• Le trésor de Toutânkhamon à La Villette

    J'avais vu au Grand Palais en 1967 (à tout juste 17 ans...) la toute première exposition consacrée à la découverte de la tombe du célébrissime pharaon d'Egypte, nous avons visité le musée du Caire tous les deux en 2005 lors de notre voyage en Egypte, mais cette nouvelle exposition organisée sous la Grande Halle de la Villette nous tentait bien encore : nous avons donc décidé d'y aller avant qu'elle ne se termine très bientôt et que tous ses trésors ne soient définitivement rapatriés au sein du tout nouveau musée du Caire dont l'ouverture est prévue en 2020.

    Elle nous a coûté cher car une mauvais manip de ma part en juin dernier voyait s'envoler nos deux billets : ce que c'est que de mal regarder sa boîte mail...

    Enfin, nous y sommes !

    Le trésor de Toutânkhamon à La Villette

    L'exposition s'ouvre sur une grande statue en diorite (de plus de deux mètres) représentant le dieu Amon protégeant Toutânkhamon. Elle provient du temple de Karnak à Louxor (un prêt du musée du Louvre).

    Les explications données par le commissaire de l'exposition nous donnent plein d'informations.

    C'est le visage intact d'Amon qui fait tout le prix de cette statue du règne de Toutânkhamon. Selon les conventions égyptiennes, les traits du dieu sont ceux du souverain, car le roi est l'émanation terrestre du pouvoir divin. Ainsi l'on reconnaît le visage de Toutânkhamon dans celui d'Amon.

    Toutânkhamon a été effacé de l'histoire par les pharaons qui l'ont suivi, sans doute à cause de son père, Akhenaton, considéré comme hérétique : promoteur du culte unique du dieu solaire Aton, Akhénaton avait interdit le culte des autres divinités et fait fermer leurs temples.

    Dans le texte sur le pilier dorsal, les prêtres et les scribes du règne de Toutânkhamon avaient manifesté pleinement le retour à l'orthodoxie voulue par l'entourage de l'enfant-pharaon.

     

    Le pharaon s'était pourtant démarqué de son père en revenant à l'orthodoxie, rouvrant et restaurant les anciens temples, en construisant de nouveaux et transformant son nom d'origine, Toutânkhaton ("l'image vivante d'Aton") en Toutânkhamon, "image vivante d'Amon", pour redonner une place prépondérant à ce dieu, un des plus importants du panthéon égyptien.

    Cela n'a pourtant pas suffi à le protéger d'Horemheb, général d'armée qui monta plus tard sur le trône. A leur tour, ses prêtres, scribes et graveurs, eurent la charge d'effacer le nom du roi.

    Ils oublièrent cependant deux minuscules cartouches, gravés sur le côté droit du pagne, laissant ainsi une chance supplémentaire à Toutânkhamon de traverser les siècles.

     

    L'exposition présente une sélection de plus de 150 objets originaux issus du tombeau du jeune souverain, parmi lesquels de nombreux objets personnels qui l'ont accompagné dans la vie et dans la mort : des bijoux en or, des sculpture ainsi que des objets rituels... 

    A l'image, deux jeux complets de Senet se trouvaient dans le tombeau. Cinq disques et cinq cônes devaient être déplacés sur le plateau en fonction du lancer d'astragales (dés en forme de bâtonnets). C'était un jeu très prisé de l'Egypte ancienne : des familles moyennes au plus riches pharaons, tout le monde y jouait.

    Voici la règle du jeu de Senet, à mi-chemin entre le jeu de l'oie et le jeu des petits chevaux.

    Ici, l'on voit Nefertari jouant au Senet (XIIIème siècle avant notre ère)

    Cet appui-tête en faïence égyptienne bleu-foncé est pour la première fois visible hors d'Egypte. Le bleu, couleur du ciel, est le symbole de la renaissance magique dans l'au-delà.

     Ces vases ont été utilisés pour la cérémonie d'ouverture de la bouche de Toutânkhamon, rituel qui permet au défunt de lui redonner la vue, l'odorat et l'ouïe dans le monde des morts.

    Vase en calcite sur socle arborant les cartouches de Toutânkhamon et de Ânkhesenamon, sa demi-soeur, qu'il a épousée, fidèle à la tradition des rois égyptiens pour continuer la dynastie.

