessous lui est dédié.
Zoom sur "Lion écrasant un serpent" dont Barye est coutumier : il est en effet aussi l’auteur des deux lions assis de part et d’autre de la Porte des lions du pavillon de Flore au musée du Louvre.
De part et d'autre du monument, deux marbres : L'Ordre et la Force
Voici l'Ordre punissant les pervers
Nous sommes ici tout près de la caserne de la Garde Républicaine... Au second plan, on aperçoit l'Hôtel Lambert qui défraya la chronique dans les années 2010.
Cet hôtel a été construit par le jeune Le Vau en 1641.
Divers propriétaires s'y sont succédé jusqu’à 1975, date à laquelle il est racheté par Guy et Marie Hélène de Rotschild.
Leur fils vend l’Hôtel à un émir du Qatar en 2007 et c’est là que les ennuis commencent. L’ascenseur à voitures que veut installer le nouveau propriétaire marque les esprits. Divers recours amènent le juge des référés à suspendre le permis de construire en 2009. Un important incendie se déclare en juillet 2013 faisant de nombreux dégâts irréversibles dans les derniers étages. La restauration se poursuit jusqu’en 2018.
A l’intérieur le peintre Charles Le Brun a peint une galerie d’Hercule qui annonce la galerie des glaces de Versailles : celle-ci a été miraculeusement préservée lors de l'incendie.
En février 2022, l’Hôtel est racheté par le milliardaire Xavier Niel qui désire y installer une fondation culturelle.
Au N°9 du quai d'Anjou, un immeuble où habita Honoré Daumier, peintre, sculpteur, lithographe, entre 1846 et 1883.
Cet autre hôtel situé au N°15 et dont les fenêtres sont agréablement décorées par de la végétation a été construit vers 1645 par Louis Le Vau (présumé) pour Nicolas Lambert de Thorigny, Président de la Chambres des Comptes.
Au N°17 du même quai, un autre hôtel chargé d’Histoire, l’Hôtel de Lauzun construit par Louis Le Vau de 1656 à 1657. Le nom de Lauzun lui vient d’un de ses propriétaires, Antonin Nompart de Comont, duc de Lauzun (1633-1723).
Une plaque à gauche de la porte nous indique que Baudelaire y a vécu de 1843 à 1845. D’autres artistes dont Théophile Gautier ont vécu dans cet hôtel à la même époque. Ils y avaient fondé le club des « haschichins » : tout un programme !
Le duc de Lauzun était capitaine des gardes du roi Louis XIV. Aventurier et séducteur invétéré, il courtisait Mademoiselle de Montpensier (la Grande Mademoiselle), cousine du roi. C’est peut-être pour l’empêcher d’épouser sa cousine que le roi le fit emprisonner pendant 10 ans : de 1671 à 1981.
Dès sa sortie de Prison, il acheta l’Hôtel qui porte son nom et épousa la Grande Mademoiselle. Les deux amants ne vécurent cependant dans cet hHôtel que pendant trois ans : ils se séparèrent en 1684. (Pas de commentaires !).
En 1928, la Ville de Paris en fait l’acquisition. Depuis cette date, l’hôtel sert de cadre exceptionnel pour des dîners officiels, réceptions, concerts, tournages de films, enregistrements d’émissions (notamment France Culture), colloques, etc. Depuis 2013, l’hôtel abrite également L’Institut d’études avancées de Paris (IEA), un centre de recherche international de très haut niveau dédié aux sciences humaines et sociales.
Le salon de musique de l'Hôtel de Lauzun : c'est du baroque français, appelé style Mazarin, un peu chargé...
Nous quittons le quai d’Anjou pour aborder le quai Bourbon. Sur notre droite, le pont Marie, construit de 1614 à 1630. C’est le troisième pont le plus ancien de Paris après le pont Neuf et le pont Royal que nous aborderons dans la sortie suivante. Il porte le nom de Marie (Christophe), le « promoteur immobilier » qui a loti l'île saint Louis au XVIIe siècle.
Plusieurs plaques nous rappellent des locataires célèbres du quai Bourbon : retenons celle-ci apposée au N°19 qui indique que Camille Claudel y séjourna avant d'être internée à la demande de son frère Paul.
Avant de quitter l’île, jetons un coup d’œil sur le pont Louis Philippe construit de 1860 à 1862 et restauré en 1997. Nous regagnons l’Ile de la Cité en empruntant à nouveau le pont Saint-Louis, il est en travaux en ce moment. En temps ordinaire, surtout aux beaux jours, des orchestres, des saltimbanques se produisent sur ce pont. C’est une vieille tradition.
Au XIIIe siècle le roi Saint-Louis avait établi un droit de péage à l'entrée du pont qui, à Paris, reliait l'île de la Cité à la rue Saint-Jacques. Les seuls exemptés étaient les montreurs de singe qui s'en libéraient en faisant faire des "singeries" à leur animal pour divertir ceux qui encaissaient l'argent du passage : il en est resté l'expression "payer avec de la monnaie de singe".
Cap sur le pont d'Arcole en longeant le quai aux fleurs. Au N°9-11 la maison où auraient vécu Héloïse et Abélard.
Héloïse
Abélard
Nous traversons la Seine par le pont d'Arcole qui date de 1854-1855. C’est un pont en fer, métal relativement mou : il nécessite donc une grande complexité dans sa mise en œuvre pour qu’il assure sa fonction sans se tordre. Il est solide puisque les chars du général Leclerc y sont passés sans encombre en août 1944. Restauré en 1994, ce pont, avec ses 80 m de longueur, détient le record de longueur d’un pont en fer.
Sur une même photo, les trois derniers ponts de notre promenade : le pont d'Arcole, le pont Notre-Dame et le pont au Change.
Le pont Notre Dame : construit de 1910 à 1914, il comporte une arche centrale en acier et deux arches latérales qui réutilisent les anciennes arches et piles du pont précédent construit à la Renaissance.
Une tête de Dionysos sur une des arches latérales
De l’autre côté de l’Ile de la Cité se trouve le Petit Pont (voir promenade des Ponts N°1) qui fut sans doute le premier pont de Paris. Les équivalents du petit Pont et du pont Notre-Dame, étaient sur le « cardo maximus », l’axe Nord Sud de Lutèce.
Dernier pont pour aujourd’hui : le pont au Change. La photo est extraite de l’exposition : » Les ponts de Paris la nuit-Paris s’illumine ». A l’époque où nous avons fait la promenade cette exposition du photographe américain : Gary Zuercher se tenait sur les grilles de l’Hôtel de Ville. Les changeurs était le nom donné aux joaillers et orfèvres qui s’étaient établis sur l’ancêtre du pont au Change en 1141 sur ordonnance de Louis VII.
Le pont actuel a été construit en 1858-1860 tout juste après le pont Saint Michel (1857) dont il assure la continuité à travers l’Ile de la Cité. Les deux ponts ont été construits sous le règne de l’Empereur Napoléon III. Les N qui se trouvent sur les deux-ponts au-dessus des piliers sont un hommage de Napoléon III à son oncle Napoléon Bonaparte. Des mauvaises langues ont prétendu, qu’avec ce symbole, Napoléon III se rendait surtout hommage à lui-même.
Merci Anne-Marie pour cette intéressante promenade