• Ces Barbelés oubliés par l'Histoire

     Un superbe film de Tony Gatlif vient de sortir sur les écrans parisiens.

    "Liberté"

    Il est inspiré du livre de Jacques Sigot "Ces Barbelés oubliés par l'Histoire : un camp pour les tziganes... et les autres " sur le camp de Montreuil-Bellay établi près de Saumur.

    liberte-affiche-copie-1.jpg

    Le film évoque la traque des tziganes par la police du gouvernement de Vichy à la solde des nazis et leur internement (de novembre 1941 à janvier 1945) dans des camps. L'histoire se passe dans un petit village de la zone occupée.

    Théodore, est vétérinaire et maire du village. Il a recueilli P'tit Claude, neuf ans, dont les parents ont disparu depuis le début de la guerre. Mademoiselle Lundi, l'institutrice fait la connaissance des Tziganes qui se sont installés à quelques pas de là. Ils sont venus pour
    faire les vendanges dans le pays. Humaniste et républicaine convaincue, elle s'arrange, avec l'aide de Théodore, pour que les enfants Tziganes soient scolarisés. De son côté, P'tit Claude se prend d'amitié pour Taloche, grand gamin bohémien de trente ans qui se promène partout avec son violon sur l'épaule. Mais les contrôles d'identité imposés par le régime de Vichy se multiplient et les Tziganes, peuple nomade, n'ont plus le droit de circuler librement : Théodore cède alors un de ses terrains aux bohémiens, désormais sédentarisés. Tandis que les enfants Tziganes suivent les cours de Mademoiselle Lundi, P'tit Claude est de plus en plus fasciné
    par le mode de vie des Bohémiens - un univers de liberté où les enfants sont rois. Mais la joie et l'insouciance sont de courte durée : la pression de la police de Vichy et de la Gestapo s'intensifie et le danger menace à chaque instant. Comme ils l'ont toujours fait depuis des siècles, les Tziganes devront reprendre la route…


     
     
    Tony Gatlif explique l'origine du scénario.

    Tony Gatlif

     
    "J’ai fini par trouver une anecdote de quelques lignes : Le destin d’un dénommé "Tolloche" (Taloche dans le film) fut particulièrement tragique. Interné à Montreuil- Bellay, il réussit à se faire libérer après avoir acheté, par l’intermédiaire d’un notaire, une petite maison à quelques kilomètres de la ville. Incapable de vivre entre quatre murs, il reprit la route pour retourner dans son pays d’origine, la Belgique. Il fut arrêté dans le Nord et disparut en Pologne avec ses compagnons d’infortune. C’est le destin de ce Tolloche qui a pris tous les risques pour sauvegarder sa liberté qui m’a décidé à faire ce film. Et puis il y a ce Juste, un notaire, qui lui aussi a pris tous les risques pour tenter de le sauver..."
     
     Une interview de Tony Gatlif à propos de son dernier film

    Pour votre info, James Thiérrée qui joue le rôle de Taloche n'est autre que
    le petit-fils de Charlie Chaplin...
    ce qui explique peut-être sa facilité à se mouler dans
    la peau de ce personnage à la fois clownesque et tragique à la fois.

    Son grand-père, il ne peut guère le renier, non... ?

    James Thierree
     
    Quant au personnage de Mademoiselle Lundi, il vient de la résistante Yvette Lundy, elle-même institutrice pendant la guerre dans le village de Gionges dans la Marne.

    Yvette Lundy résistante

    Celle-ci, toujours en vie, s'exprime sur son action pendant la guerre :