    C'est la première fois que ce vase sort d'Egypte.

    Cartouches de Toutânkhamon

    Le trésor de Toutânkhamon à La Villette

    Le pharaon Aÿ accomplissant la cérémonie d'ouverture de la bouche par une herminette sur la momie de Toutânkhamon.

    Fauteuil de Toutânkhamon incrusté d'ébène et d'ivoire

    Les paysages en relief incrustés sur les panneaux d'or des bras de ce fauteuil (bouquetins bêlant et végétaux du désert) montrent bien l'influence des styles exotiques, populaires au cours de la XVIIIème dynastie.

    Nombre de bijoux et d'ornements ont été trouvés dans une boîte de marqueterie située à l'intérieur de ce coffret en bois incrusté en forme de cartouche (bois rouge, ébène, ivoire, feuille d'or).

    Cet étui à calames aurait appartenu au pharaon. Il a la forme d'une colonne architecturale surmontée d'un chapiteau en forme de palmier.

    De la nourriture pour le Ka du roi : ces récipients de forme ovoïde en bois peint contenaient différents morceaux de viande. On a cependant constaté des différences entre l'étiquette du contenant et la viande qu'ils contenaient.

    Voici le lit funéraire du roi : la structure en ébène est recouverte de feuille d'or. Au pied du lit sont représentées Bès, dieu des nouveaux-nés, et Taouret, la déesse-hippopotame qui protège le roi.

     

    Les nombreux modèles réduits d'embarcations présents dans la tombe de Toutânkhamon représentent la mobilité du pharaon dans l'au-delà à l'image des nombreux voyages qu'il effectua durant sa courte vie. Ces barques solaires, ici en bois, suggèrent la renaissance du roi défunt, assimilée à Ré, l'astre solaire.

    De jolies reproductions derrière les barques...

    Voici l'un des éventails de Toutânkhamon en plumes d'autruches : à l'origine il en comportait 30. Ces plumes provenaient de l'une de ses proies.

    Il est indiqué sur la hampe que le roi chassait en effet l'autruche près d'Héliopolis : la scène de chasse montre le pharaon se tenant, triomphant, au sommet d'un char tiré par des chevaux en pleine course.

    Figurine d'Horus sous les traits d'un faucon : pour la première fois visible hors d'Egypte, ce faucon en bois doré coiffé d'un disque solaire était monté sur la barre principale et faisait partie des ornements d'un char.

    Sur ce bouclier en bois doré, Toutânkhamon, sous la forme d'un sphinx, est en train de piétiner des ennemis nubiens : la délicatesse des ajours de cet ouvrage suggère qu'il s'agit ici d'un bouclier d'apparat et non d'un instrument servant à la guerre.

    Toujours dans le domaine de la guerre, voici un arc composite avec poignée et extrémités dorées. 

    Boomerangs : en raison de leurs courbures particulières (qui sont symboliques de la capacité du roi à triompher des forces du chaos qu'il ne manquera pas de rencontrer), aucun de ces boomerangs n'était capable de revenir vers son lanceur mais d'autres boomerangs trouvés dans le tombeau le pouvaient.

    Il ont été placés dans le tombeau du roi pour qu'il puisse continuer à exercer ce sport dans l'au-delà.

    Statuette en bois doré de Toutânkhamon harponneur : la croyance voulait que les images et les mots prissent vie dans l'au-delà. La proie du pharaon (l'hippopotame représentant la déesse Seth) était trop dangereuse pour que son image soit montrée...

     Statuette en bois doré de Horsemsou (Horus l'ancien) et statuette à tête de chacal de Douamoutef (Photo Blog "Des pierres et des papillons")

     Figurine prosternée et chaîne en or du roi Amenhotep III

    Une mèche de cheveux de l'épouse d'Amenhotep III, la reine Tiyi, grand-mère de Toutânkhamon, a été trouvée aux côtés de cette figurine.

    Cette photo (du blog "Dynamic Seniors") est superbe : s'il fallait venir voir l'exposition que pour une seule oeuvre, ce serait pour celle-là, d'une taille minuscule...

    On y voit bien le collier chebiou d'Amenhotep III, fait de perles de verre, qui proclame sa dévotion à Rê.

     

    Statue de Ptah en bois doré

    Ptah, démiurge de Memphis, dieu des artisans et des architectes et créateur de l'univers et de tous les autres dieux, porte une coiffe en verre bleu cobalt. Sur son spectre figurent trois hiéroglypes du signe de la vie (ânhk), de la stabilité (djed) et de la puissance (ouas). Ptah ouvre la bouche du défunt et lui permet ainsi de manger, boire et parler dans le monde des morts.

    Statue en bois du gardien du Ka du roi, portant la coiffe Némès : les yeux au regard perçant du gardien sont faits d'obsidienne volcanique. L'uraeus sur son front et les sandales sont en bronze.

    Le Ka de Toutânkhamon résidait dans sa momie que l'on devait garder intacte pour que la magie de la renaissance se produise lorsque le Ba du défunt reviendrait sous forme d'oiseau et fusionnerait avec le Ka : le défunt renaissait alors sous une forme encore plus réussie...

    Les prêtres momifiaient les défunts après leur mort. Ils débarrassaient minutieusement le corps de toute humidité et en extrayaient l'estomac, le foie, les poumons et les intestins avant de les conserver dans des vases canopes.

    Toutânkhamon avait quatre cercueils miniatures à son effigie, placés dans une coffre en calcite. Lors de la momification, les viscères furent traitées séparément du corps, embaumés, oints d'onguents et résines, enveloppés de bandelettes de lin puis placés dans ces canopes.

    Ce cercueil miniature canope était réservé au foie, organe placé sous la protection de la déesse Isis et du génie Amset.

    Les travailleurs de l'au-delà : un nombre exceptionnellement élevé de chaouabtis - 412 en tout - accompagnait Toutânkhamon dans son tombeau : 365 petits ouvriers, un pour chaque jour de l'année, 36 chefs d'équipe, de plus grande taille, environ un pour chaque semaine (la semaine de la haute Egypte comptait dix jours), 12 contremaîtres, c'est-à-dire un pour chaque mois.

     

    Grands chaouabtis en bois (à gauche, portant un Némès doré, un large collier et un fléau ; à droite, portant une perruque ronde en ébène et un collier en or)

    Des bijoux maintenant...

    Amulette en or en forme de serpent 

    Les embaumeurs plaçaient plusieurs colliers Ousekh entre couches de bandelettes de la momie. Ces colliers étaient aussi bien portés par les dieux que par les hommes et les femmes.

    Collier Ousekh en or avec contrepoids : vautour avec ailes déployées et uraeus

    Le faucon représente Horus, le dieu intimement lié au pharaon vivant. A la fois fils d'Osiris et de Rê, Horus montait en flèche dans le ciel comme le faisait le faucon dans l'ancienne mythologie égyptienne. Les fils d'or enfilés dans les trous au bout des ailes retiennent un contrepoids en fleur de lotus de forme allongée suspendu dans le dos du porteur, équilibrant le poids du pendentif.

    Uraeus en or à tête humaine

    Pectoral incrusté d'or en forme de Naos incluant un scarabée ailé en feldspath

    Pectoral incrusté d'or et de pierres avec un scarabée en lapis-lazuli représentant le nom royal de Toutânkhamon 

     

    Pectoral en forme d'oeil d'oudjat avec chaîne en or et en faïence égyptienne

    Le trésor de Toutânkhamon à La Villette

    Bracelet en or représentant l'oeil oudjat avec incrustations en lapis-lazuli et en obsidienne

    Le trésor de Toutânkhamon à La Villette

     

    Boîtier à miroir en forme d'Ânkh, en bois doré incrusté de verre bleu et de cornaline

    Le trésor de Toutânkhamon à La Villette

    Figurine osirienne en bois de Toutânkhamon allongé sur une bière : les différentes enveloppes funéraires et les bandelettes de la momie sculptée ainsi que la tête et les pattes de lion du lit protègent le personnage contre les forces surnaturelles.

    La crosse Héga et le fléau ont été découverts dans une boîte en forme de cartouche.

    Osiris est toujours représenté avec ces deux attributs, symboles de royauté. Au cours de cérémonies officielles, Toutânkhamon avait toujours en mains ces éléments importants de la tenue royale. Leur lien intime avec Osiris confirmait la nature divine de son autorité sur la Haute-Egypte.