    "Etre résistant, c'est être un peu "anormal" dans la société de l'époque. Au début de la guerre il y avait seulement quelques dizaines de résistants dans la Marne. Ma famille s'est trouvée engagée dans la Résistance dès l'été 1940. Nous habitions au Nord de Reims, pas très loin du camp de Bazancourt où étaient enfermés plus de 3000 soldats français prisonniers, gardés par les Allemands. Certains sont parvenus à s'enfuir et nous en avons recueilli. Il fallait les habiller en civil, les nourrir, leur changer l'identité. Comme j'étais institutrice et secrétaire de mairie, je pouvais faire des fausses cartes. Les cartes d'identité étaient nécessaires pour pouvoir obtenir les cartes d'alimentation à cause du rationnement. Mes frères avaient de la place chez eux et pouvaient héberger plusieurs personnes, moi je ne pouvais en héberger qu'une seule à la fois. J'ai aussi fait des fausses cartes d'identité pour des familles juives, pour des gens qui refusaient de faire le S.T.O. et qui se cachaient . D'autres personnes ont hébergé des aviateurs anglais et américains dont les avions avaient été descendus par la D.C.A et qu'il fallait cacher pour les faire repartir en Angleterre. J'ai été dénoncée et les Allemands sont venus m'arrêter dans ma classe, devant mes élèves ! J'ai été emmenée et interrogée au Cours d'Ormesson à Châlons puis emprisonnée au fort de Romainville et ensuite on nous a entassées en train, dans un wagon à bestiaux : 120 femmes là où il y a de la place pour 6 chevaux. Nous avons eu 4 jours et 3 nuits de voyage avec juste une ration de pain chacune, une bassine d'eau et une tinette commune. On ne pouvait pas être toutes assises en même temps. Puis on est arrivées au Nord de Berlin, à la gare de Fürstenberg, on a fait 4,5 km de marche et on est arrivées au camp de Ravensbrück".

     Rappel historique

     Avec la guerre, Himmler, le chef de la police d’Hitler devient le responsable de toutes les opérations de génocide et de déportation. À partir de 1941, il conduira la liquidation de millions de personnes et des 6 millions de Juifs. Son bras droit, Arthur Nebe, est le responsable du génocide des Tziganes. Par un décret du 16 décembre 1942, appelé  ultérieurement Auschwitz Erlass, Himmler décida du transfert des Tziganes et des Zigeuner-Mischlinge du grand Reich à Auschwitz-Birkenau. Le registre du camp a été découvert et publié. Au moins 23 000 Tziganes étaient à Auschwitz-Birkenau. Les familles tziganes d’Allemagne, d’Autriche, de Bohême Moravie, des Pays-Bas, du Luxembourg, de Belgique et du Nord et du Pas-de-Calais, furent totalement exterminées. De même les Tsiganes de Pologne furent liquidés avec les ghettos juifs ou massacrés sur place.  La Troisième République impose leur assignation à résidence sur l’ensemble du territoire métropolitain et pour toute la durée de la guerre par un décret-loi daté du 6 avril 1940, soit un mois avant l’invasion des troupes allemandes. Les nomades arrêtés et assignés par les gendarmes seront les principales victimes de l’ordonnance allemande du 4 octobre 1940 qui ordonne aux autorités françaises de procéder à l’internement des Tsiganes en zone occupée. Entre 6 000 et 6 500 personnes majoritairement de nationalité française furent internées en famille dans les 30 camps d’internement pour nomades dont 5 situés en zone libre. L’internement en zone libre et notamment dans le camp de Saliers (Bouches-du-Rhône) releva de la décision exclusive du gouvernement de Vichy. Ces camps étaient gérés par les préfectures, surveillés par des gendarmes. Les familles vécurent ces années d’enfermement dans la plus grande précarité tant physique que morale et dans l’indifférence totale. Les plus importants étaient ceux de Montreuil-Bellay, Jargeau et Poitiers. Les Tsiganes de France ne furent pas concernés par le décret du 16 décembre 1942 ordonnant la déportation à Auschwitz des Tziganes résidant dans le Grand Reich (à l’exception de 145 personnes arrêtées dans les départements du Nord et du Pas de Calais et déportées le 15 janvier 1944). Bien qu’il n’y ait pas eu de déportation massive, des Tziganes furent déportés dans le cadre du travail au service de l’Allemagne, pour faits de résistance ou pris dans des rafles allemandes.


    Carte des camps d'internement des tziganes en France

    Carte des camps d'internements des tziganes
     
    Quelques photos de ce très beau film

    Marc Lavoine dans le rôle du vétérinaire, maire du village

    Le cheval blessé
     
    Mademoiselle Lundi l'institutrice jouée par Marie-Josée Croze

    Mademoiselle Lundi et le vétérinaire
     
    Les paysages des Monts du lyonnais

    Les roulottes
     
    L'arrestation des tziganes par les forces de l'ordre et les nazis

    Arrestation des roms
     
    Derrière les barbelés...

    Barbelés Camp
     
    Et puis, il y a la musique, toujours aussi partie prenante des films de Tony Gatlif, comme ce morceau de Kalman Urszuj qui rend si bien l’atmosphère de la fête qui se déroule dans le village et qui permet aux tziganes de gagner le sel de leur soupe.
     
    J'ai beaucoup aimé.
     

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