    Le fléau tire peut-être son origine des chasse-mouches. Le dieu à tête de chacal, Anubis, est parfois représenté agitant un fléau sur son dos. Lorsque le roi tient la héga, inspirée de la crosse du berger, il devient lui-même un berger qui guide et protège ses sujets. Le hiéroglyphe représentant une crosse signifie "souverain".

     

    Coffre en ébène et en cèdre : sur le coffre figurent des inscriptions : noms et épitèphes du roi dont certains faisant référence à la réouverture par le roi des temples fermés pendant la période amarnienne.

    Le trésor de Toutânkhamon à La Villette

    Le trésor de Toutânkhamon à La Villette

    Naos en bois doré représentant des scènes de la vie de Toutânkhamon et d'Ânkhésenamon : les chapelles, les bateaux sacrés et les cercueils étaient tractés sur des traîneaux dans les sables du désert jusqu'aux tombeaux des rois.

    Le trésor de Toutânkhamon à La Villette

    Le trésor de Toutânkhamon à La Villette

    Coupe de Toutânkhamon en albâtre en forme de lotus ouvert avec deux boutons de fleurs : prenant la forme d'un lotus présentant sur chaque anse deux boutons prêts à éclore et flanqués de Heh, dieu de l'éternité, cette coupe est un puissant symbole de renaissance et de vie éternelle.

    Elle a été trouvée à l'entrée de la tombe, comme elle est mise en scène sur la photo ci-dessous.

     L'exposition se continue par des explications sur la découverte de la tombe de Toutânkhamon par Howard Carter, égyptologue anglais, en 1922 : l'exposition de La Villette fête le presque centenaire de la découverte.

    En voici le plan

    Le trésor de Toutânkhamon à La Villette

    On apprend que c'est un jeune porteur d'eau, Hussein Abdel-Rassoul, qui a découvert la première marche d'un escalier s'enfonçant dans le sol. Le lendemain, douze marches sont dégagées, laissant apparaître le haut d'une porte dont les sceaux sont estompés et peu lisibles.

    Il porte sur la photo suivante (prise par Harry Burton, photographe de l'expédition) le pectoral de Toutânkhamon représentant une barque en or et un disque lunaire en argent avec contrepoids et chaîne.

    Le trésor de Toutânkhamon à La Villette

    Le voici présenté à Paris (or, cornaline, lapis-lazuli, feldspath vert, verre)

    La photo a servi de gagne-pain à Hussein ABdel-Rassoul pour le reste de sa vie. En effet, il posait près du tombeau de Toutânkhamon, sa photo à la main, expliquant aux visiteurs qu'il était celui qui avait découvert le site. Après sa mort, son fils le remplaça dans la Vallée des Rois.

    Le trésor de Toutânkhamon à La Villette

     Voici la nouvelle résidence de Toutânkhamon à Gizeh au Caire : le musée fait face à Khéops dont il s'est inspiré.

    Le trésor de Toutânkhamon à La Villette

    Voici l'arbre généalogique du pharaon : les tests ADN révèlent qu'il est le fils d'Akhénaton et de "Younger Lady". Il a été marié à Ânkhésenamon, sa demi-soeur du côté de son père dont il a eu deux filles mortes-nées.

    Le trésor de Toutânkhamon à La Villette

    Sa momie repose encore dans son sarcophage à l'intérieur de son tombeau.

    Le trésor de Toutânkhamon à La Villette

    L'exposition se termine par une représentation colossale en quartzite du pharaon : la statue fait partie d'un couple de colosses qui se tenait probablement devant le temple funéraire de Toutânkhamon.

    Le trésor de Toutânkhamon à La Villette

    A l'origine, le nom du pharaon était gravé sur sa ceinture mais son successeur, Aÿ, fit graver son nom par-dessus. Peu de temps après, le nom d'Aÿ fut remplacé par celui d'Horemheb.Aujourd'hui, le nom de Toutânkhamon est prononcé partout dans le monde : lui qui tomba dans l'oubli pendant plusieurs millénaires, revit à jamais.

    Le trésor de Toutânkhamon à La Villette

     

    Une exposition qui m'a permis de me remémorer des souvenirs fort lointains et qui restera, je l'espère, dans ma mémoire fort longtemps car nous ne sommes pas prêts de retourner en Egypte je pense...

    Et pourtant, une nouvelle petite remontée du Nil ne serait pas pour me déplaire !


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